𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡

Chapitre 1 √

— Sarah, je t'ordonne de revenir ici immédiatement !

Je secoue la tête, les poings serrés, la tête relevée, bien décidée à ne pas céder. Elle ne me dira pas quoi faire, un point c'est tout. Je ne participerai jamais à ce stupide test et elle n'a pas le droit de m'y forcer. Je n'y vois que des mauvais côtés de toute manière. Pourquoi diable irais-je lui obéir ? Et puis, il est hors de question que je quitte mon village juste pour lui faire plaisir !

Pour vous expliquer brièvement, je suis actuellement en train de rentrer chez moi, mais une mère folle à lier me court après, ses bras se secouant vivement dans tous les sens. Son visage est rouge de colère et je redoute qu'elle me rattrape. Si elle avait une sandale, je mettrai ma main à couper qu'elle me frapperait avec. Heureusement pour moi, elle n'en a pas.

— Sarah Crawford !

La rue est plutôt calme en ce dimanche matin. Les quelques passants présents là m'observent, certains choqués de mon comportement, d'autres habitués à assister à ce spectacle. Il faut dire que nous sommes connues dans tout le village pour nos querelles incessantes. Les gens me considèrent insolente et irrespectueuse alors que je sais me montrer parfaitement aimable.

Je relève la tête. Les mères éloignent leurs enfants de moi, le regard meurtrier. Je pousse un petit soupir las et lève les yeux au ciel. J'aimerais leur dire que je n'ai pas l'intention de manger leurs enfants pour le moment mais elles ne semblent pas décidées à me croire.

Il est vrai qu'ici, je suis connue pour avoir un sacré caractère, et pour en faire voir de toutes les couleurs à ma mère. Mais bon, je n'en ai rien à faire de ce qu'ils peuvent penser de moi, jamais je ne m'inscrirai à ce fichu test pour avoir la soi-disant chance d'être une sélectionnée. C'est sûr que vivre dans un palais et se dorer la pilule à longueur de journée, ça vaut la peine de tenter sa chance !

— Sarah, je t'en prie, reviens !

Ma mère est au bord des larmes, je l'entends à sa voix qui se brise. Les gens me fixent, outrés de la situation. Je leur lance des regards menaçants, priant secrètement pour que mes yeux leur envoient des fléchettes.

Je me retourne et découvre ma génitrice à bout de souffle, les bras lâches, le dos vouté. Sa tunique est froissée et d'un geste nerveux, elle remet en place une mèche de cheveux.

Ma mère qui s'énerve, c'est une chose. Mais ma mère qui est à deux doigts de pleurer, c'en est une autre.

— Quoi, maman ?

Elle pousse un petit soupir, l'air soulagée. Elle me fait signe de la suivre, m'emmenant à l'écart dans une petite ruelle étroite. Je ne me retourne pas sur les chuchotements incessants des passants. Ils ne savent rien de moi, ils ne connaissent rien de l'histoire et je me fiche complètement de ce qu'ils peuvent penser de moi.

— Écoute, tu dois participer à ce test, tu comprends ?

— Non. Je ne comprends pas. Je ne comprends rien. Et d'ailleurs, je n'ai pas envie de comprendre. Donc n'use pas ta salive inutilement car je ne t'écouterai pas.

Et c'est vrai, je n'ai pas l'intention de l'écouter. Il y a à peine une heure, tout allait parfaitement bien. J'étais dans les bras d'Aiden, heureuse de ma vie et de mon petit train-train. Si j'avais su qu'on me bourrerait la crâne avec cette idée de Sélection, je serais partie en courant !

Un peu plus tard, ma mère a débarqué avec une lettre à la main qu'elle m'a lue attentivement, son visage resplendissant de bonheur comme si elle allait m'annoncer qu'elle avait trouvé l'homme de sa vie. Ou qu'elle était enceinte. Non, je ne pense pas qu'elle serait heureuse d'avoir une deuxième Sarah à la maison. Quoique, cela pourrait être marrant. Deux fois plus de bêtises !

Elle était heureuse d'avoir enfin la chance de pouvoir nous offrir une vie meilleure, à moi et ma sœur. Ça, je l'ai très bien compris. Mais je fais l'ignorante, cherchant à tout prix une excuse pour ne pas participer à cette épreuve. Une épreuve où j'ai tout à perdre.

Si je participe, j'ai une chance de me qualifier. Une chance minime, certes. Mais il y en a quand même une et je ne veux pas prendre de risques. Je préfère de loin jouer la carte sécurité !

— Sarah, si tu te qualifies, tu pourras enfin manger à ta faim, tu le sais ça ? Tu ne seras plus obligée de travailler, tu pourras enfin être heureuse et épanouie. Tu ne manquerais plus jamais de rien, je n'ai jamais pu vous offrir cette chance...

— Mais je suis déjà heureuse ! J'ai Aiden, toi et Solenn, que demander de mieux ?

— Ça te plaît de te lever chaque matin à cinq heures pour aller bosser jusqu'à dix-huit heures ? Sarah, tu es devenue tellement maigre ces dernières semaines et je ne sais plus quoi faire. Ce test est une opportunité de pouvoir rendre ta vie meilleure et même Solenn y participe ! Alors pourquoi pas toi ? Pourquoi est-ce si dur de donner une chance à une vie meilleure ?

— Parce que j'ai déjà tout ! Je ne veux pas quitter Aiden ! explosé-je.

— Aiden est un garçon parmi tant d'autres ! s'époumone-t-elle.

Elle cherche à avoir raison, comme toute mère pleine de bon sens. Mais je refuse de l'écouter, je préfère faire la sourde oreille.

— Je l'aime et tu n'as pas ton mot à dire sur mes sentiments.

— Et le prince ? Tu l'as vu au moins ? Il est très beau.

Elle essaiera par tous les moyens de me convaincre à participer au test mais ma décision est prise : je ne le ferai pas. Je l'ai déjà vu ce prince. Il est tout sauf beau. Il est ignoble !

Menteuse, tu ne l'as jamais vu.

— Non, il est laid. Et il m'a l'air un peu trop prétentieux et sûr de lui.

— Tu ne le connais pas, Sarah. Ne juge pas les gens sur de stupides apparences et cesse de mentir, il est d'une beauté à en faire fondre plus d'une.

— Maman, je ne participerai pas. Jamais. Tu comprends ? Maintenant, occupe-toi de Solenn qui sera ravie d'effectuer ce test et fiche-moi la paix. Je suis amoureuse d'Aiden et je ne quitterai pas ma vie pour habiter dans un palais de riches pendant cinq mois.

Je me détourne d'elle. C'est un dialogue de sourds entre elle et moi, mais c'est ma vie, pas la sienne. Elle n'a aucunement le droit de décider à ma place concernant mes choix personnels.

Maintenant, je dois retrouver Aiden. J'ai besoin de lui plus que de quiconque sur terre.