Chapitre 5 √

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— Ça va, ma chérie ?

Je m'essuie rapidement la bouche, prise de nausées. Non, c'est impossible. C'est tout bonnement impossible ! Il n'y avait pourtant qu'une petite chance que je sois qualifiée... Pourquoi le destin s'acharne autant sur moi ?

Je me redresse, abasourdie. Je dépasse ma mère puis reporte mon attention sur la télévision. Une photo de moi -celle qui a été prise dans le cabinet- est projetée à l'écran. J'ai une tête affreuse en plus. Mes cheveux sont désordonnés, mon regard perdu et un faible sourire se dessine sur mes lèvres.

Je n'arrive pas à le croire. Je suis sélectionnée. C'est impensable, cela ne devait pas arriver. Parmi les deux-cent mille candidatures, ils ont dû me choisir moi ? Pourquoi pas une autre, tiens ! C'est totalement injuste. Injuste mais incroyable.

— Tu te rends compte, Sarah, tu es qualifiée !

Sans blague. Ce n'est pas comme si le monsieur grisonnant ne venait pas de le dire.

— J'avais remarqué merci , marmonné-je, dépitée.

Je me rassois sur le canapé. Ma mère fait péter le bouchon de champagne avec Solenn tandis que j'écoute le présentateur attentivement. La Sélection se déroulera pendant cinq mois : mars, avril, mai, juin et juillet. Le mariage aura lieu à la mi-août. À la fin du premier mois, cinq sélectionnées seront éliminée. Puis quatre pour le deuxième, troisième et quatrième. Et à la fin, il n'en restera que trois à départager.

Eh bien, parfait. Je n'aurai qu'à me faire éliminer, prier pour que Solenn réussisse et tout ira mieux. Je souris, satisfaite de ce plan (qui au final n'en est pas un très abouti). La seule question qui persiste dans mon esprit est : comment me faire rapidement éliminée ?

Il faut que le prince me déteste, mais comment ? Je devrais peut-être paraître hautaine et méchante et il me haïra sûrement. Ou alors, je lui tiendrai compagnie et mimerai le poulet, il me trouvera sans doute assez folle pour me renvoyer.

Ou bien je peux demander de l'aide à Solenn. Après tout, elle sera peut-être contente d'éliminer une de ses concurrentes ?

× × ×

— Quoi ? Mais non, je ne peux pas...

— Mais si ! Réfléchis, je n'ai qu'une envie : rester ici et toi, tu veux rester le plus longtemps possible là-bas. Tu m'aides à me faire évincer, tu continues ta petite route et tout va bien !

Solenn se mordille la lèvre. J'essaie de ne pas hausser le ton étant donné que notre mère dort à cette heure-ci mais c'est assez difficile de convaincre Solenn.

Dans la famille, Solenn a toujours été un exemple à suivre, le genre de fille parfaite. Ma mère l'admire, l'aime et la félicite tout le temps. Quant à moi, je suis un peu la rebelle de service qui n'en fait qu'à sa tête. On me traite de sauvage. Un adjectif bien trop faible pour désigner mon caractère de déesse.

— Sarah, je ne sais pas... Tu es ma sœur, je ne peux pas t'aider à te faire éliminer !

— Solenn, j'ai besoin de ton aide. Je suis amoureuse d'Aiden et j'ai envie de rester ici, pas de vivre dans un palais de riches. Toi, tu aimes le luxe et tant mieux ! Mais moi, je veux garder ma vie actuelle...

— Écoute, on verra là-bas, d'accord ?

Elle me scrute quelques instants, l'air pensive, puis finit par rejeter sa chevelure en arrière comme dans les films. Posant sa main sur mon épaule comme pour me réconforter, je hoche la tête en soupirant, résignée.

Elle se lève alors puis sort de ma chambre à pas de loups. Je m'allonge sur mon lit, épuisée. Si seulement je ne m'étais pas inscrite, rien de tout ça ne serait jamais arrivé. Je n'aurai jamais dû le faire. Me voilà embarquée dans un monde qui n'est pas le mien. Et le prince aura beau être séduisant, intelligent ou j'en passe, jamais je n'épouserai un homme que je ne connais pas ! J'aime Aiden et ça ne changera pas.

— Psss !

Je me relève, intriguée. Une ombre à ma fenêtre me laisse perplexe. Accroupi sur le rebord de fenêtre, Aiden a l'air essoufflé. Il me tend la main alors que je fronce les sourcils, perplexe.

— Aiden ?

— Suis-moi.

Je passe à travers l'encadré de la fenêtre, ma main dans celle d'Aiden.

— Qu'est-ce que tu fais ici ? Si ma mère t'entend, tu as signé ton arrêt de mort !

Il m'ignore complètement et saute pour atterrir dans le jardin. La hauteur entre le rebord et le sol n'est pas très élevée alors je l'imite. Glissant ma main dans la sienne, nous traversons la route alors que je le bombarde de question. Il continue de m'ignorer et répond simplement qu'il s'expliquera après. Il nous emmène alors dans un champ derrière ma maison, celui appartenant au voisin. Il s'assoit, me faisant signe de faire de même.

— Aiden, qu'est-ce qu'il y a ?

— J'ai vu les informations à la télé comme près de cinquante millions de gens.

Je déglutis discrètement, levant mes yeux vers le ciel étoilé. Ma vie était tellement bien, tellement parfaite. Pourquoi faut-il que tout change maintenant ? Si l'on ne m'avait pas poussée à m'inscrire, jamais je n'aurais été sélectionnée !

— Aiden...

— Félicitations à toi, tu fais partie des vingt sélectionnées.

— Aiden, ne prends pas ce ton avec moi ! Tu m'as incitée à participer, je l'ai fait. Maintenant, tu assumes ma sélection.

Il a un petit sourire en coin.

— Tu vas me manquer, Sarah.

Il fait exprès de me taquiner. Il sait que j'ai horreur de ça. Je lui renvoie son sourire et réponds :

— Toi aussi, tu vas me manquer. Mais je reviendrai vite.

— Comment ça ?

— Je me ferai éliminer dès le premier mois, je reviendrai bientôt.

Il hausse les sourcils, amusé. Puis sa jalousie reprend le dessus et il se renfrogne :

— On verra bien. Le prince est très beau à ce qu'on dit. Et tu es belle, alors...

— Je t'aime Aiden, toi et toi seul.

— Tu sais, les sentiments évoluent et changent alors il se peut que...

Je pose mon index sur sa bouche, ne souhaitant pas entendre la suite.

— Non, tais-toi.

Je scelle mes lèvres aux siennes, le cœur battant à n'en plus finir. Il pose ses mains de part et d'autre sur mon visage, me laissant sur un petit nuage. Sa bouche humide se colle à la mienne alors que je passe mes doigts dans ses cheveux, la poitrine emplie d'un sentiment exaltant.

Nous finissons par reculer, main dans la main. Ses yeux se rivent aux miens et il saisit mon poignet pour y déposer un baiser délicat. Je l'aime autant qu'il m'aime, il n'y a aucun doute à se faire la-dessus.

— Je t'aime... Bien plus que tu ne l'imagines, souffle-t-il.

𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant