Papa. Le visage représenté sur les portraits de notre demeure que j'ai tant admiré hante à nouveau mes pensées. Depuis ma plus tendre enfance j'ai toujours songé à Papa, je me suis sans cesse demandé comment il était, sa façon d'être, s'il avait des mauvaises habitudes. Je me suis même surprise à m'être inventée que Père avait pour geste incessant et nerveux de passer sa main dans ses cheveux. C'est donc avec un besoin extrême de me rapprocher d'un être que je n'ai connu que pendant une année, que j'ai adopté cette mauvaise habitude. Je passe régulièrement ma main droite dans mes cheveux, au grand malheur de Palmyr qui voudrait que mes coiffures restent en place, pour sentir la présence de Papa.
Je me retourne dans mon lit pour la centième fois de la nuit à la recherche du sommeil. Mais rien n'y fait, Papa surgit devant mes yeux dès lors que mes paupières se ferment. J'ai beau me répéter à moi-même que ce que j'ai vu cette après-midi au château ne devait-être qu'une illusion créée par mon esprit ou juste un homme qui ressemblerait traits pour traits à Papa. Mais le doute est toujours présent et efface toute trace de rationalité.
La fatigue m'envahit, j'ai tout de même couru à travers tout le château pour retrouver Papa alors que je portais une robe qui doit peser le même poids que moi, pas étonnant que les courbatures envahissent mon corps. Mais mon esprit ne semble pas vouloir partager l'avis de mon enveloppe corporelle.
Sans réfléchir je pousse les couvertures, enfile les chaussons en bas de mon lit ainsi qu'un peignoir de soie puis saisie une chandelle toujours allumée à l'aide de laquelle j'en allume une seconde puis sors de ma chambre en direction des couloirs.
Arrivée à l'endroit précis qui m'a attiré au milieu de la nuit, je pose les deux chandelles au pied du tableau et m'assied contre le mur opposé tout en admirant le portrait.
C'est une représentation de Papa lorsqu'il devait avoir un peu plus d'une vingtaine d'années. Sous ses ordres, le peintre l'a représenté de près se tirant les cheveux. C'est son portrait que j'aime le plus, il contraste avec tous les autres si formels, raison pour laquelle il est exposé au dernier étage de la maison, pour que les visiteurs ne l'aperçoivent pas.
Papa était un bel homme, tout comme Mère qui est une belle femme. Je me demande comment ils ont fait pour hériter d'une fille aussi peu jolie que moi. Mon frère, Louis Charles est lui bel homme. Comment diable ai-je fait pour être aussi laide ?
Et puis ce n'est pas comme si cela était équilibré, je veux dire par là que si, à la rigueur ils étaient sots cela serait plus juste, mais non, ils sont aussi beaux qu'intelligents.
Mère est une grande diplomate, Papa était pair de France et connétable et mon frère a pour projet de traduire Méditations métaphysiques de Descartes. Inutile de préciser que la seule chose à laquelle je suis nécessaire est à mon mariage, et encore.
Je continu d'observer le visage de mon géniteur, à la recherche d'une quelconque ressemblance, mais rien ne saute aux yeux, si ce n'est, peut-être la forme des lèvres.
Je me demande parfois si le tableau ne va pas s'user à force d'être regardé. J'ai passé tellement de temps à le contempler, tellement d'heures de sommeil en moins pour le regard fou de Papa.
Et voici encore une nuit en moins. Du repos perdu.
Mère a une théorie à propos du sommeil. Selon elle, lorsque l'on dort l'on grandirait. Cela expliquerait sûrement ma petite taille.
- « Raphaëlle ? »
Je sursaute, surprise de croiser quelqu'un dans les couloirs à cette heure de la nuit. Les contours d'une silhouette se dessinent dans l'éclairage des chandelles.
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Raphaëlle
Ficción históricaLundi sept mai 1635, sous les rayons solaires du petit matin Raphaëlle Oiseau apprend l'inévitable et le tant redouté. Son mariage. Sa mère ayant entrepris des recherches pour un bon parti depuis la mort de son propre époux, est finalement parvenue...