0.19 - Shizuo

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Quelques semaines avant le Déclin.

Shizuo était essoufflé.

Tout son corps tremblait irrépressiblement, et ses poumons lui brûlaient tant qu'il ne put s'empêcher de tousser si fort qu'un goût de sang parvint jusqu'à sa langue. Sa tête était pleine de pensées tourbillonnantes, pourtant il ne réussissait à n'en attraper aucune.

Ses yeux étaient écarquillés de terreur lorsqu'il poussa la porte battante de sa main hésitante, et l'odeur qui l'assaillit alors lui retourna l'estomac : il porta cette dernière à sa bouche et grimaça.

En relevant la tête, il put constater que nombre de personnes le regardait avec une curiosité morbide.

Sortir d'ici. Vite.

Les murs blancs semblaient prendre vie sous ses yeux, se moquant ouvertement de sa détresse.

Il serra le poing autour du téléphone qui se trouvait dans la paume de sa main gauche, puis, un pas après l'autre, s'avança vers le grand comptoir qui se trouvait devant lui. Sa vision lui parut floue.

– Excusez-moi, commença t-il en arrivant devant l'un des infirmiers.

Sa voix avait flanché : il se reprit.

– Je – je... Où est la salle d'attente ?

Shizuo, viens vite.

– S'il-vous-plaît ?

Réponds, cette fois-ci au moins, réponds... C'est maman.

– Au bout du couloir en face, lui répondit-il avec un sourire aimable.

Le blond n'eut pas l'impression de lui répondre quelque chose, car presque immédiatement il s'avançait de nouveau vers la direction indiquée, blanc comme un linge. Il se sentait comme hors de son corps – les sensations n'étaient plus que de vagues impressions, et les sons lui parvenaient déformés, comme à travers une vieille radio –. Son visage était brûlant alors même qu'il se sentait glacé jusqu'au sang.

Avant même qu'il n'ait pu penser à quoi que ce soit, ses pieds s'arrêtaient déjà à l'entrée de la dite salle.

Elle était presque vide, à l'exception d'une seule personne : un garçon qui attendait là, seul, la tête basse. On ne pouvait apercevoir son visage, pourtant Shizuo sut immédiatement qui il était.

– Kasuka, murmura t-il en s'avançant.

Ses membres se remirent à trembler, et il aperçut très clairement ce dernier sursauter à l'appel de son prénom.

– Kasuka, répéta t-il. Je –

Mais soudain, son frère était debout et s'avançait vers lui, puis avant qu'il ne puisse dire quoi que ce soit d'autre sa main le gifla violemment et sa tête partie sur le côté.

Sa bouche s'ouvrit en un oh silencieux et il se mordit la lèvre.

Il l'avait mérité.

– Tu rien du tout, putain.

La voix de son frère semblait à deux doigts de se rompre.

– C'est bon, c'est terminé. Elle est morte. Crevée.

Le blond tendit la main vers lui, mais ce dernier la repoussa avec dégoût et s'écria :

– Ne me touche pas ! Ne me touche surtout pas tu m'entends ?

De grosses larmes roulaient sur ses joues.

– Morte, putain ! Elle vient de crever seule comme une chienne dans une putain de chambre d'hôpital ! T'étais où, bordel ?

Il criait si fort que sa voix résonnait à l'intérieur de sa tête.

– Kasuka je – je suis...

Il n'avait rien à dire. Son estomac fut parcouru de spasmes.

Morte.

– Je t'ai appelé juste pour te prévenir. Honnêtement, j'aurai jamais cru que t'écoutais ta messagerie.

Ses cris n'étaient plus qu'un souvenir : désormais le blond peinait à l'entendre.

– Occupe-toi du reste, ok ? Je suis fatigué.

Et durant quelques minutes encore, sa voix résonna à l'intérieur de sa tête, comme un écho.

Morte.

Morte.

Morte.

At the edge of our hearts || ShizayaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant