QUATORZE

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   Assise sur le bord du canapé, Camila essayait d'avoir l'air normal. Elle fixa la moquette, puis les chaussures plates et noires de la policière. Elle croisa les doigts et essaya de penser à quelque chose d'autre qu'à maintenant à quelque chose d'autre qu'à ici. Mais tout ce qui lui venait à l'esprit avait un rapport avec cette femme. Que se passerait-il si cette femme décidait d'ouvrir les placards et de fouiller ? Est-ce qu'elle avait le droit de le faire ? Tout ce qu'elle avait poussé et caché ce matin dégringolerait à ses pieds, les vêtements et les assiettes sales, les bouteilles, les cendriers et les paquets de chips vides. Elles avaient peu à peu perdu le contrôle depuis que Sofia avait cessé d'assumer sa part d'organisation. Que se passerait-il si cette femme montait à l'étage et qu'elle trouvait maman allongée dans son lit avec la plus grosse gueule de bois de l'année ? Les policiers cherchaient des indices partout, non ? Comme des chiens renifleurs.

« Bon, dit la flic, c'est vraiment dommage que Sofia ne veuille pas descendre et se joindre à nous.

- Oui, elle ne se sent pas bien. »

Camila leva les yeux et croisa son regard. Elle savait qu'elle était en train de rougir, et elle vit que cette femme l'avait remarqué. Elle jeta un coup d'œil à sa montre.

« Tu crois que ta mère va bientôt arriver ? Cela ne te dérangerait pas d'essayer de la joindre encore une fois ?

Camila aurait dû réfléchir à deux fois avant de dire qu'elle était juste sortie faire une course. Elle aurait dû inventer une histoire dans laquelle sa mère aurait été rendre visite à un parent malade à des kilomètres d'ici. L'Irlande, ça aurait été parfait. Cela prenait une journée entière de rentrer d'Irlande.

« Peut-être que si elle ne répond pas non plus cette fois, tu pourrais lui laisser un message en lui disant de te rappeler ?

Camila détestait le message du répondeur de sa mère. Elle l'avait appelée tant de fois au cours des derniers jours, et chaque fois elle semblait tellement lointaine, comme si elle n'en avait véritablement rien à faire d'elle. Quand sa mère était réapparue, la veille au soir, elle lui avait dit à quel point cela l'avait mise en boule, de se retrouver à la tête de la maison, comme ça, sans avoir la moindre idée de ce qui lui était arrivée ni d'où elle était. Elle s'était mise à pleurer, lui avait demandé pardon. Toujours la même rengaine.

« Salut, maman, c'est moi. La policière de Sofia est là et veut nous parler, tu te souviens ? Nous sommes assises et nous t'attendons, alors est-ce que tu pourrais te dépêcher, s'il te plaît ? » Camila fit coulisser le boitier de son téléphone pour le refermer et esquissa un sourire forcé. « Vous pourriez parler avec moi, en attendant. Je veux dire, si elle ne revient pas avant que vous deviez partir. Je pourrai lui répéter quand elle sera rentrée. »

La policière approuva de la tête.

« Il y a certaines choses dont j'aimerais parler avec toi, Camila, mais j'espérais aussi voir ta mère et Sofia. Je voulais expliquer à toute la famille pourquoi j'ai demandé aux services sociaux d'entrer en jeu.

- Vous avez fichu une peur bleue à Sofia en passant, la semaine dernière.

- Oui, elle a eu l'air contrariée quand elle a ouvert la porte. J'en suis désolée, mais nous avions rendez-vous, votre mère était au courant. Elle ne vous l'avait pas dit ?

Non, bordel, elle n'avait rien dit et Camila n'en revenait pas qu'elle ait réussi à le leur cacher. C'était peut-être la raison pour laquelle elle était allée s'offrir une cuite. Elle avait dû être terrorisée par cette flic qui les filait.

toi contre moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant