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Je n'avais jamais vu un vert aussi pur. Ou était-ce du bleu ? J'étais tellement troublée par ses iris que je ne pouvais pas en définir leur couleur. Lorsqu'ils étaient braqués sur moi, j'étais incapable de penser clairement. Tout ce dont j'étais sûre, c'est que je pouvais complètement m'y perdre, tellement leur profondeur semblait infinie...


Un mois plus tôt.

Pourquoi ce grincement me perturbe-t-il tant ? Je ne devrais pas penser à ça.

Non.

Je devrais me concentrer sur... non, pas me concentrer. Je ne devrais pas penser tout court. Me laisser porter par le moment. Le plafond blanc crème a perdu de son éclat au fil des années. Peut-être que je devrais y passer un coup de peinture, histoire de le rafraichir. La tapisserie fleurie commence à se décoller à certains endroits... Mon cerveau est décidément trop bavard ! Je ferme les yeux. Voilà. C'est bien de fermer les yeux. Faire le vide dans ma tête. Inspire... Expire... Inspire... Expire...

Mais ce bruit... Il est trop distrayant pour moi. Résultat : mon esprit refuse de se taire. J'ouvre de nouveau les yeux. Au-dessus de moi, Matt, l'homme avec qui je partage ma vie depuis plus de cinq ans. L'expression qu'il arbore sur son visage bronzé me fait penser à une forte crise de constipation. Vraiment très excitant, n'est-ce pas ? Ses yeux fermés sont plissés, creusant de nombreuses pattes d'oie au-dessus de ses pommettes, sa bouche est ouverte et ressemble à une grimace douloureuse. Autant dire que cette vue n'attise pas du tout ma libido. Pourtant, c'est un des plus beaux hommes qui m'ait été donné de rencontrer mais, dans l'immédiat, je dirais que c'est tout le contraire. On dirait un sportif en plein milieu d'un ultime effort, avant d'atteindre son but. Et toujours ce bruit métallique pour rythmer mes pensées... Je me sens dans l'obligation de lever les yeux au ciel tellement ce son m'est devenu insupportable en l'espace de quelques minutes. J'ai l'impression que le lit va céder sous le poids de nos deux corps et de ses coups de bassin répétés.

Le cri de libération que pousse Matt lorsqu'il jouit en moi, dans son préservatif -- prudence avant tout ! -- m'indique qu'il a enfin atteint la ligne d'arrivée, en bon "sportif" qu'il est. Les grincements du lit se sont également arrêtés, offrant du repos à mes oreilles,et à mon esprit distrait. Alors que mon compagnon se retire pour s'allonger à côté de moi -- ou, devrais-je dire, se laisser mollement tomber à côté de moi, provoquant de nouveaux crissements stridents et désagréables au niveau des ressorts du matelas -- je reste immobile, toujours à fixer le plafond. Sa respiration est saccadée. Je remonte les draps sur mon corps dénudé et, quelques instants plus tard, finis par tourner la tête vers lui. Sa grande main est posée sur son torse musclé et poilu, qui monte et qui descend au rythme de son essoufflement. De profil, je peux distinguer son sourire en coin, qui me fait, habituellement, tant craquer. Il est satisfait. Pas moi. Loin de là.

Au bout de quelques secondes, il me fait face à son tour, en plantant son regard vert-noisette dans le mien. Ses cheveux bruns, d'une longueur correcte, sont complètement ébouriffés. J'aime toujours plonger ma main dans sa chevelure si soyeuse, et égarer mes doigts dans sa barbe de trois jours.  Mais pas aujourd'hui. Ni la dernière fois, d'ailleurs.

- Waouh ! C'était... c'était...

- ... aussi plat que la surface d'un lac, je réponds, exaspérée, en reportant mon attention sur le plafond. Même pas une petite vague...

L'excitation sur ses traits laisse place à de la contrariété. Du coin de l'œil, je le vois se redresser, soutenu par un de ses bras. Ses biceps sont tendus sous sa peau. Clairement, je l'ai vexé.

- T'es pas sérieuse ! râle-t-il, de sa voix grave. T'as même pas joui ?

Je me relève, en prenant soin d'enrouler le drap blanc autour de mon corps avant de quitter le lit conjugal. Je ne prends même pas la peine de lui donner une réponse, sachant pertinemment qu'il la connait. Ce n'est pas la première fois que je suis victime d'une panne de la sorte. Si je reprends au moins les dix dernières tentatives où nous avons fait l'amour, j'ai dû atteindre l'orgasme trois fois.

Lost In The Fire - Pt.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant