Lost In The Fire - Pt.1

2.

Ses mains, grandes et viriles, savaient très bien ce qu'elles faisaient. Je ne me lassais jamais de les regarder. Je crois que c'est une des parties de son corps que je préférais, comme si elles avaient été dessinées du bout de la mine du crayon délicat d'un artiste. Son toucher expert me faisait atteindre le paradis à chaque fois et ses doigts longs et fins m'offraient des moments d'extase comme jamais je n'avais connu...

Confortablement installée au volant de ma petite Mini noire, je déambule dans les rues de Londres, en route vers le domicile de Jade. Je n'aime pas particulièrement conduire, surtout dans une circulation aussi dense que celle de la capitale anglaise mais, comme nous sommes sur le point de fêter une grande occasion, je ne pouvais pas me permettre de lui faire prendre les transports en commun.

J'ai décidé de mettre mes problèmes avec Matt de côté pour le weekend. Je n'ai vraiment aucune envie de me prendre la tête sur mes blocages. Parce que je pense que ce sont des blocages. C'est forcément psychologique... Psychosomatique, peut-être.

Enfin, bref.

Mon cerveau n'en fait décidément qu'à sa tête. Il ne veut pas se mettre sur pause deux secondes ! J'ai lu qu'une femme pouvait avoir plus de soixante-dix mille pensées par jour. De quoi avoir les méninges en bouillie à la fin de la journée... Je suis certaine que Matt ne pense pas autant. Aucun mec, d'ailleurs. Sinon, une épidémie d'AVC éradiquerait définitivement la race masculine de la surface de la Terre. C'est pour cette raison que je fais du yoga. Et pour m'assouplir aussi...

Mais, bon sang, tais-toi donc, cerveau de malheur !

Je disais donc... Ah oui ! Pendant deux jours, ce sera seulement mes deux meilleurs amies, Angie, Jade et moi. Et je compte bien en profiter. Me vider la tête -- comme il faut, cette fois -- et reléguer le quotidien au second plan.

Voire même au dixième.

J'essaie de passer le plus de temps possible avec elles, mais nos emplois du temps respectifs ne nous le permettent pas aussi souvent que nous le voudrions. Jade étudie à l'université et est seulement libre les weekends, lorsqu'elle n'est pas occupée à réviser. Angie, elle, travaille à domicile. Elle écrit beaucoup et souhaite un jour pouvoir percer en tant qu'écrivain. En attendant, elle propose des articles à différents journaux, sur divers sujets. Une vraie pigiste ! Et les affaires marchent plutôt bien pour elle. Quant à moi, je ne suis pas passionnée par mon job : je suis vendeuse dans un magasin de souvenirs, ou "d'attrape-touristes", comme j'aime bien l'appeler. Je passe mes journées entourées de répliques plus ou moins réussies de la Reine Elizabeth, ou encore de bubble heads à l'effigie de Mister Bean. Nous vendons aussi beaucoup d'articles sur "Harry Potter", qui se trouvent être mes préférées. L'ambiance entre collègues est bonne, heureusement. Excepté un élément perturbateur... Mais le boulot en lui-même... ennuyeux à mourir !

Donc, nous avons instauré une règle : se voir au moins une fois par semaine. Évidemment, nous nous parlons tous les jours. Avec tous les moyens de discussion à notre disposition, cela nous facilite grandement la tâche. Parfois, ce sont seulement des textos, d'autres fois des messages vocaux sur les réseaux ou, quand nous sommes en forme et présentables, nous communiquons via FaceTime. Ce sont, pour moi, les moments les plus agréables de ma journée. A cet instant, elles sont les deux personnes les plus importantes au monde, mes deux piliers. Et il est clair qu'elles passent avant tout le reste, et ce n'est pas prêt de changer.

Ce soir, nous célébrons les dix-huit ans de Jade. Je sais qu'elle attendait cette journée avec impatience. Il se trouve que la blondinette aux yeux bleus est la plus jeune de la bande et la seule à ne pas être majeure. Angie et moi la considérons comme notre petite sœur. D'ailleurs, avec la complicité de cette dernière, nous avons mis tout en œuvre pour offrir à cette nouvelle adulte une nuit qu'elle n'est pas prête d'oublier: nous avons d'abord prévu une tournée des meilleurs bars de la ville, histoire de se mettre dans l'ambiance et, pour finir, nous avons réussi, après avoir bien marchandé, à louer une boite de nuit entière et à inviter tous ses camarades d'université, enfin, ceux qui suivent le même cursus qu'elle. Étant de nature très amicale, je sais qu'elle a sympathisé avec la plupart d'entre eux. Si tout le monde répond présent, nous devrions frôler la soixantaine de personnes. Tout ceci est, bien entendu, une surprise. Jade n'a aucune idée de ce qu'on lui réserve.