Chapitre 17 - Le contrôle raté

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Encore à moitié endormie, en entrant dans la salle de classe, Augustine percuta une fille blonde, de son âge, à l'air concentré. Valentine lisait un manuel scolaire. Le nez collé à l'ouvrage, elle n'aperçut pas son amie. Son livre lui échappa des mains et s'étala au sol, en grand écart, après un rebond douloureux sur la tranche. Elles se précipitèrent ensemble pour le rattraper et se heurtèrent de nouveau. Leurs doigts tâtonnèrent, se cherchèrent, s'attrapèrent. Elles se sentirent gauches et s'excusèrent en même temps. Ensemble, elles devraient pouvoir tenir debout.

- Vous avez pas fini vos conneries les filles ? Vous allez finir par être en retard.

Cédric ramassa son livre pour le lui rendre et rentra précipitamment dans la salle de classe. Les deux amies se sourirent, complices, et le suivirent.

Augustine n'aperçut Maël qu'une fois installée derrière son propre bureau. Il avait le regard rivé sur le tableau vierge et rien d'autre ne semblait l'intéresser. En détaillant le garçon, elle eut une douleur bizarre au niveau de l'estomac, un vide béant qui se nouait fort. Très fort. Une sensation étrange, angoissante, qui confirmait son impression de la veille, comme si le garçon était revenu vraiment différent. Il avait l'air si sérieux, rien ne le perturbait dans sa contemplation, elle trouvait qu'il avait perdu cette lueur d'espièglerie dans les yeux, celle qui le caractérisait si bien.
Ses yeux... Ce regard perdu dans le vague ne voyageait pas dans leur réalité commune, il visitait un autre monde, Augustine en aurait parié sa collection de figurines des créatures fantastiques de l'univers de Harry Potter : quelque chose de mystérieux s'était déroulé dans la vie de son ami et elle était convaincue que ce changement n'avait rien à voir avec une intoxication due à un champignon qu'elle lui aurait donné à manger. Elle en aurait mis sa main à couper et son âme ainsi que celle de sa mère aux enchères.

L'arrivée de Monsieur Palmer, le professeur de mathématiques, un bel homme brun et fortement empathique, coupa court à la réflexion d'Augustine. Avant même d'avoir posé ses affaires sur son bureau, il avait demandé à ses élèves de sortir une feuille pour le devoir du jour, puis il passa dans les rangs pour distribuer les énoncés des exercices, recto contre la table. Dès qu'il annonça le début de l'examen, les élèves retournèrent la feuille et se dépêchèrent de résoudre les problèmes. Ils n'avaient qu'une heure.

Augustine, le ventre noué, lut avec attention chaque exercice. Le souffle court, mordue par l'angoisse et hésitante, elle nota quelques chiffres sur une feuille de brouillon. Et d'autres encore, puis encore d'autres. Peu à peu les exercices se résolvaient sous ses yeux, sa main hors de contrôle glissait magiquement sur le papier. Instinctivement, elle connaissait toutes les réponses. Son voisin vit le stylo d'Augustine tracer aisément les chiffres, symboles et figures géométrique sur sa copie. Elle la remplissait à une allure folle. Il écarquilla les yeux de stupeur. Augustine, d'habitude si nulle en mathématiques survolait le devoir alors que lui-même peinait à répondre à la première question.

Au bout d'une trentaine de minutes, Augustine posa son crayon et relut sa copie. Elle en était certaine, elle n'avait commis aucune erreur, mais elle ne comprenait pas d'où venait ses connaissances ; elle n'avait quasiment rien relu la veille. Le savoir lui avait-il été transmis de ses livres, simplement en dormant dessus ? Elle n'était pourtant pas un chat ailé du Paris des Merveilles. Alors qu'elle tenait en main sa copie, elle se souvint aussi de cette étrange interrogation orale avec le professeur Keanan. L'injustice de sa note et la colle qui avait suivi lui avait fait complètement oublier qu'elle avait su, là aussi, instinctivement répondre à toutes les questions qu'il lui avait posées. Comment une telle chose était-elle possible ? Personne ne pouvait posséder un savoir inné, il fallait travailler, apprendre, s'exercer et recommencer encore et encore pour obtenir et conserver des connaissances. Pourquoi avait-elle l'impression d'avoir souhaité connaître les réponses et que son vœu avait été exaucé. Pourtant, la vie ne fonctionnait pas ainsi. La magie n'existait pas. Ce n'était pas possible. Alors, il devait y avoir un point commun entre ces deux jours, quelque chose qui...

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant