𝐏𝐫𝐢𝐧𝐜𝐞𝐬𝐬𝐞 𝐒𝐚𝐫𝐚𝐡

Chapitre 9 √

Je souris à Ariane avant d'entrer dans la salle de réception, attirant tous les regards sur moi. Je suis bien plus en retard que je ne l'imaginais puisque les dix-neuf autres sélectionnées sont déjà assises autour de l'immense table trônant au milieu de la pièce.

Je m'assois à côté de Solenn avant que celle-ci ne me fasse des reproches :

— Tu es en retard !

— Et donc ?

Elle lève les yeux avant de se tourner vers la fille assise à côté d'elle. Je capte le regard mauvais de certaines sélectionnées et me retiens de leur feuler au visage. Pour simple réponse, je leur adresse une grimace.

— Solenn ?

— Quoi encore ?

Sorcière.

— Ils arrivent bientôt ?

— Qu'est-ce que j'en sais ?

Je la dévisage. Ses lèvres sont pincées et elle a cet air renfrogné au visage. Elle n'est plus la même qu'il y a à peine deux heures. Je lui pose une simple question et elle s'énerve pour un rien.

— J'ai fait quelque chose de mal ? lui demandé-je soudainement.

— Mais tu ne vois pas que je parle avec Calista ? Retourne jouer ailleurs et fiche-moi la paix.

Je reste bouche bée. Je ne la reconnais plus. Ce n'est pas ma sœur... Soudain, toutes les filles cessent de parler et se lèvent brusquement. Je suis la seule à rester assise, en observant les autres. Je suis bien installée et je n'ai aucunement l'intention de bouger.

Les coussins des sièges doivent être fait dans une matière très spéciale pour que mon postérieur n'ait pas la force de se redresser...

— Mesdemoiselles, levez-vous et saluez la famille royale d'Aragona !

— Sarah, lève-toi ! m'intime ma sœur, furieuse.

Elle m'attrape par le bras pour me forcer à me lever. Non mais je rêve ! Pour qui se prend-elle celle-là ? Je la repousse d'une main et la fusille du regard. Elle n'a pas à me dire quoi faire à ce que je sache.

Je détourne les yeux d'elle pour les poser sur une grande femme dont la beauté n'égale guère celle de ma sœur. Ses cheveux blonds ont été détachés pour former une cascade de boucles blondes. Ses yeux bleus se promènent sur chacune des sélectionnées pour s'arrêter sur moi.

Elle semble glisser quelques mots à son époux, le roi. Des mots que je ne comprends pas de là où je me tiens. Je dévisage le couple un peu trop longuement mais mes yeux finissent par se poser sur le prince. Je fronce les sourcils. Il est...

Beau.

Hautain.

Menteuse.

Très hautain, même.

Il est grand, même très grand. Ses cheveux bruns tirant vers le blond sont coiffés en arrière et ses yeux bleus scrutent eux aussi les sélectionnées. L'expression de son visage me laisse perplexe. Il a les traits si doux et si forts à la fois, et semble posséder un "je m'en foutisme" pire que le mien. Il pourrait me plaire... Mais non.

Trop hautain.

— Pourquoi ne porte-t-elle pas de robe comme les autres sélectionnées ?

J'ai la bizarre impression qu'on parle de moi, tiens. Ah oui ! Sûrement.
Je relève les yeux vers un homme en uniforme royal qui s'approche de nous. La question de la reine est mise en suspens alors qu'il déclare :

— Alignez-vous, Mesdemoiselles. Vous vous présenterez à la famille royale quand on vous le demandera.

Comme par hasard, je suis au bout de la file. Ainsi, j'entends vaguement les filles se présenter une à une. Solenn se tient juste à côté de moi et fait sa présentation habituelle. Je la vois déjà papillonner des yeux face au prince et prendre une voix mielleuse.

Quand la reine arrive devant moi, mon cœur cesse tout battement. J'ai beau m'en ficher de cette sélection, la famille royale représente tout de même quelque chose au fond. Un symbole pour le pays, une dynastie qui s'élève d'année en année.

— Vous vous appelez... ?

— Sarah Crawford, Votre Majesté.

Elle est très intimidante. Je sais qu'elle ne veut pas l'être, mais je suis gênée face à elle.

— Mademoiselle Crawford, pourquoi ne portez-vous pas de robe ?

— Je... n'avais pas le temps.

Nom de dieu, quel mensonge ! Où est passée la vraie Sarah ?

— Vous n'aviez pas le temps ?

— Je n'aime pas les robes à dire vrai. Ça me gratte le dos, et vous savez, je n'ai pas vu de gratte-dos ici alors...

Elle hausse les sourcils de façon moqueuse puis se détourne de moi avant de répliquer froidement :

— Du temps que vous serez ici, vous porterez les robes que votre domestique vous préparera. Chez vous, ça m'est complètement égal mais ici, je veux vous voir en tenue convenable à partir de demain.

Elle retourne auprès de son roi d'un air satisfait et je brûle d'envie de lui tirer la langue. Heureusement, le prince m'a complètement oubliée et entame déjà la discussion avec la fameuse Calista. Je suis sauvée.

Peu après cette rencontre houleuse, nous passons à table. Le prince ne semble pas m'avoir remarquée, ce que j'apprécie particulièrement. Quant au roi et à la reine, ils sont partis dix minutes avant la fin du repas sans aucun motif. Alors pendant que chacun semble à son aise ici, je trie dans mon assiette les demies pommes de terre qui figurent comme repas.

Puis je me décide à lever les yeux vers son Altesse Royale. Son sourire est charmeur, ses dents d'un blanc éclatant et je me perdrais peut-être dans la beauté de son visage s'il m'intéressait. Une chose est sûre, il est beau, c'est indéniable.