0.1 - Izaya

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Trois ans avant la Nuit.

Ce fut un hiver sans neige. Il faisait froid, certes, mais ce n'était pas un problème qu'une bonne écharpe ne puisse résoudre. Parfois, le verglas blanchissait les rues pendant la nuit - mais dès que le soleil se levait, tout cela disparaissait pour laisser place à une bruine d'eau qui recouvrait les trottoirs et les routes.

Ce jour-là, quand Izaya vint chercher ses sœurs à l'école primaire, le temps était maussade et l'air froid. Elles l'attendaient calmement, assises sagement sur le petit muret en pierre devant l'école, seules. Les maîtres et maîtresses du bâtiment ne prenaient jamais le temps de rester avec elles en attendant qu'il vienne les chercher - alors qu'il traversait pourtant la moitié du quartier en courant pour arriver le plus vite possible -. À neuf ans, quand il sortait seul - avec autorisation - de sa propre école, il passait chaque soir de la semaine récupérer ses deux petites sœurs jumelles pour les ramener avec lui à l'appartement.

Pourtant, ce soir-là, alors que la nuit commençait d'ores et déjà à tomber sur la ville, quelque chose retint son attention. Mairu et Kururi avaient toutes deux la tête baissée, l'une sur l'épaule de l'autre, et se tenaient la main avec douceur. On pouvait apercevoir les longues nattes de Mairu sous son épais bonnet à oreilles de chat tandis que les habituels longs cheveux bruns de Kururi se terminaient désormais en de grandes fourches inégales.

Izaya se stoppa brusquement, la mâchoire serrée. Presque aussitôt, ses sœurs se redressèrent et se tournèrent vers lui comme d'un seul homme. Mairu lui fit un grand sourire, ses yeux se mettant à briller, et Kururi tenta de se cacher légèrement derrière sa jumelle.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ? demanda-t-il immédiatement.

Lorsqu'il avait déposé sa sœur à l'école ce matin, ses cheveux arrivaient au milieu de son dos. Désormais, ils n'atteignaient même plus ses épaules.

Mairu gonfla les joues.

- C'est un garçon. Kururi lui a dit non alors il a pris un ciseau et lui a coupé les cheveux.

Du haut de ses cinq ans et demi, Mairu aimait et protégeait sa sœur comme un véritable garde du corps. Son caractère naturellement expansif lui permettait de s'exprimer en son nom.

- Il lui a quoi ? répéta Izaya avec incrédulité.

De l'énervement commençait à poindre dans sa voix.

- Il lui a coupé les cheveux.

Un léger zozotement pouvait se faire entendre à travers ses mots : elle avait perdu ses deux dents de devant trois jours auparavant.

- Parce qu'elle a dit non ? À quoi ?

- Il lui a donné une lettre ce midi. Elle a refusé de la lire. Il lui a coupé les cheveux.

Malgré ses sourires et son ton enthousiaste, le brun remarquait bien qu'elle aussi était énervée. Ses phrases étaient courtes et concises, elle qui normalement lui racontait leur journée pendant des heures et des heures.

- Et la maîtresse ? demanda-t-il. Elle n'a rien dit ? Rien fait ?

Elle secoua la tête.

- Il s'est excusé. Elle a dit que c'était suffisant.

Il serra les poings puis soupira.

Il se força à leur faire un sourire puis s'accroupit devant elles. Il regarda Kururi.

- Ça va ? demanda-t-il.

Elle hocha la tête.

- Très bien. Rentrons à la maison.

Il leur prit la main et ils se mirent en route.

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Le lendemain, les trois Orihara avaient les cheveux courts.

At the edge of our hearts || ShizayaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant