Chapitre 12 - La terrible nouvelle

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L'idée de retourner au fond de son lit une journée de plus la tentait bien, d'autant plus que lorsqu'elle tira ses doubles-rideaux, une pluie diluvienne s'abattait sur Paimpéran, de celle qu'on n'avait que rarement vue. Les bourrasques pliaient les arbres centenaires et les déshabillaient des dernières feuilles de leur frondaisons. Personne n'aurait voulu sortir par ce temps. Augustine soupira et farfouilla dans sa vieille armoire pour y dégoter des vêtements chauds, en laine de préférence. Elle en sortit également un blouson coupe-vent ainsi qu'une écharpe épaisse qui l'engonceraient. Lorsque sa mère frappa à la porte, Augustine sursauta. Noyée dans ses pensées abyssales, elle ne l'avait pas entendue l'appeler.

- Changement de programme ma chérie, tu vas être ravie. Aujourd'hui, c'est feu de cheminée, chocolat chaud et films à volonté.
- Pour de vrai ?

Augustine, les yeux ébahis, avait du mal à croire que son souhait venait de se réaliser.

- Pour de vrai, confirma Marissa tout sourire. J'ai appelé le collège et le musée m'a laissé un message, tout le monde doit rester chez soi. La tempête n'en est qu'à son début et la vigilance est rouge. On se calfeutre. Il faut même se préparer à des coupures de courant. Donc on commence par des films et on finira par des contes. Ahhhh, soupira-t-elle, j'adoooore ce temps.
- T'es sérieuse M'man. Il te faut une tempête surgie de nulle part pour être heureuse ?
- Eh oui, qu'est-ce que tu veux. Ce genre de temps me rappelle de bons souvenirs.
- Une tornade, un tsunami, un naufrage ?
- Ta conception.
- Eurk ! Tu pouvais pas me mettre d'autres images en tête !
- Eh ! C'est la normalité de la vie, ma grande.

Augustine se boucha les oreilles en chantonnant à tue-tête, elle avait beau être intriguée par le miracle de la vie, surtout la sienne, et sur son mystérieux géniteur, elle ne voulait pas encore en savoir plus. Tout venait à point à qui savait attendre. Et pour le moment, la réalité, c'était uniquement sa mère et elle, l'immaculée conception ; ce conte personnel auquel elle adhérait depuis toujours.

L'air guilleret et nostalgique de Marissa contamina peu à peu Augustine qui rangea à la vitesse de l'éclair les vêtements qu'elle portait dans ses bras et qu'elle trouvait désormais immondes ; il était encore trop tôt dans l'année pour ressembler à un bibendum.

La journée se passa sans élément perturbateur significatif. Marissa regretta que le vent ne fut pas plus violent et que l'électricité ne fut pas coupée, tandis qu'Augustine profitait de sa journée de liberté pour attaquer la lecture d'un nouveau manuel sur les arbres, tout en s'inquiétant de plus en plus pour son ami hospitalisé.

- M'man ? Tu crois que Maël va bientôt sortir de l'hôpital. J'aimerais bien allez le voir.
- Je ne sais pas ma chérie, mais...

Marissa ne savait pas comment finir sa phrase. Elle avait caché à Augustine le coup de téléphone qu'elle avait passé la veille aux parents de Maël. Ils tenaient sa fille responsable de l'intoxication de leur fils et ils avaient réitéré l'interdiction pour les deux amis de se fréquenter en dehors de l'école. Jamais. Alors qu'Augustine lui rendît visite ne serait pas une chose envisageable. Marissa ne voulait pas blesser son enfant plus qu'elle ne l'était déjà, mais elle avait le droit de savoir vérité.

- Écoute ma puce, commença-t-elle alors qu'Augustine sentait poindre la douleur des mots, j'ai eu les parents de Maël au téléphone et je n'ai pas de bonnes nouvelles...
- Maël va mal ? paniqua-t-elle en se redressant vivement.
- Non, il va même mieux, tenta-t-elle de la rassurer, mais...
- Mais quoi ? s'énerva la brunette.
- Les Dickinson ne veulent plus que tu voies leur fils en dehors de l'école...

Marissa avait lâché la nouvelle comme une bombe. Augustine se leva précipitamment et laissa tomber le beau livre qu'elle avait en mains. La trancha embrassa le tapis. La bibliothécaire allait être fâchée. Bouche bée, la brunette ne parvenait pas à articuler le moindre mot. La rage sourdit en son ventre.

- Je suis désolée ma puce...
- Pourquoi ? Je ne comprends pas. J'ai rien fait. À moins que...
- Oui, le champignon, confirma Marissa.
- NOOOOON !

Une plainte douloureuse plus qu'un cri déchirant fusa. Des spasmes de tristesse secouèrent Augustine qui se noya entre les bras de sa maman, où elle déversa un torrent de larmes.

- Eh... Peut-être que c'est ton champignon qui l'a rendu malade, mais tu ne l'as pas forcé à l'avaler. Il est aussi fautif que toi. Si ses parents t'en veulent, c'est seulement parce qu'ils se sentent impuissants face à ce qui leur arrive. Ils ont besoin de rejeter la faute sur quelqu'un et comme tu es l'amie la plus proche de Maël, la personne avec qui il passe tout son temps, c'est sur toi que la foudre est tombée.

Marissa passa la main dans les cheveux de sa fille.

- Sèche tes larmes, ma belle, tu retrouveras ton ami plus vite que prévu. J'en suis convaincue. Ses parents ne peuvent pas être si rudes.

Marissa se souvint de la visite éclair du père de Maël et douta de ses propres propos, mais elle continua de rassurer sa fille.

- Et puis, dis-toi qu'au pire, tu le verras tous les jours à l'école. Alors à toi de jouer. Répare les dégâts.

Les yeux de la mère d'Augustine pétillaient de malice, elle avait toujours les bons mots et les bonnes astuces pour réconforter et rasséréner sa fille. Pourtant, ce jour-là, elle s'en voulait de la douleur atroce qu'elle avait infligée à son enfant, un prix terrible pour une vérité misérable.
Augustine accueillit le soleil du jeudi matin en traînant des pieds. Elle n'avait que deux heures de cours de lettres, mais redoutait son retour en classe. Comme elle commençait plus tard, sa mère l'amenait au collège où elle retrouva Valentine et Cédric en pleine conversation. Enfin, Cédric parlait et Valentine faisait mine de l'écouter, alors qu'en réalité elle relisait déjà la leçon d'histoire du lundi pour le lendemain matin.

- Salut Gus' ! firent-ils en cœur en la voyant s'approcher.

Ces deux voix à l'unisson faisaient toujours sourire Augustine. Une harmonie.

- Salut les frangins ! Vous avez bien profité de votre jour off ?
- Ouais, j'ai fait le plein de séries en retard et Val'...
- A bossé comme d'hab' ?
- Exactement, confirma Cédric. Et toi ?
- Pareil, buffet de films à volonté au coin du feu.

Ils continuèrent leur discussion pendant le cours trajet qui les menait en classe de français. Augustine s'arrêta hésitante devant la porte des toilettes.

- J'vous rejoins en classe les copains. Je meurs de soif.

Et elle disparut derrière la porte battante.

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Bonsoir les Dévoreurs de Mondes,

Un nouveau chapitre pour ce lundi, j'espère qu'il vous a plu. Bon c'est vrai, il ne s'y passe pas grand chose, mais il permet de renforcer le lien entre Marissa et sa fille et d'annoncer une nouvelle plus grave à Augustine.

Pensez-vous d'ailleurs que ce soit vraiment les champignons qui ont rendu malade Maël ? Ou se trame-t-il autre chose ?

Je vous souhaite un très bon début de semaine et vous retrouve mercredi pour un nouveau chapitre.

Bonne soirée et bonnes lectures à tous.
J.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant