Nous sommes dans la voiture en direction de l'aéroport. Djibou conduit, Issa est assis au côté passager et je suis derrière avec Ramy. Ils débattent comme d'habitude sur des sujets futiles. Quelques fois je ris et participe même si je suis ailleurs. Je suis dans mes pensées, nostalgique. J'ai plein de sentiments qui m'envahissent en même temps. La peur pour commencer. J'ai peur de prendre la mauvaise décision et de me planter. Peut-être que mon départ au Maroc est inutile et que je perds mon temps. Peut-être qu'aller s'isoler au Maroc ne changera strictement rien et que je suis condamné à être hanté par Yazel. Je ne sais pas vraiment, je suis sans arrêt dans le doute.
Avant de prendre la décision de plier bagage, j'ai beaucoup réfléchi. J'ai pesé le pour et le contre mille fois sans réussir à prendre une décision. Finalement, j'ai tranché au pile ou face et je n'ai pas eu de regrets. Pendant que je préparais mon départ, que j'achetais mon billet, que je faisais mes valises, j'ai senti que je faisais ce que je devais faire. J'ai senti que j'étais sur la bonne voie, et ça faisait vraiment longtemps que je n'avais pas ressenti ce sentiment. Alors j'ai continué. J'ai fait exactement tout ce qu'il fallait faire et maintenant, à quelques heures de l'embarquement, j'ai peur et je doute.
Si mes émotions vacillent autant, c'est parce que j'ai vraiment envie de réussir à aller de l'avant. Je veux avancer et ne plus jamais regarder en arrière. J'ai plus envie de me morfondre sur mon sort, je l'ai trop fait. J'ai juste envie d'être normal. Comme Issa, Djibou ou Ramy, je veux avoir ma petite vie et me sentir heureux. Je veux pouvoir me regarder dans le miroir et me dire « j'ai galéré mais je m'en suis sorti ». Je veux être capable de me dire ça, de me sourire, de me complimenter mais ça me paraît difficile. En ce moment, à chaque fois que je me regardais, je voyais l'incarnation pure et dure de l'échec. Alors oui, je n'ai pas échoué professionnellement parlant. Mais en ce qui concerne le relationnel, ou plus précisément mes relations amoureuses, j'ai échoué lamentablement. Avec Yazel j'ai échoué, avec Naëlle aussi. J'ai tout fait de travers. Je ne veux plus ressentir ce sentiment, je ne veux plus faire de mal à qui que ce soit en commençant par moi-même. Quand je trouverai le bonheur, que je me sentirai en paix, que je me sentirai beaucoup mieux, je saurais que j'ai fait un grand pas en avant. C'est ce que j'espère accomplir en m'éloignant de ma source de problèmes et en me retrouvant seul avec moi-même loin de tous.
Je sais très bien que je penserais toujours à Yazel. J'ai beau dire ce que je veux, c'est dur d'oublier quelqu'un que tu as aimé et qui t'as quitté aussi brutalement. Et puis, le but n'est pas de ne plus penser à elle ou de l'oublier. Tout ce que je veux, c'est pouvoir vivre sans ressentir les remords qui me rongent, sans culpabiliser, sans penser à elle pendant l'acte sexuel ! C'est tout ce que je demande et je pense que n'importe qui dans ma situation voudrait la même chose. Je me sens hanté et j'ai l'impression que je ne suis plus capable de combler une personne que je pourrais aimer. Je veux juste pouvoir vivre normalement. Alors ouais, j'ai peur. J'ai cette peur qui me pend au nez mais je ressens aussi de l'angoisse. Je suis anxieux, inquiet, presque tourmenté. Mais malgré tout cela, je suis surtout heureux et impatient de retrouver mon pays d'origine et ma famille. Ça fait longtemps que je ne suis pas allé au bled. La dernière fois que j'y ai posé les pieds, j'avais appris que ma sœur était en couple avec Marwan. Aujourd'hui ils sont mariés. Comme quoi, tout change. Enfin, tout sauf moi je suppose.
Nous arrivons à l'aéroport, tout le monde descend. Nous discutons un peu de tout et de rien. Ramy me dit de ne pas oublier de donner les colis que sa mère m'a donné pour la famille. Puis Djibou qui m'ordonne de donner des nouvelles, il sait très bien que je cherche à me retrouver seul alors il craint que je les zappe tous. La dernière fois il m'a même avoué qu'il pensait que je changerai de numéro. Honnêtement, j'y ai pensé. Mais j'ai lâché cette idée me disant que j'allais trop dans l'extrême.
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ANAS - Un mal pour un bien
General FictionJe me souviens comme tu n'avais pas peur de parler de ce mot, la mort. Moi, j'en ai toujours eu peur. Je n'ai jamais su pourquoi mais il m'effrayait. J'avais tellement de questions qui en découlaient comme : «Qu'est-ce qu'il se passe après ?» «Allon...