Chapitre 24 √

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Le second mois de la sélection débute et je n'arrive toujours pas à m'y faire. Je pensais repartir chez moi, retrouver Aiden et ma mère et j'ai eu tout faux depuis le départ. À présent, c'est même le contraire. Je suis la préférée du prince, moi qui souhaitait être la plus haïssable possible.

Tu as fait tout le contraire, idiote.

Je le souhaitais mais je ne l'ai pas fait. Je me suis laissée entraînée, comme toutes les autres filles. J'ai flirté avec le prince au lieu de me rendre détestable. Je l'ai même apprécié alors que je n'aurais pas dû.

Mais maintenant, je dois me rattraper. Si Ariane ne veut plus m'aider, je trouverai les solutions moi-même. Je me débrouillerai comme je l'ai déjà fait de nombreuses fois auparavant.

— Alors, on est la préférée du prince ? Tu m'en caches des choses, sœurette.

Je n'ai pas besoin de relever la tête pour savoir de qui il s'agit. Solenn encore une fois. Elle ne peut donc pas me laisser tranquille ?

— Oh, je te parle.

Je l'ignore et me concentre sur ma lecture.

Je me suis levée tôt comparé à d'habitude. J'ai tout de même raté le petit-déjeuner et j'ai dû attendre qu'Ariane arrive dans ma chambre avec un plateau comportant un chocolat chaud, du pain et de la confiture. Elle m'a à peine adressé un mot et a déguerpi trop vite.

Après avoir mangé, j'ai rejoint la bibliothèque pour dévorer un nouveau livre. Je me sentais plutôt bien jusqu'à l'arrivée de cette peste.

— Elle doit être sourde, ricane la voix de Calista.

Je relève la tête. La silhouette de Calista se décale pour m'observer. Elle porte une robe jaune bouffante alors que Solenn en arbore une violette, presque noire.

— Ou peut-être stupide, rajoute Solenn d'une voix méprisante.

— Ou les deux, ricane Calista avec un sourire moqueur.

Elles commencent vraiment à m'agacer ces deux-là. Elles n'ont même pas le droit d'accéder à la bibliothèque alors je ne vois pas ce qu'elles font ici.

— Vous êtes jalouse parce que je suis sa préférée ? Tu m'étonnes, quel prince voudrait de vous !

Solenn m'ignore, traverse la salle à grandes enjambées et m'arrache brusquement le livre des mains. Elle commence à lire la quatrième de couverture.

— Roméo et Juliette ? Du Shakespaere ? Depuis quand tu es devenue romantique, toi ?

Je me lève et reprends mon livre avec un regard féroce.

— Et depuis quand tu es devenue aussi insupportable ? craché-je. C'est quand tu as passé la barrière du chateau que tes neurones se sont désintégrés ou bien tu étais déjà idiote dans le ventre de Maman ?

Elle hausse les sourcils, choquée. Mais elle se reprend vite et un sourire carnassier déforme son visage. Je meurs d'envie de la baffer.

— Tu as entendu Calista ? dit-elle en éclatant de rire.

Solenn s'approche de moi, d'un pas menaçant.

— Ici, c'est moi la plus grande et tu me dois le respect. C'est moi la future épouse du prince. Toi, tu n'es rien. Tu ne seras jamais quelqu'un.

— Oui, enfin celle qui est la plus partie pour épouser le prince, c'est elle, intervient une voix. Pour rappel, elle est sa favorite !

Je regarde par-dessus l'épaule de Solenn et fronce les sourcils. Une fille à la peau noire est adossée au mur, les bras croisés. Elle observe la scène et reporte son attention sur les deux copines de Solenn.

— Un mot à rajouter ?

Un silence s'écoule et je peux lire dans le regard de Calista de la crainte. Elle a peur de cette fille ? Elle n'a pourtant pas l'air méchante.

— C'est moi qui épouserai le prince, s'obstine Solenn. De toute façon, j'ai toujours été la meilleure. Maman me préférait à toi et elle me l'a déjà dit. Elle a dit que tu n'étais qu'une gamine qui ne prend jamais ses responsabilités quand elle en a et elle a raison ! Tu n'es rien, Sarah. Et tu auras beau vouloir ressembler à quelque chose, tu seras toujours d'une pitié à m'en faire pleurer de rire. Et...

— Oh, ferme-là un peu, intervient la fille noire.

Solenn l'ignore et poursuit, déversant sa haine continuellement sur moi :

— Aiden ne t'a jamais aimé de toute manière. Tu te rappelles le soir où l'on a appris les résulats ? Le matin même j'étais avec lui, dans ses bras. Et qu'est-ce qu'il sent bon... Je me rappelle encore de son odeur et de ses lèvres sur les miennes. Tu es tellement naïve à croire qu'il t'aime. Tu es tellement pathétique. Tu ne vaux rien, Sarah. Et ça ne changera jamais.

Elle rejette sa chevelure brune dans son dos puis s'en va, claquant des doigts pour que Calista la suive. Je reste collée contre l'étagère, les yeux rivés sur ma sœur qui détale.

Je n'ose pas bouger. Je n'ose rien faire. J'ose juste admirer l'immense claque que je viens de me prendre et que j'aurai dû renvoyer. J'aurai dû riposter. Mais je ne l'ai pas fait, parce qu'au fond je reste faible.

Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas possible. Ce n'est pas...

C'est mon monde entier qui s'effondre. Les paroles de Solenn se répètent dans mon esprit, lacérantes. Elle ment. Aiden m'aime. C'est impossible.

Quand je repense à Aiden et à ses belles promesses, ça me laisse bouche bée. C'est comme si mon cœur se brisait en mille morceaux et qu'on le piétinait de sang froid. En l'occurence, c'est Aiden qui me l'a brisé et Solenn qui me l'a piétiné.

J'éprouve un mélange de dégoût, de colère et une immense tristesse. Je crois bien que la tristesse l'a emportée. Je crois bien que Solenn a gagné. Et je crois bien qu'elle a raison. Je ne suis rien en réalité. Je ne vaux rien et elle vient de me le faire comprendre à l'instant.

Alors que je me détâche du mur pour m'écrouler par terre, la voix de la fille retentit calmement :

— Ça va ? Je suppose que non mais... Ne l'écoute pas.

C'est facile à dire pour elle. Elle ne ressent pas la douleur que je ressens en ce moment même. Elle ne ressent pas la tempête qui se défoule dans mon cœur. Elle ne ressent rien de tout ça et elle ose parler ?

— Je sais que tu t'en fous de ce que je dis mais... Tu ne dois pas l'écouter. Elle est jalouse de toi et toi tu vaux tellement mieux que ces pimbêches !

Je relève la tête, sentant les larmes couler sur mes joues. À présent, je suis vide. Vide d'émotions. Seule la tristesse m'empare, souhaitant me briser à tout jamais.

La fille s'approche de moi et me tend la main. Main que je n'accepte pas. Je demande d'une voix rauque :

— Tu es qui au juste ?

— Neyla. Ta future amie et celle qui va t'aider à conquérir le prince et à faire taire toutes ces jalouses. Allez, lève-toi. On a un plan à préparer.

𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡Où les histoires vivent. Découvrez maintenant