𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡

Chapitre 34 √

- Debout, Princesse ! déclare subitement Ariane en ouvrant la porte d'un grand coup.

Je grommelle en rabattant la couette sur ma tête. Il a fallut qu'Ariane ouvre les volets et la fenêtre bien évidemment. Je la déteste.

- Cela faisait longtemps que vous ne vous étiez pas levée tard comme aujourd'hui.

Je hausse les sourcils sous ma couette, moqueuse. Effectivement, cela faisait longtemps. Retour aux bonne habitudes et à la case départ. Au final, où tout ça va me mener ? Je ne sais même plus ce que je veux et qui je suis.

Je relève la couette et me redresse en soupirant. Le matin, ce n'est clairement pas le moment où il faut me parler.

J'observe Ariane attentivement. Elle chantonne et parcourt ma chambre de pas gracieux et souples. Ses cheveux roux ont été relevés en une jolie queue de cheval dorée et ses joues ont pris une teinte rose depuis la dernière fois que je l'ai vue -ce qui remonte à longtemps.

Son ventre s'est beaucoup arrondi ce mois-ci et elle a pris un peu de poids, je trouve. La grossesse lui va tellement bien mais ça m'agace de la voir chanter comme si tout allait bien.

Non, tout ne va pas bien. Tout va mal justement. Enfin, je pense que dans sa vie à elle, tout est rose mais pas dans la mienne. Entre une horrible sœur, un étrange prince, une famille royale jamais vue au complet et des sélectionnées ennuyeuses à en mourir, tout va clairement mal.

- Tu peux arrêter de chanter et de danser, s'il te plaît ?

Ariane se retourne et me fixe, surprise.

- Vous allez bien, Princesse ?

- Oui. Non. J'en sais rien ! m'énervé-je de bon matin.

- C'est un oui ou un non ?

- Un non.

Ariane s'arrête et m'interroge :

- Qu'y a-t-il ?

- Le prince est... bizarre.

- Bizarre ? Dans quel genre ?

- Dans le genre que je n'arrive pas à cerner sa personne. Il y a deux semaines, il était limite à deux doigts de me dire que j'étais sa future épouse et à présent, il me déteste et me fuit comme la peste puis préfère ma sœur à moi !

Ariane sourit en rangeant les affaires posées sur ma coiffeuse.

- Vous êtes jalouse, tout simplement.

- Et c'est mal ?

Ariane continue d'ordonner ma chambre en répondant simplement :

- Non, ça veut juste dire que vous êtes amoureuse.

Je la fixe, la bouche ouverte et les sourcils froncés. Amoureuse ? Pour moi, ce mot n'était utilisé qu'avec Aiden. Je suis amoureuse d'Aiden.

C'est d'ailleurs ce que je ne manque pas de lui faire savoir :

- Non. Je suis amoureuse d'Aiden.

- Vous croyez que vous l'êtes. Mais les gens changent et cet Aiden vous a trompée. Ça vous a fait du mal mais pas au point de vous briser complètement le cœur et vous avez compris que vous n'étiez pas réellement amoureuse de lui. En revanche, le prince Kaled vous fascine n'est-ce pas ? Vous pensez tout le temps à lui et quand il a préféré votre sœur à vous ça vous a pas mal attristée. Vous êtes amoureuse, Sarah. Je le vois dans vos yeux. Ils brillent comme des étoiles filantes.

Ariane finit de ramasser les quelques affaires que j'ai laissées tomber par terre puis se tourne vers moi, sa main sur la poignée de la porte :

- Ce regard ne trompe pas. Ce n'est pas mal d'être amoureuse, Sarah. C'est même la plus belle chose à expérimenter. Aimez-le, battez-vous pour vos sentiments. Ne les laissez pas s'effriter avec le temps. Ne laissez personne vous voler ces étincelles dans vos yeux.

Je le regarde partir, pensive. La porte se referme derrière elle dans un bruit discret, Ariane me laissant seule avec mes doutes. Et si elle avait raison ?

• • •

J'avance dans les couloirs du palais, le ventre noué, le cœur battant et les mains moites. Je dois parler au prince mais pour ça faudrait-il déjà que je me rappelle où se trouve sa chambre.

Il faut vraiment que je pense à trouver un carnet quelque part et à faire un plan du palais : c'est un vrai labyrinthe. Je soupire et me masse le front.

Depuis le début du trajet, je n'ai pas arrêté de triturer mes doigts, mortifiée. Je n'ai jamais été aussi stressée à l'idée de parler à quelqu'un de toute mon existence. C'est vrai qu'en apparence, j'ai plutôt l'air de la fille sûre d'elle et qui n'a pas froid aux yeux mais au fond, je suis terrifiée.

À force d'avoir marché et déambulé dans les couloirs, je finis par arriver dans le quartier royal. Il est plus de vingt-trois heures passées, je suis habillée d'un simple short et d'une débardeur qui ne cache presque rien et je ne sais même pas si venir ici est une bonne idée. Je suppose que non étant donné que tous mes choix ne sont pas de bonnes idées en général.

Je reconnais la porte blanche à laquelle j'ai toqué le jour où Ariane n'allait pas bien et m'approche de celle-ci. Je lève la main pour frapper et reste bloquée.

Non. Je devrais rentrer dans ma chambre et attendre mon élimination dans deux jours. Aiden et maman m'attendent.

Je le vois dans vos yeux. Ne laissez personne vous voler cette étincelle. Battez-vous.

Je m'apprête à faire demi-tour quand mon cœur l'emporte sur la raison et que je toque à la porte du prince. C'est un choix que je regrette aussitôt et je sais que tout ça va mal finir.

Je regarde à gauche en cherchant du regard une issue. Si je cours assez vite, je pourrai tourner dans l'autre couloir et le prince ne me verra pas. Oui, c'est une bonne...

Je n'ai pas le temps de mettre mon plan à exécution que la porte s'ouvre d'un coup sec et qu'une voix rauque masculine intervient :

- Que fais-tu ici Sarah ?

Je tourne la tête et bredouille lamentablement :

- Je... Non, en fait... Euh, je vais y aller.

Lâche.

Je m'apprête à m'en aller quand sa main chaude emprisonne mon poignet et qu'il me tire vers lui. Je le fixe, complètement éblouie par sa beauté. Décidément, il est beau du matin au soir. Et je finis par me perdre dans son regard azur. Je me surprends même à vouloir poser mes lèvres sur les siennes pour voir si leur douceur égale celles d'Aiden, à vouloir passer ma main dans ses cheveux et à le prendre dans mes...

Qu'est-ce que je raconte moi ? Je relève la tête et le surprends lui en train de me dévisager littéralement de la tête aux pieds.

- Suis-je plaisante à voir, Votre Altesse ? raillé-je.

Je croise mes bras sur ma poitrine les cachant ainsi. Il rive son regard au mien et s'excuse :

- Navré. Votre haut est presque transparent.

Je manque de m'étouffer avec ma salive.

Ce type est parfait. Trop parfait. Enfin, je n'oublie toujours pas le fait qu'il m'ait accusée d'avoir dégradée la bibliothèque.

- Je suis venue parler de cette bibliothèque et de vos stupides accusations, dis-je pour répondre à sa question d'origine.

Il penche la tête sur le côté et soupire. Il finit par ouvrir complètement sa porte pour me laisser entrer et déclare :

- Très bien. J'ai également des choses à te dire, Sarah.

Aïe.