Chapitre 32 √

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- Tu nous as écouté, Sarah ?

Sortant de mes pensées, je déclare d'une voix un peu trop rêveuse :

- Hein ?

- Elle n'écoute pas, marmonne Nadia, encore une fois ! On parlait de toi. Tu devrais aller parler au prince. Tu ne peux pas rester comme ça à ne rien faire, c'est ton destin qui est en jeu.

Je hausse les épaules. Savent-elles que je veux partir d'ici ? Enfin... Avant, si j'étais à deux doigts de m'en aller d'ici, j'aurai sauté de joie mais à présent, je doute. Je doute de tout. Je pense qu'au final, cette vie de princesse n'est pas si désagréable que ça.

- Il ne m'écoutera pas, soupiré-je, lassée de cette conversation qui vient à peine de débuter.

- Qu'est-ce que tu en sais ? Tu as essayé ? Non. Alors va lui parler, nom de Dieu ! s'exclame Neyla.

- Laisse-la, intervient Diana. Si elle ne veut pas aller lui parler, personne ne la forcera. Et puis, les rumeurs circulent dans le palais. C'est vrai que tu veux partir ?

Alors elles savent.

Je redresse la tête, fais craquer mes doigts et penche la tête, l'air de me poser la question alors qu'en réalité, je connais parfaitement la réponse. Enfin, je la connaissais jusqu'à ce que ces filles deviennent mes amies, et que ce maudit prince vienne hanter mes pensées.

Tout était pourtant si bien dessiné dans mon esprit. Je ne devais pas me lier d'amitié, me faire éliminer en étant la plus haïssable possible. J'aurais pu revoir ma maison. Mais je suis devenue la favorite.

Le destin en a voulu autrement. Depuis les récentes déclarations de ma sœur au sujet d'Aiden, l'attitude du prince et ces filles fraîchement débarquées dans ma vie, mon plan tombe à l'eau.

Je me suis laissée emportée par mes sentiments alors que je n'aurai pas dû, je les ai laissés voir ma vraie personnalité et non la fausse que je devais me créer. Et maintenant, il est trop tard pour reculer.

Je ne peux pas tout laisser tomber en les ignorant du jour au lendemain, ça serait idiot et cruel de ma part. Avant, j'avais Aiden et ma mère comme raisons de m'en aller mais à présent, je n'ai plus que ma mère. Je n'en ai plus qu'une et j'ai du mal à me détacher de tout ça. J'ai du mal à me détacher de cet univers dans lequel je me suis laisser embarquée.

- Avant, oui. Maintenant, je n'en sais rien. Je suis perdue.

Diana pince les lèvres et son regard se détache du mien pour se poser sur un point derrière mon épaule. Je n'ai pas besoin de me retourner pour savoir de qui il s'agit. Il suffit juste de voir le regard de braise de Diana.

Je me décide à tourner la tête pour porter mon attention sur l'homme qui pense aujourd'hui que je suis une piètre menteuse. Si un jour, je devais saccager cet endroit comme Solenn l'a fait, je me montrerai plus fûtée qu'elle. Néanmoins, elle a tout de même été très intelligente. Rien ne l'accuse, toutes les fautes sont reportées sur moi.

Je jette un regard à ces quatre filles devant moi qui m'encouragent du regard à aller le voir, à aller prouver à cette peste qu'est ma sœur ce que je vaux.

Après un petit pincement de lèvres, je me lève et avance jusqu'au prince qui apparemment, n'a pas l'air très heureux de me voir. Du coin de l'œil, je remarque qu'il attend une personne en particulier et cette personne n'est autre que le diable incarné.

Refusant de me laisser démonter, j'avance, l'air sûre de moi alors qu'au fond, je tremble comme une feuille.

J'arrive à sa hauteur et déclare d'un ton calme :

- Je n'ai rien fait.

Il me fixe, un sourire froid aux lèvres, les mains dans le dos. Me jaugeant de haut, il réplique d'un ton glacial :

- Et je suis censé te croire ?

- Oui. Ou bien vous pouvez croire cette peste de Solenn et assumer le fait d'être un idiot borné et injuste dans le choix de ses décisions.

- Assez, Sarah.

Et sa voix, sa voix... Sa voix résonne à mes oreilles et ça me brise le cœur. Il ne me croit pas.

- Au prochain tour, tu seras éliminée. Tu pourrais assumer tes actes au lieu d'accuser ta sœur.

Et ça me fait comme un choc, comme un coup de poignard dans le cœur. Il veut m'éliminer. Au prochain tour. Ce dernier est exactement dans huit jours.

Je le fixe, éberluée.

Jamais l'idée de t'éliminer ne m'avait une seule fois effleuré l'esprit, Sarah.

Je finis par froncer les sourcils puis croise les bras. J'entends au bruit des talons martelant le sol que celle qui était autrefois ma sœur s'approche de nous. Je l'imagine déjà avec son sourire victorieux, sa belle robe rouge mettant toutes ses formes en valeur et ses yeux d'ange.

Je lui jette un coup d'œil et effectivement, elle est comme je l'imaginais.

- « Jamais l'idée de t'éliminer ne m'avait une seule fois effleuré l'esprit », vous vous en rappelez ?

Moi, oui.

Je jurerais voir une émotion passer dans son regard mais n'arrive pas à déceler laquelle. Il se racle la gorge et rétorque, toujours avec sa froideur habituelle :

- Eh bien maintenant, elle m'effleure l'esprit. C'est fou comme les gens peuvent se montrer surprenants parfois.

Solenn me dépasse en me bousculant légèrement et s'approche du prince où ce dernier lui fait un doux baise-main. Je les fixe, mi-dégoûtée, mi-choquée.

Ne laissant pas transparaître mes émotions, je reporte mon attention sur le prince. J'ignore le démon qui se tient à ses côtés et lâche :

- Pourquoi ne me croyez-vous pas ?

- Je t'offre la possibilité de t'en aller dans une semaine et tu t'acharnes à te faire entendre mais... Pourquoi ? s'agace-t-il.

Et c'est plus fort que moi, je m'exclame :

- Parce que je me plais ici ! Parce que cette situation est totalement injuste ! J'ai envie de rester et l'idée de partir loin de mes amies, loin de... loin de vous me fait peur.

Un ricanement féminin m'interrompt et je dépose alors mon regard sur Solenn qui me fixe en riant aux éclats.

- Sarah, Sarah... Petite sœur, cette vie n'est pas pour toi. Tu as saccagé la bibliothèque, c'est un acte impardonnable. Ne t'en fais pas, tu retrouveras ton Aiden chéri et tu passeras le bonjour à maman, j'ai tellement de...

- Oh, la ferme, toi. Tu ne sers à rien à part me couper la parole sans cesse pour sortir des débilités ! Assume un peu que tu as pris un malin plaisir à me faire porter le chapeau en m'accusant au sujet de cette bibliothèque ! Je n'ai rien fait et je ne vous demande qu'une chose, Votre Altesse Royale, je vous en prie, ne m'accusez pas sans autre preuve que les propos de cette peste.

À force d'avoir crié, les quelques autres sélectionnées se trouvant dans la pièce m'observent comme si j'étais une bête de foire. Au fond, je suis leur amusement, leur passe-temps. Au vu de leur regard, je ne pense pas être très appréciée. Mais ça, je n'en ai rien à faire. Ce qui m'importe, c'est cette histoire de bibliothèque et de mensonges. Qu'on m'accuse, c'est un fait. Mais qu'on m'accuse sans preuves, ç'en est une autre.

- Ça suffit, Sarah.

Je relève mon regard à présent embuée de larmes. Maintenant, il a aussi ce regard que les autres me portent. Ce regard comme si je ne valais rien.

Je savais que j'étais tombée. Mais je ne pensais pas tomber si bas. Et encore moins que la chute serait si douloureuse.

𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant