Chapitre 42

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|RETOUR EN ARRIÈRE|


A mon arrivée au bled, j'avais une mentalité différente. Dans un sens, la vie m'avait énormément pris. J'avais le sentiment d'avoir subit une injustice et de devoir en payer le prix chaque jour qui passait. Je cachais ma frustration derrière mes sourires hypocrites et mon air suffisant. En réalité, j'étais malheureux. J'avais mal de devoir vivre une vie qui ne me comblait pas et où je n'arrivais pas à me reconnaître. J'avais beau me lever le matin, j'étais persuadé que la journée que je m'apprêtais à passer ne serait en rien différente de celle que j'avais passé la veille, ou encore celle du mois précédent. Ce n'était pas vraiment la routine le problème ; c'était moi. Je n'avais pas à l'esprit qu'il fallait que je fasse changer ma vie. Je m'apitoyais sur mon sort, sur la mort de Yazel, sur mes malheurs.

Lorsque je suis allé parler à la famille de Yazel, petit à petit, le voile qui s'était installé sur mes yeux au cours des années a commencé à se dissiper. J'ai fini par comprendre en me remettant en question et en me posant les bonnes questions. Pourquoi ont-ils réussi à avancer et pas moi ? Pourquoi eux et pas moi ? J'avais la réponse au bout du nez mais je refusais de l'accepter.

Je n'en avais pas envie.

C'est aussi simple que ça en a l'air. Je n'avais pas envie de voir disparaître à jamais la femme que j'ai aimé et qui représentait tant pour moi. Si je n'étais pas heureux, c'était par ma faute. Je m'étais condamné à souffrir en refusant de laisser partir ma souffrance. J'étais persuadé que si je réussissais à ne plus avoir mal, je finirai par oublier Yazel et c'était ça ma plus grande peur. J'étais effrayé de voir que je pourrais, un jour, réussir à continuer ma vie comme si elle n'avait jamais été là. Que je pourrais vivre une autre relation sincère et unique avec quelqu'un d'autre. C'est sûrement pour ça que j'ai commencé à voir Yazel en Naëlle. Je refusais tellement de voir partir Yazel qu'inconsciemment j'ai tout fait pour qu'elle reste dans ma vie. Je n'ai fait que m'enfoncer plus bas que terre à chacune de mes décisions.

Lorsque ma relation avec Naëlle s'est arrêtée et qu'elle est partie en Suisse, j'ai été forcé d'être confronté à moi-même. J'ai été obligé d'admettre que le problème venait de moi, même si je pense que Naëlle avait aussi ses propres tourments.

Comme elle, j'ai alors pris la décision de m'isoler pour pouvoir me retrouver. J'ai pris cette décision en imitant la sienne et en espérant secrètement qu'elle aurait des effets positifs sur ma vie. C'était insensé et stupide. J'ai eu beau faire croire à tout le monde que je partais pour moi, la vérité est que je copiais la décision de mon ex. J'ai su voir à son expression qu'elle prenait la meilleure décision pour elle-même, j'en ai donc conclus inconsciemment et naïvement que c'était aussi sûrement la meilleure décision à prendre pour moi, sans prendre en compte nos différents problèmes.

J'ai alors débarqué au Maroc, le sourire aux lèvres, débordant de confiance et d'assurance. Évidemment, en étant dans cet état d'esprit, les effets positifs n'ont cessé d'augmenter et de se présenter. La méthode que j'ai utilisé pour me retrouver n'était pas bonne, mais en soit, elle restait la chose à faire.

Je ne regrette pas de m'être inspiré de Naëlle et d'avoir eu la force de quitter mon confort pour plonger dans mes insécurités. Vivre avec Yasmine m'a réappris ce qu'était de vivre avec quelqu'un qui se soucie de vous parce qu'elle vous aime. J'ai pu constater à quel point Yasmine souhaitait me voir heureux et ça m'a touché. En étant entouré de sa bonne humeur, ses bonnes ondes chaque jour, j'ai été influencé. Ça a créé en moi un besoin encore plus grand d'être heureux. Plus seulement pour moi. Pour elle aussi. Elle qui m'a supporté chaque jour lorsque je déprimais, elle qui m'a fait garder espoir lorsque j'avais l'impression de ne jamais me relever, elle qui m'a montré que ma situation n'était pas une fatalité mais une porte face à un univers remplit de bénédictions. En me montrant son amour, elle m'a fait comprendre que je devais arrêter de souffrir pour Yazel et m'a prouvé qu'en prenant cette décision, ça ne voudrait pas dire que je la rayerais de ma vie. J'ai réussi à admettre que moi aussi, j'ai le droit d'être heureux.

ANAS - Un mal pour un bienOù les histoires vivent. Découvrez maintenant