Bleu perçant. Tels sont les yeux que je viens de croiser lorsque je portais mon regard sur le grand château de Versailles. J'observais l'immensité de la bâtisse quand nos regards se sont rencontrés. L'intensité de l'échange visuel m'a fait perdre le cours du temps et par là ma descente de la voiture s'est faite plus mouvementée. J'ai manqué d'atterrir sur mon fessier sous les rires de Palmyr. Mère qui voulait une entrée fracassante, la voici. Maintenant que je suis remise de la frayeur que j'ai éprouvé à l'instant, je redirige mon regard vers la fenêtre positionnée en hauteur.
Personne, plus personne. Peut-être ai-je rêvé.
Cessons de rêvasser. J'emprunte le chemin menant au château car en raison des excréments laissés par les chevaux les voituriers n'ont pas été autorisés à rentrer les voitures dans la cour, le notre a dû nous déposer devant les grilles. Accompagnée de Palmyr, qui a finalement arrêté de rire, et de quelques serviteurs je marche sur les carreaux encastrés devant une des portes principales. Un domestique parmi la dizaine postée à l'entrée me demande mon nom. Je m'apprête à lui répondre lorsqu'un homme âgé me disant vaguement quelque chose s'avance et réprimande le domestique « Voyons, vous devriez connaître le nom de nos invités prestigieux ! » puis se tourne vers moi « Damoiselle, je me présente une seconde fois devant vous, je suis Carolus Barbe Leroux, précepteur de Césaire de Vendôme. » Ah, je me souviens à présent, c'est le vieux bouc qui m'a invité à ce bal. Je lui réponds :
- « Je me rappelle parfaitement de vous. » Pas du tout, mais évitons de le lui dire.
- « Bien, veuillez me suivre je vous prie. »
Il finit sa phrase puis me tourne le dos et se dirige dans un des nombreux couloirs. Heureusement qu'il est là, ce n'est pas un château mais un labyrinthe ! Nous empruntons bon nombre de couloirs pour finir à arriver face l'entrée d'une grande salle. Les rires, la musique, l'odeur de nourriture, se pressentent à des centaines de pas de là. La chaleur s'échappant de la salle créée une sorte de bouffée qui me coupe le souffle. Le battement dans ma poitrine se fait plus rapide. Soudain l'homme se retourne et trois domestiques se dirigent vers nous nous demandant nos manteaux. Je fais quelques pas à l'intérieure de la salle afin que Mère soit satisfaite de mon entrée lorsque j'enlèverais cet accoutrement, qui rajouté à mon corset empêche ma respiration de se faire correctement. Lorsqu'une partie de la salle dirige son regard sur moi, d'une main assurée j'exécute la demande du domestique. Palmyr fait de même et les serviteurs s'empressent de les prendre pour aller les ranger je-ne-sais-où.
Le regard des femmes m'observant se fait envieux. Tant mieux, Mère sera satisfaite. Palmyr s'approche de moi et chuchote:
- « Eh bien ta mère sera heureuse de savoir que toutes les femmes ont eu envie de te tuer en t'apercevant ! ».
Merci, merci Palmyr de faire retomber la pression de mon corps en me faisant rire. Je la remercie comme il se doit et Barbe Leroux prend la parole:
- « Damoiselle, je vais faire en sorte que vous rencontriez le neveu du Roi au plus vite. Je m'empresse d'aller le chercher pour que vous puissiez aller à sa rencontre »
Je vois que Mère a fait impression sur ce vieil homme, il ne se risquera plus à la contrarier. Je le plains. Avant que je n'ai le temps de placer un mot il se dirige vers la foule et s'y perd.
Palmyr décide de s'y avancer à son tour pour atteindre les buffets. Je la suis mais me perds à cause de deux femmes dont les côtés des robes sont si larges que je me surprends à me demander si elles arrivent à passer les portes. Je sens un regard plus intense que les autres sur moi. Je cherche la source de ce regard jusqu'à ce que je la trouve, il provient d'un jeune homme qui parle à Palmyr. Je me sens gênée par ces yeux bleus dirigés vers moi, mais Palmyr étant à ses côtés et ne pouvant pas la laisser seule tel que je le lui avais promis, je me dirige vers eux.
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Raphaëlle
Historical FictionLundi sept mai 1635, sous les rayons solaires du petit matin Raphaëlle Oiseau apprend l'inévitable et le tant redouté. Son mariage. Sa mère ayant entrepris des recherches pour un bon parti depuis la mort de son propre époux, est finalement parvenue...