35.

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Karol

La fête sur la plage est une réussite, l'ambiance qui émane sur le sable nous remplit tous de joie. Les filles et moi dansons depuis déjà une bonne heure, au milieu d'un tas de personnes inconnues. Le soleil s'est couché, et la lumière naturelle a été remplacé par des milliers de guirlandes colorées survolant nos têtes. Tout est incroyablement beau et festif, de quoi nous faire oublier le temps d'une soirée, tous nos problèmes.

- Je vais chercher à boire, vous voulez quelque chose ? demande Carolina en haussant la voix.

- Je vais venir avec toi pour voir ce qu'il y a rétorque Valentina.

- Tu veux quelque chose Karol ?

- La même chose que vous.

Elles acquiescent et s'en vont rejoindre le comptoir, me laissant seule devant l'océan. On s'est mis à l'écart de la foule, histoire de respirer un peu, et la vue d'ici est juste magnifique. Les lumières sillonnent l'eau, et s'accordent avec les étoiles dans le ciel maintenant devenu noir.

- Tu passe une bonne soirée ?

Je me retourne, surprise et quelque peu déçue de ne pas apercevoir Ruggero face à moi.

- Oui, merci.

Sebastian reste planté à côté de moi les mains dans les poches, et les yeux vers l'horizon. Je me frictionne le bras d'un geste nerveux. Même si ces derniers temps il a bizarrement disparu des radars, je suis toujours mal à l'aise en sa présence.

- Je voulais te parler de quelque chose me dit-il soudainement.

Je hoche simplement la tête, le laissant poursuivre.

- C'est a propos de Ruggero. Je sais qu'il se passe quelque chose entre vous, mais je crois qu'il serait bien que tu sois au courant de quelque chose.

- Je ne veux rien savoir, ça ne m'intéresse pas.

- Je pense vraiment que c'est bien que tu le sache insiste-t-il.

- Non, ça va je te remercie je ne veux rien savoir.

Un petit silence s'installe, dans lequel le bruit des vagues m'aide à apaiser mon cœur qui se met à battre nerveusement.

- Très bien. Alors si je peux juste te donner un conseil, tu devrais faire attention à ton Pasquarelli.

- Qu'est-ce que tu raconte Sebastian ?

Il hausse les épaules, puis pose son regard dans le mien.

- Ce que je vais te dire ne va pas te plaire.

Je fronce les sourcils dans l'incompréhension, mais malgré moi, je ne peux m'empêcher de penser au pire. Sebastian est très fort pour raconter des conneries dans le but de faire du mal aux gens, mais une partie de moi ne peut s'empêcher de craindre qu'il me dévoile une vérité. Pour une fois.

- Ruggero a fait un pari avec Michael en début d'année, qui consistait à sortir avec toi.

Soudainement, mon coeur me fait atrocement mal. Je reste quelques secondes, interdite, analysant chaque trait de son visage dans l'espoir de trouver une lueur de malice dans ses yeux, ou un sourire en coin sur ses lèvres. Mais rien. La seule chose que j'arrive à assimiler à cet instant, est le trou béant qui se creuse dans mon coeur. Le vide.
J'ai l'étrange sensation de ne plus savoir parler, tellement que mon coeur a envie d'exploser dans ma poitrine. Je déglutis, en le regardant une dernière fois, toujours muette, et pars le plus loin possible de lui.

Mon deuxième réflexe a été le déni. Je ne veux pas y croire, je n'y arrive pas. Mon cerveau sait, mais mon coeur ne veut rien entendre. Je veux en avoir le coeur net, l'entendre de ses mots, de sa propre bouche. Je veux qu'il me regarde droit dans les yeux, et qu'il m'avoue s'être foutu de moi, parce que malgré moi je continue à avoir espoir que ça ne soit qu'un mensonge de Sebastian.

Alors dans ma robe blanche, qui se soulève au gré du vent chaud de ce début d'été, je change de direction et m'empresse de retrouver les garçons regroupés sous la payotte. Mon coeur cogne contre ma cage thoracique, et mon ventre se tord en deux à l'idée que toute cette histoire puisse être vraie. Je joue des coudes entre les personnes qui se déhanchent sur le sable fin, jusqu'à atteindre les garçons qui forment un grand cercle près du comptoir. Je l'aperçoit rapidement, accoudé au bar une bière à la main. Son regard dévie vers moi, et il m'adresse son plus beau sourire.

- Ça va, tu passes une bonne soirée ? me demande-t-il.

Son visage est illuminé par son sourire, et par les petites lumières qui éclairent cet endroit. Je me mets même à douter durant un instant, mon coeur s'affole lorsque j'aperçois ses yeux briller sous les guirlandes qui pendent au dessus de nos têtes. J'ai peur, que tout s'effondre juste en entendant sa réponse, que je ne puisse plus jamais le regarder comme je suis en train de le faire à cet instant. J'ai terriblement peur, que mon coeur se brise en même temps que la confiance et les espoirs que j'avais fondé sur nous en un claquement de doigts.

- Eh K', tout va bien ?

- Est-ce c'est vrai que tu as fait un pari sur moi ?

Il fronce les sourcils un court instant, le temps d'arriver malgré la musique à bien comprendre le sens de ma question. J'ai eu espoir que son expression reste comme telle, qu'il me demande - incompréhensif - ce que je racontais et pourquoi je lui posais cette question.
Mais, rapidement, son sourire s'est évaporé, laissant mes derniers espoirs partir en fumer.

- J'y crois pas.

- Non mais c'est pas ce que tu crois K', je peux t'expliquer.

- Et m'expliquer quoi au juste ? M'expliquer à quel point tu t'es moqué de moi en jouant à un pari complètement stupide ?! lui hurlais-je au visage.

Les garçons autour de nous semblent s'arrêter de discuter à leur tour. La soirée continue, les gens dansent mais le groupe a soudainement arrêté toutes activités.

- C'est pas ce que tu crois, il faut que tu me laisses t'expliquer.

- J'ai pas envie que tu m'expliques ! Je pensais que Seb inventait encore quelque chose, et cette fois j'aurais préféré que ça soit une de ses conneries !

- C'est lui qui te l'a dit ?

- Heureusement, parce que tu ne l'aurai pas fait à ce que je vois !

- Je comptais te le dire, c'est juste que...

- Que quoi ? T'as pas trouvé le temps pour m'en parler depuis ?

Il ne dit rien, je crois voir ses yeux se remplir de culpabilité, mais après tout c'est peut-être mon esprit qui me joue encore des tours.
Il pose sa bière derrière lui, et passe sa main dans ses cheveux, nerveux. Il semble avoir perdu l'usage de la parole lui aussi, et ça a le don de m'agacer encore plus. Maintenant que tout s'est brisé, j'aimerai avoir un semblant d'explications.

- T'es vraiment un lâche Ruggero.

Je tourne les talons. Mes yeux s'humidifient malgré moi et ma colère, je crois que c'est des larmes de rage. Je m'en veux, de lui avoir fait confiance, de l'avoir laissé entrer dans ma vie. Je m'en veux de n'avoir rien vu, de l'avoir cru sur toute la ligne. Et je m'en veux encore plus de me mettre à pleurer pour lui ce soir, alors qu'il se contentait de jouer avec moi.

- J'avais peur !

Ses cris se perdent sous la musique trop forte de la fête, et ma main se resserre autour de ma coupe de champagne. Je m'arrête au milieu de la payotte, j'ai mal aux pieds perchée sur ces hauts talons, j'ai le coeur en miette, mais je ne peux pas croire ses paroles. Pas après ça, pas après avoir appris que tout ce que nous avons vécu n'était qu'un divertissement à ses yeux. Alors je me retourne, dans un calme qui me surprends la première. Il semble me supplier du regard, il me demande de l'écouter, de dire un mot, peut-être un pardon, mais je ne fais rien de tout ça.

- J'avais peur de te perdre !

Mon coeur rebondit, et la tristesse qui sommeillait en moi me revient en pleine face. D'un geste lent et rempli de toute ma rage, je lui jette le contenu de mon verre au visage.

- Je ne veux plus jamais entendre parler de toi.

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SMS ruggarol Où les histoires vivent. Découvrez maintenant