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Je crois qu'avec lui, j'ai vécu les émotions les plus fortes de toute ma vie. Jamais je n'aurais cru ressentir aussi intensément un jour. Il n'avait peur de rien. Il aimait le goût du risque et, une fois que j'y avais goûté, c'était dur de m'en passer. Peu importe où nous nous trouvions, où avec qui nous étions, un rien pouvait déclencher sa folie et il m'entrainait avec lui. A son contact, je retrouvais cette jeunesse dont j'avais été privée trop tôt, et je n'étais pas prête à y renoncer...

*

Nous ne sommes que mardi et le "Barney's" est déjà bondé. Il est plus de neuf heures du soir et trainer dans les pubs après une journée de boulot est aussi incontournable que le tea time à cinq heures avec la Reine d'Angleterre. C'est une tradition qui remonte à la création des tavernes dans le temps, je suppose, mais c'est une coutume dont personne ne se plaint, donc, il est de notre devoir de la perpétrer !

Cependant, en entrant, nous n'avons aucun mal à trouver une table, la population masculine ayant déserté pour se rassembler près du bar, les yeux rivés sur l'écran plat accroché dans l'angle du mur. Des cris dignes d'hommes préhistoriques sortent de temps à autre de leurs bouches, ce qui ne peut signifier qu'une chose : c'est soirée foot au pub !

Angie est la première à essayer d'accéder au comptoir pour passer notre commande. Elle est obligée de se faufiler à travers la masse de corps qui obstrue le passage. Je la plains, tout en admirant son courage. Il y aura au moins deux autres tournées, donc je sais que je vais devoir m'y coller à un moment, mais je préfère attendre que les trois quarts du match se soient écoulés. Un supporter peut être assez brusque dans ses réactions, surtout si un but est marqué, alors j'ose à peine imaginer si je me retrouve au milieu de tout ce troupeau, au moment où le ballon va entrer dans la cage. Et pire, si c'est l'équipe adverse qui marque ! Il faut savoir qu'un supporter déçu est plus dangereux qu'un supporter joyeux.

Au bout de ce qui m'a paru une éternité, elle revient tant bien que mal vers nous. En s'asseyant sur le tabouret haut en bois, en face de nous, je remarque que sa veste noire en cuir est tâchée à plusieurs endroits, des gouttes provenant des pintes de bière ayant giclé sur elle lors de son périple et luisant à la lumière des spots. Lorsqu'elle s'en aperçoit, elle pousse un cri de frustration, tout en levant les yeux au ciel.

- Y'a rien de pire que les footeux, peste-t-elle en pivotant vers eux, leur lançant un regard assassin par la même occasion. Ils vont pourrir l'ambiance...

Mon amie n'a pas tout à fait tort. Nous essayons d'éviter le plus possible les soirées match au pub. En général, à la fin de la rencontre, peu importe l'équipe qui a gagné, le footeux, cet étrange individu que l'on pourrait qualifier de beauf, après avoir consommé des litres de bière, peut parfois s'avérer d'une lourdeur sans égal -- pire que Daniel, oui -- sans pour autant comprendre que sa présence n'est pas désirée. Cela ne nous est pas souvent arrivé, mais les rares fois où nous avons été confrontées à ce problème, le barman a dû intervenir pour expulser la viande soûle.

- Angie, je suis désolée de te le dire, mais tu as une image complètement faussée de "notre" congrégation. Oui, je me considère moi-même comme étant une footeuse, nous explique Jade devant nos mines sidérées, le plus sérieusement du monde, avant de prendre une petite gorgée de bière. Nous souffrons de cette mauvaise réputation qui nous colle à la peau, à tort.

Ma copine aux cheveux violine écarquille les yeux, surprise par les propos de notre cadette.

- A tort ? s'étonne mon amie, qui ne peut s'empêcher de laisser un petit rire s'échapper. En même temps, "vous" ne faites rien pour redorer votre blason...

Lost In The Fire - Pt.1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant