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[ANGIE]

Justin...

Ce prénom, que je n'avais pas prononcé depuis près de huit ans, résonne dans le couloir désert, comme un écho de mon passé. Je revois parfaitement ses cheveux châtains clairs bouclés sur le dessus, descendant comme une vague ondulée sur le côté, ses yeux bleus perçants qui m'ont fait me sentir belle et unique plus d'une fois, son nez droit et pointu, ses fines lèvres roses que j'ai eu le plaisir d'embrasser et de sentir sur mon corps...

... et son sourire... son satané sourire, qui m'a fait tourner la tête dès les premières secondes...

Mon coeur me fait souffrir. Je peux sentir les blessures du passé s'ouvrir lentement les unes après les autres, dans une interminable agonie. La douleur se répand dans tout mon corps, tel un cancer dont les métastases se greffent sur tous les organes vitaux. Mes mains se mettent à trembler, les larmes me montent aux yeux et inondent mes joues presqu'aussitôt, mais aucun sanglot ne se manifeste.

Une main se glisse doucement sous la mienne, me ramenant dans le présent. Je relève la tête en rencontre le regard couleur océan de Dany, si similaire au sien.

- Hey, ça va aller ? s'enquiert le rebelle d'une voix douce, contrastant avec son air inquiet.

Sa seconde main se pose délicatement sur mon visage, encadrant ma mâchoire pour essuyer une larme dévalant ma joue avec la pulpe de son pouce. Je hoche la tête en guise de réponse, incapable de dire un mot de plus. Son expression compatissante m'aide un peu à me sentir mieux.

- Viens, on va parler dans un endroit plus calme, me propose-t-il sans lâcher ma main.

Ses doigts s'entremêlent aux miens et il m'attire à l'intérieur de l'appartement. Les trois mecs se trouvent sur le balcon, en train de discuter. La baie vitrée, à moitié fermée, les isole à l'extérieur. Les seaux d'eau qui tombent dehors ne semblent pas les atteindre. En relevant les yeux, je constate qu'ils sont abrités par le balcon du logement du dessus. Ils ne remarquent pas notre présence et cela m'arrange. Faire leur connaissance n'est pas quelque chose qui me tente. Dany ouvre la porte d'une pièce et, en y entrant, je remarque qu'il s'agit d'une chambre. Bon, le terme « chambre » est un peu exagéré, étant donné qu'il y a seulement un sac de couchage à même le sol, et une lampe posée juste à côté. Une petite pile de vêtements fait office d'oreiller. Je reconnais le sac de Dany contre le mur, d'où quelques-unes de ses affaires dépassent. 

C'est donc quasiment par terre qu'il a dormi cette nuit...

Un sentiment de culpabilité m'envahit lorsque cette évidence me frappe de plein fouet. J'ai quelques souvenirs de nuits rudes, passées à dormir sur du béton froid lorsque j'étais trop défoncée pour me rendre compte de mon état, ou de l'endroit où je me trouvais.

- Pas la peine de te biler, j'ai connu pire, m'annonce Dany, quand il s'aperçoit que je fixe le duvet vert kaki déroulé et froissé.

Il doit certainement faire référence aux plusieurs séjours qu'il a passé derrière les barreaux, et cette pensée me noue encore plus l'estomac.

Le bouclé passe à côté de moi et s'accroupit pour allumer la lampe, qui donne une ambiance tamisée à la petite pièce. Le temps gris, à l'extérieur, assombrit beaucoup la chambre, dont le papier peint foncé renforce un peu plus cette pénombre.

- Vous avez l'électricité dans cet appart' ? je lui demande, étonnée de voir que l'ampoule s'illumine.

- Non, me répond-il. L'électricité a été coupée depuis des lustres, depuis que cet immeuble est inoccupé. Mais Stan, un des trois types que t'as vu, nous a dégotés un groupe électrogène assez puissant pour alimenter au moins cet appartement. On essaie de s'en servir le moins possible, pour ne pas attirer l'attention des flics, qui pourraient nous virer d'ici, s'ils savaient que l'endroit était squatté.

Lost In The Fire - Pt.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant