0.3 - Izaya

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Quelques mois après la Nuit.

Lorsque la femme lui poussa gentiment le dos avec un sourire horripilant, Izaya pensa immédiatement qu'elle pouvait bien aller se faire voir.

Cela faisait des semaines à présent qu'il était en colère. Une colère sourde, qui bouillonnait tranquillement dans ses veines avec une patience froide. Il avait eu treize ans quelques jours plus tôt, et cela n'avait fait qu'attiser sa rage davantage encore. Son corps était maigre, ses bras bien trop fins, et si on y faisait attention, on pouvait apercevoir les pommettes saillantes de son visage.

Elle le poussa à nouveau, et il se retourna pour lui lancer un regard noir en se dégageant. Si elle le touchait encore une fois, il n'hésiterait pas à lui couper la main.

- Izaya-kun, allons, ne fais pas l'enfant, le pressa-t-elle.

Le ton de sa voix s'était raidi, et le brun sourit intérieurement. Tant mieux si je l'énerve.

Lissant les plis de sa jupe pourtant déjà impeccable, elle se racla la gorge et appuya sur la sonnette.

Presque aussitôt, sa colère revint au galop.

Ils avaient été séparés. Elles, elles étaient ensemble - ce qui, en soi, était une bonne chose -, et lui était désormais là, seul, sans moyen de les contacter. Ils avaient passé de longs mois au foyer pour mineurs en attente d'une famille d'accueil et, étant jumelles, ses sœurs avaient finalement eu la chance d'être placées ensemble. Un matin, il s'était levé mais elles avaient disparu. Cela faisait désormais deux semaines qu'il n'avait plus eu de leurs nouvelles et l'inquiétude qui tordait son estomac se fondait à la rage qui le consumait face aux éducateurs et aux bureaucrates qui s'occupaient du centre.

Séparés.

La femme sonna une seconde fois, et presque aussitôt, la porte s'ouvrit sur un homme : grand, chauve, musclé et tatoué. Izaya put apercevoir avec une certaine satisfaction les yeux de cette petite bonne femme s'ouvrir avec stupeur.

- Quoi ? grogna-t-il.

Ses yeux se posèrent sur la petite blonde guindée dans son tailleur puis sur lui, et le brun sentit une goutte de sueur froide couler le long de son dos.

- Bon- bonjour monsieur, bafouilla-t-elle.

Elle sembla se reprendre.

- Vous vous êtes portés volontaire pour accueillir l'un de nos enfants, il me semble ?

Il sembla se rappeler de quelque chose.

- Ah, oui, grogna-t-il. Ça doit être ma femme, ça, encore. Entre, moucheron.

Il semblait s'adresser à lui, et Izaya ne se fit pas prier.

- Merci beaucoup, lui répondit-elle. Prenez soin de lui et appelez nous si vous avez besoin de quelque chose.

Alors que le brun s'avançait dans l'entrée, la porte se referma et il aperçut le regard de la petite femme qui s'était occupée de lui ces dernières semaines.

Ce fut la dernière fois qu'il la vit.

At the edge of our hearts || ShizayaOù les histoires vivent. Découvrez maintenant