Lost In The Fire - Pt.1

12.

Pensez-vous que le destin peut se jouer de vous ? J'avais pour habitude de croire que chaque épreuve que nous devions traverser n'était pas mise sur notre chemin par hasard, qu'elle se présentait à nous parce que nous étions capables de la surmonter. Lorsque Hero a débarqué dans ma vie, je ne pensais pas qu'il deviendrait une de ces épreuves à surmonter, encore et encore...

*

Dans le métro, débout, me tenant fermement à la barre verticale en métal pour ne pas perdre l'équilibre, où les germes de toutes les personnes l'ayant touchée avant fourmillent entre mes doigts, mon malaise est renforcée par la multitude de corps me bousculant sous les secousses du wagon. Déjà que ma tête est encombrée par mille et une théories expliquant la présence de Matt dans cet hôtel de luxe -- j'ai regardé sur Internet le Ned Hotel, un établissement cinq étoiles favorisé par les touristes -- le reste de mon être se fait malmener par des coups de hanches, de fesses ou de coudes. Il n'y a que deux stations intermédiaires jusqu'à l'arrêt nommé Bank, mais ce trajet me parait interminable.

Se cache-t-il de moi dans ce palace ? Pourquoi avoir prétexté un voyage d'affaires alors qu'il n'a même pas quitté la ville ? Et cette dépense extravagante chez Tiffany & Co., une des bijouteries les plus chères de Londres ? J'espère vraiment qu'il a une excuse en béton armé pour m'avoir menti et n'avoir donné aucune nouvelle depuis notre dispute.

Lorsque les portes de mon wagon s'ouvrent, je m'empresse de sortir pour respirer. J'étais à deux doigts de suffoquer là-dedans. La boule dans mon estomac s'amuse à faire des nœuds avec mes intestins, provoquant une douleur atroce, doublé des battements hystériques de mon cœur, qui ne s'est toujours pas calmé depuis la fin de l'appel avec mon banquier. Je crois que l'incertitude est en train de me tuer à petit feu. Ma santé mentale est en jeu et je me dois de découvrir de quoi il en retourne.

En sortant de la bouche de métro, je dégaine mon portable, lance l'application Google Maps et entre l'adresse de l'hôtel. Le vent frais balayant mon visage me fait un bien fou. Quelques pas plus tard, je me retrouve devant un énorme bâtiment blanc datant des années 1920, au vu de son architecture. En me renseignant sur l'établissement hôtelier, j'ai pu lire qu'il y avait plus de deux cents chambres, huit restaurants servant des cuisines du monde, allant de l'Asie à l'Amérique du Nord, sans oublier un passage européen par l'Italie du Nord et les spécialités britanniques. Une des dernières phrases dans la description indiquait que les couples raffolaient du Ned, et plus précisément de son emplacement. Les couples... ça m'a fait grincer des dents.

Je me tiens devant cette géante bâtisse et j'ai l'étrange impression que mon avenir amoureux va se jouer entre ces murs d'un ancien temps. Je prends une profonde inspiration avant d'entrer dans ce presque palace.

Dès que je franchis le seuil, je suis impressionnée par l'immensité du hall d'entrée. Le sol, noir et blanc, est orné de différentes formes géométriques que je ne saurais nommer. Les plafonds, très hauts, sont soutenus par plusieurs colonnes carrées de marbre sombre à reflets dorés plus ou moins discrets, finissant sur un chapiteau de style corinthien. Devant moi, l'imposante réception en bois foncé, ressemblant plus à une petite bibliothèque, du fait de tous les livres entreposés dans les étagères au-dessus des niches abritant les clés des chambres, me fait face, avec trois employés derrière le comptoir. Prenant une nouvelle inspiration, comme pour me donner du courage, je m'avance vers eux.

Une jeune femme, habillée tout en noir, relève la tête vers moi et m'accueille avec un grand sourire. Si je n'étais pas dans un tel état, je lui rendrais volontiers sa politesse. Mais le stress et la paranoïa ont eu raison de mes bonnes manières.

- Bonjour. Bienvenue au Ned Hotel. Que puis-je pour vous ? me demande-t-elle.

Je pose mes mains moites sur le bois de la réception, peu sûre des mots qui vont sortir de ma bouche. Je ne suis vraiment pas bien et j'entends mon cœur battre dans mes tympans.