Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieuses

Chapitre 38 - Une aide inespérée

- Libère-la !

La voix avait résonné dans toute la forêt. L'eau du lac frémissait, l'écorce des arbres tremblotait, quelques jeunes feuilles chutèrent de la canopée. La sentence était sans appel. Le vieux sorcier au bâton bizarre, en chien battu, arrondit le dos.

Au loin, Augustine aperçut une silhouette délicate, flanquée d'un maladroit petit bonhomme, se dessiner là où l'eau du lac mangeait la terre argileuse des berges. Pendant un court instant, la brunette crut distinguer la forme éthérée d'un magnifique palais, mais il s'évapora aussi vite qu'il était apparu. Gracieuse, la dame s'approcha.

- Mais, Ninnie... tenta-t-il.
- Tu m'as bien entendue ! Libère-la !

Claquement de doigts. Une rafale d'oxygène s'engouffra entre ses lèvres et insuffla la vie. Ses bronches explosèrent de joie. Augustine respirait à nouveau. Les lianes de lierre se relâchèrent brusquement et filèrent retrouver l'écorce de leurs hôtes. La jeune fille, projetée au sol par sa libération inattendue, se massa les poignets, de larges marques pourpre ornaient sa peau. Le vieux sorcier ne l'avait pas loupé, pourtant il n'avait pas bronché, et avait obéi comme un esclave aux ordres de son maître. Peut-être s'était-il également rendu compte de la gravité de ses actes. Elle s'assit le dos contre le vieux chêne. Son contact la réconforta profondément.

- Va-t-il falloir que je te surveille comme un gamin insupportable, Amour, ou deviens-tu gâteux avec l'âge ?

Le vieux fou ne pipait mot. Le regard empli d'arrogance, il s'éloigna d'Augustine pour faire face à l'élégante dame.

- Mêle-toi de tes affaires ! C'est privé ce qui se passe ici.

Il agitait son bâton dans tous les sens. La dame resta stoïque, elle paraissait habituée au comportement sanguin de son compagnon.

- Et toi, tu n'as pas pu t'empêcher de l'ouvrir ?

Il désignait désormais le gamin à la voix de crécelle. Effrayé par le tonnerre vocal émis par le mage noir, l'enfant tenta de se dissimuler dans le giron de l'envoûtante femme. Les mains libérées de son bocal, il s'agrippait à sa robe, en bon pleurnichard.

- Laisse Percy tranquille. Il a bien fait d'intervenir. Torturer les humains a toujours été un acte répréhensible dans notre monde. Tu croyais vraiment que tu pourrais faire ton coup en douce ? Dans notre domaine ?

- Elle m'a volé, Ninnie ! se plaignit-il.

L'encapuchonné n'en démordait pas, convaincu des méfaits d'Augustine.

- Elle est rentrée dans mon labo et elle a volé mon Physa, alors que j'avais le dos tourné. Tu sais combien il m'est précieux ! Quand tu es arrivée, elle était sur le point de craquer et de tout avouer ! C'est une chapardeuse et une fouineuse !
- Rien du tout ! J'vous ai rien pris du tout !
- Fais-lui un peu confiance, Amour. Augustine ne t'a jamais volé ! Tu te trompes de cible.

Son ton se voulait doux, réconfortant. Sa maman n'aurait pas fait mieux. Augustine se sentit soudain attirée par cette étrange femme. Elle aurait bien rejoint Percy dans son giron.

- J'ai bien regardé dans ses yeux quand vous lui avez posé votre question, Maître, et sa pupille n'a pas vrillé comme vous me l'avez déjà montré, ni à gauche, ni à droite, ni en haut, ni en bas. Elle ne sait pas du tout de quoi vous voulez parler, j'en suis convaincu.

Augustine haussa les sourcils, l'intervention du mioche était pour le moins inopinée.

- Tu vois, même Percy sait mieux lire les signes que toi. Tu te laisses aveugler par ta colère Amour, tu n'es plus maître de tes émotions.
- Me serai-je trompé ?
- Visiblement, répondirent en chœur le garnement au bocal sans son bocal, la collégienne apeurée et l'éblouissante dame.
- Jusqu'à aujourd'hui, je ne savais même pas que vous existiez, comme j'aurais pu vous voler quelque chose.
- Elle marque un point, Maître. Si elle ignorait votre existence, elle a pas pu vous voler...
- Pas volontairement, le coupa le vieux barbu, par contre, elle aurait très bien pu nous le chiper par inadvertance !
- STOP !