toi contre moi

trente-trois

   Camila se précipita hors de l'appartement et fonça vers les escaliers, ignorant l'ascenseur pour être plus rapide, et dévala les marches quatre à quatre, le cœur battant. Juste avant d'arriver en bas elle s'arrêta. Elle se tenait là, dehors, le visage tourné vers la pluie. Camila ouvrit la porte à la volée et se dirigea vers elle d'un pas rapide.

« Qu'est-ce que tu fais là ? »

Sa robe était trempée, son jean dégoulinait, des gouttes d'eau s'accrochaient à ses cils.

« J'avais besoin de te voir.

- T'as pas le droit de m'envoyer un texto pour me menacer de monter si je ne descends pas. Pour qui tu te prends ?

- Je suis désolée. Je ne serais pas montée. Je ne sais même pas lequel est ton appartement. » Elle inspecta le bloc qui les surplombait, protégeant ses yeux de la pluie. « C'est lequel ? »

Camila secoua la tête.

« Il faut que tu partes. »

Ses yeux parcoururent toute la longueur des balcons, porte après porte.

« Sofia sait que je suis là ?

- Tu es folle ? »

Lauren eut l'air triste et confus.

« S'il te plaît, ne me renvoie pas. C'est toi qui m'as couru après au début, tu te souviens ? »

C'était vrai, et Camila se sentit un peu gênée. Pour se faire pardonner, elle lui désigna l'appartement. Elle voulait que Lauren sache qu'elle ne la haïssait pas. Que ce n'était pas ça.

« La porte bleue, dit-elle. A côté du sapin de Noël. »

C'était un tronc d'arbre mort, dépourvu d'aiguilles mais encore décoré, couvert de guirlandes. Le mois de mai approchait et elles n'étaient pas encore parvenues à l'emporter plus loin que devant leur porte. Cela semblait fou, comme si elle lui montrait le chaos dans lequel elles vivaient.

« Ma petite voisine l'aime bien, expliqua Camila. Elle croit qu'il va repousser. Je l'échangerai contre un nouveau en décembre, en espérant qu'elle ne s'en rendra pas compte. »

Lauren la dévisagea, d'un regard étrange, profond.

« C'est gentil. »

Camila n'avait jamais pensé que cela pouvait être gentil. C'était juste le genre de choses que l'on faisait si on voulait que la petite fille soit contente, prétendre qu'il y avait de la magie dans le monde.

« Ecoute, dit-elle. Il faut que tu partes. Je ne plaisante pas, je dois aller au boulot dans une demi-heure. Shawn vient me chercher. Je ne donne pas cher de ma vie s'il te voit là. »

Camila l'attira dans un recoin, près de l'ascenseur, à l'abri de la pluie. Lauren attrapa ses cheveux d'une main et les enroula pour les essorer. Camila enleva son blouson et le lui proposa.

« Tiens, dit-elle. Prends ça, sinon tu vas attraper une pneumonie sur le chemin du retour. »

Lauren l'enfila sans mot dire et remonta la fermeture éclair. Elle enfonça ses mains dans les poches et Camila espéra qu'elles ne comportaient pas de mouchoirs sales ou alors des numéros de filles...

« Tu es la personne la plus gentille que j'aie jamais rencontrée », dit Lauren.

Elle ne devait vraiment rien connaître à rien si elle se laissait impressionner par un manteau.