Chapitre 35 √

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J'entre dans sa chambre pour la première fois, et en passant devant lui, le frôle dangereusement. Je sens que tout ça va très mal finir. Très très mal.

Alors qu'un silence de mort règne, je me contente d'observer sa chambre. Tout est... Beau. Parfait. Idyllique. Son lit est spacieux, les draps ont vraiment l'air d'être d'une bonne qualité et je meurs d'envie de me jeter dedans... mais comme je suis polie et une vraie princesse, je ne le ferai pas.

Il y quelques cadres accrochés au mur et en face du lit se trouve un bureau avec quelques feuilles posés dessus. Je m'approche de son bureau pour voir de quoi il s'agit mais le bras du prince m'empêche de faire un pas. J'avais oublié que sa force était surhumaine.

- Tu ne veux pas voir ça.

- Si. Laissez-moi voir.

Il secoue la tête, son regard me laissant penser qu'il ne changera pas d'avis. Alors je m'approche de lui et glisse ma main dans la sienne en murmurant :

- S'il vous plaît.

- Ce n'est pas loyal, répond-il sur le même ton.

Il se décale en soupirant et je souris, fière d'avoir gagné ce petit jeu. J'attrape la feuille posée sur son bureau et commence à lire le poème qu'il a rédigé.

Quand la mort se montre généreuse
Cruelle est la vie
De ses yeux
De ses lèvres
Jusqu'à son sourire

Elle est ma damnation
La raison de mon existence
Elle est ma tentation
Mon havre de paix
Elle est ma délivrance

Et quand je tombe
Ce n'est pas la mort qui m'accueille
C'est elle.

Je retourne la feuille et observe le portrait qu'il a dessiné. Et non pas un portrait de Calista, de Solenn ou une autre des sélectionnées, non.

Un portrait de moi.

Avec tous les petits détails de mon visage, les grains de beauté apparaissant sur mon cou, la tâche de naissance présente près de mon lobe d'oreille qui lui a été impossible de voir. Mes cheveux bouclés ont été parfaitement dessinés et il y a cette lueur de malice présente dans mon regard.

Non seulement il est beau, poli et parfait, mais en plus de ça il sait dessiner et écrire des poèmes ! Quand je pense à Aiden qui ne sait que couper du bois, bien embrasser et cuire des pâtes.

Ses dessins sont des bonhommes bâtons, ceux que je passais mes après-midis à dessiner quand j'étais petite. Je n'ai rien contre les dessins bonhommes bâtons mais j'ai devant moi vrai dessinateur.

- Je... Le portrait est vraiment beau. Le poème, à qui s'adesse-t-il ?

Une seconde. Deux secondes. Trois secondes et c'est déjà trop. Je me retourne et remarque que le prince est complètement ailleurs. Je m'approche de lui et effleure son cou de mes doigts.

Étonnament, il revient rapidement à la réalité et me fusille du regard.

- Je t'interdis de faire ça à l'avenir.

- De quoi ? Vous toucher ?

Il hoche la tête. Pour lui répondre, j'attrape d'abord sa main et entremêle mes doigts aux siens et rajoute ensuite :

- C'est dommage. J'aimais bien.

Alors, sa réaction n'est plus la même. Sa respiration s'alourdit, ses pupilles se dilatent.

Je détache mes doigts des siens et repose ma question :

- À qui ce poème est-il destiné ?

- À toi, Sarah. Je pensais que tu l'avais compris.

- Ah... Mais je ne comprends pas très bien, pourquoi voulez-vous me laisser partir ?

Il se détourne de moi pour s'assoir sur son lit.

- Tu sais très bien de quoi je veux parler. Ne fais pas l'ignorante.

- Non, je ne vois pas. Éclairez ma lanterne.

- Tu vas repartir chez toi, Sarah. J'ai prévu de t'éliminer toi et deux autres filles. Je ne changerai pas d'avis.

J'ai beau vouloir montrer que ses propos ne m'atteignent pas, je le fixe, au bord des larmes. J'exagère car je ne pleurerai pas devant lui mais je ne comprends pas.

C'est totalement injuste.

- Pourquoi ? Si c'est au sujet de la bibliothèque, on peut s'expliquer, je...

- Ce n'est pas au sujet de ça. Je sais que tu n'as rien fait, je l'ai compris à la seconde où tu es venue t'expliquer. Mais ces derniers jours, j'ai discuté avec Solenn qui m'a parlé de toi. Je sais que tu veux rentrer chez toi. Elle m'a dit que tu avais pour projet de te marier avec Aiden et que tu étais très amoureuse de lui. Je ne veux pas te retenir plus longtemps ici. Je t'ai gardée un mois de trop ici, j'aurai dû te libérer dès le début mais j'étais tellement... Peu importe, tu vas pouvoir t'en aller, Sarah. Tu vas enfin pouvoir être heureuse.

Je le scrute, à la recherche d'une quelconque once de mensonge mais rien. Il fait l'homme blasé, ce rôle qu'il garde depuis le début que je le connais et je n'arrive et n'arriverai jamais à savoir s'il veut que je m'en aille vraiment ou non.

Il se lève et se dirige vers la porte et l'ouvre comme pour me dire qu'il est temps de partir. Je me redresse alors, le cœur serré.

Vous êtes amoureuse, Sarah. Je le vois dans vos yeux.

Avant de sortir de sa chambre, je dois intervenir. Il se peut que je rate quelque chose si je ne fais rien.

- Allez-vous vraiment m'éliminer ?

- Je suis navré, Sarah. Ton bonheur passe avant le mien.

- Le souhaitez-vous vraiment ?

Il rive son regard au mien et cligne plusieurs fois des yeux avant de les détourner pour revenir rapidement vers moi comme si de rien n'était. Mes lèvres s'entrouvrent légèrement et les battements de mon cœur s'accélèrent.

J'ai enfin vu un autre émotion dans son regard que de la colère.

Du regret.

- Alors ? rappelé-je.

Il ne répond toujours pas et m'ordonne du regard de m'en aller, de ficher le camp d'ici pour ne plus qu'il ait à me revoir.

Je n'ai plus rien à perdre.

- Pourquoi ne pas m'avoir laissée partir plus tôt dans ce cas ?

- Parce que...

Et il ne finit pas sa phrase. Je le supplie du regard de mettre des mots sur ses sentiments.

- Parce que ?

- À la minute où mes yeux se sont posés sur toi, je t'ai voulue, Sarah. Je t'ai tellement désirée que j'en avais mal au cœur. Mon poème met des mots sur ce que je ressens. Tu es ma damnation. Tu es un ange descendu du ciel venu briser mon âme. Tu es ma tentation. Je ne pourrai pas t'avoir et c'est ce qui fait le plus mal. Tu mérites d'être heureuse. Ce bonheur, je ne peux te l'arracher.

Je glisse alors doucement ma main dans la sienne comme je l'ai déjà fait précédemment et me grandis en me mettant sur la pointe des pieds pour glisser à son oreille dans un doux murmure :

- Je ne veux pas m'en aller d'ici, Votre Altesse. Je suis perdue pour le moment, mais je peux vous assurer que vous ne m'êtes pas indifférent. Je... Je ressens des choses avec vous, que je n'ai jamais ressenti avec lui. Il m'a trahie et trompée, je ne veux pas retourner chez moi. Je veux rester ici, à vos côtés. Réfléchissez, s'il vous plaît. C'est tout ce que je vous demande.

Je l'embrasse furtivement sur la joue et sors enfin de sa chambre. Je suis sur une pente glissante, j'en ai conscience. La question à se poser est : aura-t-il assez confiance en moi pour me croire ?

𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant