Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieuses

Chapitre 41 - Une nouvelle vie

Pendant sa convalescence, la jeune fille réclama de visiter ses amis plusieurs fois, mais aucun d'entre eux ne pouvait recevoir quiconque mis à part sa famille proche ; ils étaient beaucoup trop faibles encore, en tout cas, c'était ce que sa mère préféra lui dire. La vérité était tout autre...

Augustine n'était pas vue comme l'héroïne de l'histoire, celle qui avait sauvé ses amis d'un dangereux psychopathe qui les avait séquestrés pendant plusieurs semaines. Non. Elle faisait plutôt office de coupable désigné. Personne ne savait mettre de mots sur une raison expliquant le geste de cette adolescente qui avait enlevé ses camarades de classe. Personne ne pouvait non plus imaginer comment elle avait pu, étant donné son gabarit, tenir tête à deux garçons comme Maël et Cédric pour les torturer, mais tout le monde la suspectait d'avoir eu recours à une aide quelque part et que c'était seulement parce qu'elle avait été acculée par la battue, qu'elle avait mis en scène ce retour fracassant qui était censé la hisser sur un piédestal.

- Non, non, non ! Impossible, avait jugé la populace.
- Dans ses rêves, avait osé scander le Maire Hoël. Les affabulateurs ne sont pas les bienvenus à Paimpéran !

Il avait immédiatement été encensé par la foule qui reprit, à tort ou à raison, pour certains et pour d'autres, le même discours.

Et il avait irrémédiablement demandé, soutenu par son conseil municipal, le comité des fêtes et celui des parents d'élèves, l'exclusion d'Augustine du collège des environs, et avait poussé Marissa à envisager de quitter la célèbre commune. L'Amicale Laïque des protecteurs de la biodiversité des étangs paimpéranais, quant à elle, soutenait la famille Baudelaire, mais de bien loin. L'association à but non lucratif ne voulait pas trop se mêler aux affaires politiques qui généreraient inévitablement des désastres écologiques dans les étangs qu'ils défendaient. Que ce fut vrai ou pas, finalement, tout le monde s'en moquait et la famille Baudelaire en payait le prix.

Tôt ou tard, Augustine apprendrait bien tout cela, mais pour le moment, Marissa préférait qu'elle se concentrât sur sa guérison, sa fille était loin d'être sortie indemne de toute cette épreuve. Et elle devrait répondre aux questions des forces de l'ordre dès qu'elle se sentirait mieux. Pour l'instant, la jeune fille aux longs cheveux noirs s'enfermait dans un mutisme qui inquiétait sa mère. Les seules fois où elle avait ouvert la bouche, elle avait réclamé ses amis. Sa plainte déchirait le cœur de sa mère, à chaque fois, et, à chaque fois, la réponse était la même :

- Non ma chérie, ils sont encore trop faibles. Ce sera pour bientôt, mais pas aujourd'hui.

Tous les jours recommençait ce cycle. Jusqu'à ce dimanche, une semaine pile après leur retour, où une tête blonde passa l'embrasure de la porte de la chambre d'Augustine. Sa mère venait de sortir, Cédric l'avait sans doute espionnée pour qu'ils pussent être seuls. La brunette, assise dans le fauteuil près de la fenêtre, accueillit son ami avec un immense sourire fatigué.

- Tu t'en sors moins bien que moi, on dirait, commença un Cédric qui paraissait indemne.

Il soupira profondément avant de poursuivre :

- Merci de nous avoir ramenés. Sans toi, je ne sais pas comment on aurait fait.
- J'suis contente que vous alliez bien.
- Seulement moi Gus'...

Au son de sa voix, Augustine comprit que Valentine, sa jumelle, ne s'en était pas aussi bien sorti que lui.

- Qu'est-ce qu'elle a ?
- Personne ne sait. Elle ne se réveille pas. Pourtant tout va bien, il n'y a rien d'anormal dans ses analyses. On dirait qu'elle ne veut simplement pas se réveiller.

Les yeux d'Augustine se voilèrent de larmes. La porte grinça. Sa mère venait de revenir dans la chambre avec le chocolat chaud et les gourmandises que sa fille lui avait réclamés quelques instants plus tôt. Ses traits étaient tirés et ses courts cheveux noirs en pagaille prouvaient qu'elle dormait sur le fauteuil dans lequel Augustine s'était lovée depuis plusieurs jours.