quarante

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C'était dingue, se dit Camila, tout ce que le corps pouvait faire sans qu'on ait rien demandé. La chaleur qui montait de la poitrine jusqu'au cou avant d'atteindre le visage, le sang qui accélérait, la montée folle de l'adrénaline. Même sa voix devint rauque et hésitante quand elle aperçut Lauren à travers la grille de l'école et qu'elle l'appela.

Lauren fronça les sourcils comme si elle se méfiait, puis elle attrapa son sac et marcha vers Camila. Le seul fait de la regarder lui faisait déjà mal.

Lauren dit : « Tu n'es pas censée être au boulot ?

- J'ai séché. Il fallait que je te parle.

- Tout va bien ?

- J'ai essayé de te joindre. Je t'ai envoyé des milliers de textos.

- Mon père a pris mon téléphone. »

Lauren noua ses doigts autour des tortillons métalliques de la grille. Elle semblait gênée. Camila haïssait sa famille pour ça. Rien de tout cela n'était sa faute.

« Est-ce que tu peux sortir ?

- La cloche a déjà sonné et j'ai révisions de maths.

- C'est important. Juste quelques minutes ?

- Je ne sais pas. » Elle jeta un coup d'œil à la ronde, observant les élèvent qui rentraient dans l'école, le professeur posté à l'entrée qui rassemblait les traînards. « J'essaye de ne plus m'attirer d'ennuis. »

Tout d'un coup, Camila se sentit épuisée. Tous ces gamins qui traversaient la cour pour rentrer dans l'établissement... Dans quelques instants, ils seraient en train de chuchoter au sujet de ce qu'ils avaient vu, ils se donneraient des coups de coude, ils se moqueraient de Lauren. Cette pensée l'emplit d'une douloureuse tristesse.

« Cinq minutes, Lauren, s'il te plaît. Viens t'asseoir près de la rivière avec moi. Maximum dix minutes, je te le promets.

- Tu vas me haïr quand tu entendras à quel point j'ai été lâche, hier soir.

- Je te l'ai déjà dit hier, je ne te haïrai jamais. »

Lauren sourit.

« Tu arrives toujours à me remonter le moral, tu le sais, ça ? »

Elle s'avança vers le portail et Camila la suivit sur le trottoir, de l'autre côté de la grille. Une femme passa, tenant dans ses bras un bébé qui se tortillait. Quelque part, un oiseau chanta. Des choses anodines. Il y avait un professeur qui se tenait à l'entrée de l'école. « Allez, allez, cria-t-il aux retardataires qui se hâtaient de rejoindre la porte. Dépêchez-vous, vous allez être en retard. »

Camila frissonna. Elle détestait tout ce monde, les lois, les adultes qui beuglaient, les emplois du temps et les lieux où on était obligé de se rendre. Cela rétrécissait tout.

Lauren essaya de se faufiler derrière le type, mais celui-ci tendit le bras pour bloquer son chemin.

« Mauvaise direction.

- C'est important, dit Lauren. Et mon professeur principal a dit que c'était d'accord. »

Il la regarda en fronçant les sourcils.

« Est-ce que tu as une lettre d'autorisation ?

- Il a oublié de m'en donner.

- Alors fais demi-tour, s'il te plaît, et retourne droit dans ta classe. »

toi contre moiOù les histoires vivent. Découvrez maintenant