Chapitre 8 - Le repas savoureux

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Étourdie par sa vision, Augustine se souvint de sa nuit et de la branche agaçante qui martelait la fenêtre. Mais ce rêve mystique... N'était-il que rêve ? Tout lui avait paru si réel, y compris cette frêle note violette. Et cette chaleur qu'elle ressentait au fond de son cœur... Elle avait eu l'impression de voyager, de s'aventurer sur un territoire extraordinaire, une contrée qu'elle aimait déjà plus que tout. Elle désirait tant y retourner.

Elle regarda son réveil. À peine cinq minutes s'étaient écoulées depuis qu'elle s'était levée et assise devant le miroir. Non, elle n'avait définitivement pas voyagé, pas en si peu de temps. Déçue, Augustine soupira. La perspective de découvrir un pays aussi fantaisiste ne lui aurait pas déplu, un lieu inoubliable où l'on pourrait contempler la musique. La chaleur générée par ce songe continuait de la taquiner autant que la déception la rongeait. Elle se frotta les yeux, comme pour faire disparaître les dernières images intangibles et reprit sa routine matinale.
Après s'être habillée et déridée de sa courte nuit peu reposante, Augustine rejoignit sa mère dans la cuisine. Un léger fumet épicé parfumait agréablement la maison et faisait saliver la jeune fille. Elle hésita un instant, puis d'une voix enjouée, elle salua sa mère.

- Bonjour ma chérie, tu as bien dormi ?

- Oui, M'man, jusqu'à ce qu'une odeur bien appétissante me sorte du sommeil. J'suis sûre et certaine que ça réveillerait aussi Aurore.

- Tu crois que lui envoyer un bon couscous au lieu du Prince Charmant l'aiderait à rompre l'enchantement ?

- Certaine. Son estomac gronderait d'faim jusqu'à l'arracher au monde des rêves. D'ailleurs, tu crois qu'elle rêve pendant toute la malédiction ?

- Je ne pense pas, ma chérie. Ce n'est pas un sommeil commun, mais un sommeil magique.

Augustine acquiesça et sa mère retourna à ses fourneaux pour préparer la semoule qui accompagnerait le plat en fredonnant au-dessus de la voix suave qui s'échappait de la radio. La jeune fille esquissa une moue de dégoût en voyant sa mère se déhancher langoureusement en rythme. Elle se leva pour éteindre la musique. Une main ferme l'en empêcha.

- Si tu touches à cette radio, je triple ta punition ! râla Marissa en menaçant sa fille de la spatule avec laquelle elle venait de mélanger les légumes de son couscous.

- Mais... elle est naze ta musique M'man ! Il a pas de voix ce type ! On dirait qu'il chante dans un oreiller.

- Quand bien même ! Tu n'y touches pas, j'ai envie d'écouter cette chanson.

- Mais c'est ringard, on dirait un vieux truc de varièt' des années 80... Je préférais celui de l'autre jour, avec sa voix rocailleuse.

- Un, tu n'y connais rien en musique, ça n'a rien à voir avec la musique des années 80. Deux, tu changeras d'avis quand tu seras plus âgée ! contra-t-elle d'un air espiègle augmenté d'un sourire éclatant.

Devant l'air ébahi de sa fille, Marissa ajouta :

- Tu comprendras quand tu auras les hormones en ébullition, comme moi quand j'ai rencontré ton père.

Sur ces derniers mots, fière de son effet, Marissa, plus rayonnante que jamais, augmenta le volume de la radio pour couvrir les protestations de sa fille. La cuillère de bois à la main, elle tourna sur elle-même en une pirouette gracieuse et retourna à ses fourneaux en laissant une Augustine décontenancée, plongée dans ses pensées. D'ordinaire, sa mère ne parlait jamais de son père...

Elle s'échappa de la cuisine discrètement et attendit donc que la musique cesse pour y revenir avec un prospectus noir et orange dans les mains. Augustine avait profité de ce laps de temps pour partir à la recherche d'idées sur Internet pour la tenue qu'elle pourrait porter lors de la fête qui s'annonçait.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant