Chapitre 2 - Le jeu dangereux

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Il tomba à genoux sans prononcer une syllabe de plus. Sous ses tâches de rousseur, Maël paraissait de plus en plus livide à Augustine. Comment réagir ? L'abandonner pour aller chercher de l'aide ou rester auprès de lui le temps qu'il allât mieux.

Et si... et si... et si...

Son esprit soubresauta, comme un vinyle rayé sous le diamant d'un tourne-disque. Elle n'osait pas formuler la fin de sa phrase, effrayée par sa possible réalisation. Un râle inquiétant provoqua une décharge d'adrénaline, elle s'approcha de son ami et lui murmura à l'oreille :

- Tiens le coup, je vais chercher de l'aide !

Elle s'élançait pour une course endiablée lorsqu'une main, qui lui sembla un poil trop ferme pour quelqu'un qui agonisait, lui attrapa le poignet brutalement. Elle fronça les sourcils.

- Nan... me laisse pas... tenta Maël d'une voix chevrotante.

Il tremblait légèrement, paraissait fiévreux. Ses yeux roulèrent dans leurs orbites

- Mais Maël, c'est peut-être grave. J'veux pas que tu meures, moi.

Soudain, son ami s'effondra. Des spasmes impressionnants s'emparèrent de son corps ; il semblait être torturé par des mains invisibles. De la bave commença à affleurer à la commissure de ses lèvres, du côté où sa tête penchait. Augustine ne tint plus en place, elle décrocha les doigts qui serraient son avant-bras et fila comme l'éclair. La peur lui tenaillait les entrailles. Une larme roula sur son visage souillé de poussières, puis elle se ressaisit, déterminée à trouver l'aide d'un adulte et vite !

- Augustine ! Reviens ! J'déconnais.

Nette. Sa progression s'arrêta nette devant un petit ruisseau dévié par quelques grosses branches déchiquetées, un sanglier s'était probablement acharné sur le bois pour y dégoter quelques insectes. Son regard s'attarda sur une substance jaunâtre étrange qui maculait un bâton pourri. Roide comme un I, les muscles tendus, Augustine se retourna lentement et foudroya le rouquin du regard ; le garçon se tenait assis en tailleur l'air satisfait. Un immense sourire fendait son visage.

Quand il aperçut la rage au fond des yeux brillants d'Augustine et la traînée de crasse humide sur son visage, Maël comprit derechef qu'il était allé trop loin. Penaud, il s'avança vers elle. La jeune fille recula, visiblement fâchée.

- Merde. J'suis désolée Augustine, j'pensais pas que tu m'croirais...

Silence. Le rouquin insista :

- Tu sais très bien que j'connais par cœur les champignons frangine...

Silence. Décidément, ce n'était pas son jour. Deux fois que Maël la taquinait aujourd'hui, et cette fois, elle n'avait pas envie de laisser passer aussi facilement cette plaisanterie. Il était allé trop loin. Beaucoup trop loin.

- Tu baves encore, laissa-t-elle échapper sèchement.

La voix d'Augustine était froide comme jamais Maël ne l'avait entendue. Ses dents serrées, sa mâchoire saillait. L'estomac du garçon remua douloureusement dans son ventre. Il allait devoir se rattraper, même s'il ignorait comment. Après tout, il s'était déjà excusé, il ne pouvait pas faire mieux.

- Gus'...
- Tais-toi ! On ne joue pas avec la mort ! cingla-t-elle.

Sa voix aiguë résonna entre les troncs et réveilla en sursaut la faune paisible. Dans un bruissement sec de feuilles séchées, mêlés à des cris stridents, des corneilles apeurées s'envolèrent des arbres. Les éclairs continuaient de surgir des pupilles d'Augustine et traversaient violemment le cœur de Maël.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant