Chapitre 10 √

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— Princesse, vous devez vous lever.

Ariane tire les rideaux, laissant le soleil s'infiltrer dans ma chambre. Je grogne comme un chien et rabat la couverture sur ma tête. Bien sûr, elle s'empresse de tirer le drap pour m'énerver de bon matin.

— Ariane !

— Sarah, levez-vous, s'impatiente-t-elle.

— Je rêve ou tu viens juste de m'appeler Sarah ? dis-je en me levant plus vite que prévu.

— Oui allez, debout !

Un sourire béat me prend au visage.

— Pourquoi ? Je dormais si bien...

— Il est treize heures passées, Mademoiselle !

— Et donc ? Le prince ne veut pas me voir, bien que je m'en fiche royalement. Alors je dors. Je passerai le mois à dormir s'il le faut, jusqu'à me faire éliminer !

— Mais justement, cela va devenir un problème. Vous êtes vingt et vous êtes la seule qui ne lui a pas encore adressé la parole !

— Tu plaisantes, j'espère ? Tu m'as dit que tu m'aiderais à me faire éliminer !

— Mais pas ainsi, princesse. Il trouvera votre comportement trop suspect et au contraire, il voudra en savoir plus sur vous. Ne faites pas l'indifférente et la fille qui enfreint toutes les lois, jouez la fille normale pour une fois, qui porte des robes et qui est jolie, sans montrer votre comportement excessif. Le prince aime les filles avec du caractère et qui savent ce qu'elles veulent, donc vous. Faites-vous des amies et ayez l'air normale au lieu de dormir toute la journée !

— Comment peux-tu savoir ce qu'il aime ? lui demandé-je soudainement.

Ariane rougit et hausse les épaules d'un air indifférent.

— Je raconte ce que j'entends.

— Tu l'as séduit par le passé ?

Mon sourire s'élargit en même temps qu'Ariane devient encore plus rouge. J'éclate de rire alors qu'elle s'empresse de bafouiller :

— N'importe quoi ! Écoutez, j'ai entendu des rumeurs, je vous le jure. Le prince ne m'attire guère. Enfin, il est très séduisant mais... Peu importe. Faites-vous petite, Sarah, ne jouez pas la femme forte où il commencera à vous apprécier.

Je soupire malgré moi. Elle a raison dans le fond mais c'est compliqué à faire en sachant que je dis tout ce qu'il me passe par la tête. Alors réfléchir constamment à ce que je peux bien dire, comment je peux me comporter va être plus dur que prévu.

— Il y a bien un jour où le prince éliminera des sélectionnées, n'est-ce pas ?

— Le vingt-neuf mars, à la fin du mois. Il en éliminera cinq.

— D'accord... Tu m'avais dit avoir de belles robes à me proposer. Où sont-elles ?

Ariane sourit et sautille sur place.

— Vous verrez, vous allez être magnifique !

• • •

— Tu es sûre que ce n'est pas un peu trop ?

Je m'observe dans le miroir, les joues rouges. Ariane a fait du bon boulot. Je n'ai jamais vu une personne être aussi douée pour mettre en valeur les autres. Je ne me reconnais pas.

Elle m'a choisi une robe bleu foncé dont le tissu est d'une douceur incroyable. Les pans de la robe sont ornés d'un motif argenté, donnant un brin de nouveauté dans cette robe très classique. Ma poitrine est bien mise en valeur mais j'avoue étouffer un peu à cause du corset.

Elle a ajouté des bracelets discrets à mon poignet gauche, ainsi que des bagues en or à ma main droite. Et pour combler le tout, elle a détaché mes cheveux qu'elle a soigneusement lavé au préalable pour les laisser retomber en cascade dans mon dos.

Quant au maquillage, elle a souligné mes yeux d'un trait noir de khôl et ajouté un rouge à lèvre discret à ma bouche.

— Vous êtes magnifique, princesse...

Elle m'observe, accoudée contre la coiffeuse. Elle a l'air perdu dans ses pensées, s'imaginant sûrement déjà à un bal avec son prince à elle.

— Tu peux me tresser les cheveux, Ariane ? Je ne les détache que le soir, ils sont beaucoup trop longs et avec cette chaleur, je risque d'étouffer.

— Mais vous êtes tellement belle comme cela !

Je soupire, résignée. Elle a sûrement raison. Je ne pensais pas avoir les cheveux aussi longs. Ils m'arrivent quasiment jusqu'aux reins.

Soudain, je me décide à enlever les bijoux qu'elle m'a fait porter.

— Sarah ! Que faites-vous ?

— Ils me grattent. Je n'aime pas.

— Vous n'aimez pas être jolie ?

Je me fige. Vous n'aimez pas être jolie ?

— Sans vouloir paraître prétentieuse, si je croise le prince dans cette tenue il risque de faire un malaise. Ariane, tu me dis de me cacher dans le décor, mais mon physique, je ne peux rien y faire. Mieux vaut s'enlaidir pour rester caché.

Avec un petit coton, c'est le cœur serré que je nettoie son maquillage. Après ces quelques modifications, je me sens beaucoup mieux. Je me sens enfin moi. Je réalise alors que ce monde de robes, de maquillage et de princesses n'est pas fait pour moi.

J'aime être en pantalon, en baskets et en sweat et je déteste les robes. J'ai toujours détesté les robes de toute manière. Alors s'il faut en porter pendant un mois, je le ferai. Mais je ne mettrai plus jamais de maquillage et de bracelets. C'est trop pour moi.

— Princesse...

— Pardonne-moi, Ariane. Ce monde n'est pas fait pour moi et je ne peux pas me permettre de succomber à tous ces charmes.

Je soupire en ouvrant la porte de ma chambre puis avant de la refermer derrière moi, lui intime :

— Je vais me balader un peu.

J'arpente alors les couloirs, ayant un peu de mal à marcher avec ces fichus talons. Ils ne sont pas très hauts pourtant mais ils me font mal. Je décide de les enlever et de les prendre à la main.

Les minutes passent et je finis par descendre les escaliers pour arriver au rez-de-chaussée du palais. Les gardes ne font même pas attention à moi. Tant mieux. Mon regard se porte directement sur le jardin où il n'y a personne.

Le jardin...

Je n'y suis pas allée encore. Peut-être pourrais-je y faire un petit tour ? Je me dirige vers les portes grandes ouvertes, un sentiment de liberté m'envahissant soudainement. Je suis dehors, il fait beau et les oiseaux chantent. Comme dans les films...

Mes pieds entrent en contact avec l'herbe ce qui me picote un peu au début mais je finis par rapidement m'y habituer. Ça me rappelle Aiden et nos virées nocturnes. Quand on se promenait dans les champs ou dans les jardins des voisins et qu'on s'embrassait sous le clair de lune... À ce moment-là, je pensais que rien ne nous séparerait. Et pourtant...

Lassée, je me laisse marcher sans but précis. Le soleil cogne contre mon visage. Je fronce les sourcils en tentant d'y voir quelque chose, une main barrant mes yeux.

Et alors, une voix me tire de mes pensées :

— Jamais de toute ma vie, je n'aurais cru voir une femme pieds nus dans mon jardin.

𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant