Nous faisons route depuis maintenant trois jours. Enfin je crois, la notion du temps n'est que subjective puisque nous changeons régulièrement de rôle. L'un s'occupe du coche, l'autre dort et le dernier reste à l'affût de tout signe éventuel d'ennemis.
Nous nous sommes arrêtés quelques fois pour abreuver les chevaux, les nourrir et leur permettre de se reposer. Et ce par intervalles réguliers.
Nous sommes passés par Orléans, Crottes-en-Pithiverais, Fontaine-la-Rivière, Champigny, Boissy-sous-Saint-Yon, Montlhéry, Antony et je crois que nous venons de dépasser Bourg-la-Reine.
Le chemin vers Paris s'est déroulé sans accrochage. Je trouve cela suspect, le Cardinal doit bien se douter que nous venons dans sa direction alors pourquoi ne poste-il point d'hommes sur la route ou du moins à la lisière des grandes villes ? Surtout si nous avons été repérés à Angles-sur-Anglin en groupe de trois. Il doit certainement comprendre que nous partons en mission. Non ?
- « Tu réfléchis trop. » la voix de Florent brise le silence ambiant interrompant alors le flux de mes pensées.
- « Que veux-tu dire ?
- Simplement que les chevaux sentent ta nervosité, il faut que tu te détendes. Tu n'as point besoin de tenir les rênes avec tant de fermeté, laisse les entrer en communion avec toi. »
Je me tourne vers lui, son air ferme me dissuade de rire. Si l'on m'avait dit qu'un jour Florent me parlerait de la sorte j'aurai ri à en pleurer.
Il saisit les rênes par-dessus mes mains, dessert mon emprise et murmure :
- « Voilà, comme cela. »
Je ne m'étais point aperçut que nous étions si proches l'un de l'autre.
Son souffle se répercute sur ma nuque dévoilant une partie de mon épaule à chaque expiration.
Je tourne ma tête vers lui et me trouve nez-à-nez avec son visage. Je ne l'avais jamais vu d'aussi près. C'est un bel homme il faut le dire, même si sa beauté est très différente et plus discrète que celle de Césaire elle en est tout autant attractive. Ses yeux bleus comparables à une mer torrentielle en plein hiver scrutent chaque parcelle de mon visage. Ses pommettes hautes, sa lèvre inférieure plus pulpeuse que la supérieure, ainsi que ses cheveux blonds lui confèrent une beauté de prince. C'est cela l'image que j'ai d'un prince dans un conte de princesse. Sa carrure plus grande et longiligne que Césaire renforce cette image princial.
Je constate notre proximité lorsque ses yeux s'attachent aux miens.
Une dame ne devrait pas être aussi près d'un homme, c'est inconvenant. Pourtant n'ai-je pas déjà rompu les règles de bienséance maintes et maintes fois ? Je repense à la proximité de Césaire et moi, à nos accolades plus qu'affectives, à nos tendres baisers.
Qu'est-ce qui cloche chez moi ? Je suis en pleine connexion avec un bellâtre et je songe à un autre !
Viens-je de dire connexion en pensant à Florent ? Non c'est impossible nous sommes seulement amis, il est comme un frère.
« Cela en fait beaucoup des frères Raphaëlle. » me glisse ma conscience.
Le son d'une flèche tranchant les ténèbres de la nuit m'ôte de mes pensées.
Stupéfaits Florent et moi nous tournons vers Césaire qui semble s'être éveillé. Et vu l'air contrarié dessiné sur son visage il doit l'être depuis un certain temps, un temps suffisant pour nous surprendre Florent et moi.
Je sens mes joues rougir tandis que Florent tente d'interroger son ami munie d'une arbalète cependant une deuxième flèche qui s'échappe de l'arme l'en interrompt. J'arrête brusquement le coche en tirant sur les rênes. Florent dégaine son épée pendue à sa ceinture et saute de la voiture pour se précipiter vers les hautes herbes qui longent les champs bordant la route.
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Raphaëlle
Historical FictionLundi sept mai 1635, sous les rayons solaires du petit matin Raphaëlle Oiseau apprend l'inévitable et le tant redouté. Son mariage. Sa mère ayant entrepris des recherches pour un bon parti depuis la mort de son propre époux, est finalement parvenue...