Chapitre 16: Rencontres entre occidentaux et/ou orientaux

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        J'aime cela, prendre soin de ma jument. Tandis que d'un geste régulier et systématique je brosse la robe de Cléopâtre, celle-ci pousse un hennissement d'approbation. Cela fait longtemps que je n'ai pas pris soin d'elle, j'étais trop occupée à m'entrainer avec Alessandro et à penser à ce lièvre de Césaire !

Et voilà, une fois encore mes pensées se ramènent à lui. J'ai tout essayé pour l'effacer de mon esprit mais rien n'y fait, dès que je crois lui échapper il surgit au dernier moment et supprime toute tentative d'évasion. Par moment j'aimerai briser mes chaines et fuguer au grand galop, mais malgré tout, ces chaines qui me relient à mon geôlier se reconstruisent et raccourcissent, me forçant à faire demi-tour et ainsi faire face aux enfers si envoutants que sans réflexion je pourrais m'y plonger.

- « Raphaëlle, j'ai à te parler. »

Me sortant de mes songes, une voix autoritaire rend ma jument Cléopâtre nerveuse. Je me retourne pour faire face à Mère, debout à l'entrée de l'écurie attendant une quelconque réaction de ma part.

- « Oui Mère ?

- Une discussion s'impose. Jusqu'à présent je t'ai épargné l'entrée dans le monde de la cour, mais maintenant que tes fiançailles sont officielles je dois t'y initier. Je souhaiterai que tu rencontres une femme de diplomate des Indes avec laquelle je souhaiterai ouvrir une route de la soie.

- Mais Mère, la route de la soie ne passe pas par les Indes...

- Justement ma fille, après de grands calculs nous estimons que passer par le port de Bharuch, dans les Indes donc, puis remonter le golfe Persique, passer par la Perse, et ainsi remonter la Méditerranée serrait bien moins coûteux, aussi saugrenue que cela puisse paraitre. Comprends-tu les enjeux ?

- Oui Mère.

- Si je t'ai fait prendre des cours de géographie ce n'est pas pour rien. Je voudrai que tu finisses de la convaincre pour qu'elle-même en fasse part à son époux. Tel est le rôle caché des femmes. Assimiles-tu l'importance de ta mission ?

- Oui Mère.

- Eh bien, j'espère que tu seras plus bavarde lors de ton entretien avec Dame Ismaïl. »

J'hoche de la tête en signe de compréhension puis me retourne pour apaiser ma jument énervée par la présence de Mère.

*

- « Dame Ismaïl je présume ?

- Vous présumez bien. Appelez-moi par mon prénom, Thulasy je vous prie. Et vous, vous devez être Raphaëlle Oiseau, fiancée de Césaire de Vendôme et fille d'une de nos associées ?

- Oui, c'est bien moi. »

Elle me sourit. Lorsqu'elle sourit ses dents blanches contrastent avec la couleur de sa peau. C'est la première fois que je rencontre quelqu'un avec la peau si foncée et pourtant on dit qu'il en est des plus sombres, mais je n'en ai jamais vu.

Cet exotisme la rend d'autant plus belle et attirante. Sa fine silhouette est grande, elle mesure au moins deux têtes de plus que moi et ses cheveux sont si noirs que l'on peut presque les voir briller. De grandes boucles encadrent un visage aux traits fins révélant une beauté significative.

Assises dans l'une des nombreuses salles du Palais de Versailles, elle et moi conversons pendant plusieurs heures. D'une grande intelligence elle m'ouvre l'esprit à une culture méconnue dans les pays Occidentaux. Très réfléchie elle pose grands nombres de questions auxquelles, grâce à un apprentissage poussé, je peux répondre.

Quand l'entretien se termine je sors de la salle satisfaite et me dirige vers une des sorties pour rejoindre la voiture.

Quelque peu perdue dans le trop grand nombre de couloirs je passe devant une salle d'où des voix suraiguës parviennent. Curieuse d'entendre leur conversation je m'approche de la porte mais lorsque j'entends un nom que je ne connais que trop bien mon cœur rate un battement.

RaphaëlleOù les histoires vivent. Découvrez maintenant