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   Quelle galère ! Camila n'en revenait pas.

Le pack de lait était là, sur le comptoir, elle n'avait plus qu'à le prendre. Ajay lui tendait patiemment la main. Camila fouilla les poches de son blouson dans l'espoir de dénicher quelques pièces parmi les vieux tickets de caisse et les bouts de mouchoir en papier. Derrière elle, dans la queue, une femme tapa discrètement du pied. Un peu plus loin, un type toussota avec impatience.

Camila avait l'estomac retourné par la colère.

« Désolé, marmonne-t-elle. Je vais devoir te le laisser. »

Ajay secoua la tête.

« T'inquiète pas. Prends le lait et paie-moi demain. Et puis tiens, prends du chocolat pour ta sœur.

- Non, ça va, t'es cool.

- Ne sois pas idiote, allez, prends-le. » Ajay ajouta quelques barres de KitKat dans le sac en plastique contenant le lait. « Et bonne journée, hein ? »

Camila en doutait : elle ne se souvenait même pas de sa dernière bonne journée. Elle parvint cependant à ébaucher un rapide signe de tête pour le remercier, attrapa le sac et prit ses jambes à son cou.

Dehors, il pleuvait toujours. Une fine bruine éclairée par le néon fluorescent qu'Ajay avait placé au-dessus de l'entrée du magasin. Camila prit une profonde inspiration espérant remplir ses poumons de l'odeur iodée de la mer. Au lieu de cela, elle respira une odeur de frigo. Cela avait sans doute un rapport avec les bouches d'aération qui rejetaient de l'air chaud derrière elle. Elle releva sa capuche et traversa la route en direction de la cité.

Quand elle entra dans l'appartement, elle aperçut Sofia, assise sur la moquette devant la télé avec un paquet de cookies. Elle avait cessé de pleurer.

Camila la dévisagea attentivement.

« Tu te sens mieux ?

- Un peu.

- Est-ce que tu veux me dire ce qui s'est passé, maintenant ? »

Sofia haussa les épaules.

« J'ai essayé de sortir. Je n'ai pas réussi à aller plus loin que la porte d'entrée de l'immeuble.

- Bon, c'est déjà pas mal. »

Elle leva les yeux au ciel.

« Super. Débouche le champagne.

- C'est un début.

- Non, Kaki, c'est la fin. J'avais besoin de lait pour mes céréales et je n'ai même pas été capable de gérer ça.

- Bon, eh bien moi j'en ai, du lait. Tu veux une tasse de thé ? »

Elle se rendit dans la cuisine, remplit la bouilloire et ouvrit les rideaux, puis la fenêtre. La pluie avait diminué, l'air était frais. Elle entendit un enfant pleurer, une femme crier. Une porte claqua, trois fois d'affilée. Vlan, Vlan, Vlan.

Sofia entra dans la pièce et flanqua la boîte de céréales sur le plan de travail. Camila l'attrapa par le col de son pyjama.

« Pourquoi est-ce que tu n'es pas encore habillée ? Tu ne vas pas rester en pyjama toute la journée.

- Parce que je n'en ai pas envie.

- Eh, bien, tu vas faire l'effort. Ce n'est pas comme ça, que tu vas avancer. »

toi contre moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant