Chapitre 4 - La violente dispute

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Les murmures inquiétants de la nuit qui approchait à grands pas, le couchant rougeoyant qui épandait sa pénombre écarlate sur les bois et l'immobilité de son amie terrorisait Maël. L'angoisse le mordait de ses crocs acérés et refusait de libérer sa proie. Un vent froid s'insinua sous ses vêtements mouillés par l'effort de la journée. Un frisson étrange remonta le long de son échine et remplit d'un poids glacial le creux de son estomac affamé. Ses bras se couvrirent de chair de poule. Elle ne pouvait pas lui faire ça, pas maintenant. Elle ne pouvait pas être malade. Elle ne pouvait pas avoir été intoxiquée par ce truc immonde et bilieux. Ce n'était pas possible. Non, Maël n'adhérait pas une seconde à cette idée. Augustine ne pouvait pas succomber à une de ses expériences scientifiques. Son amie était plus forte que les plantes toxiques, plus forte que les champignons les plus vénéneux du monde, plus forte que la terrible nature parfois empoisonnée. Oui, il était convaincu qu'elle s'en sortirait indemne.

- Augustine, me fais pas ça s'te plaît !

Maël saisit son amie par les épaules et la secoua légèrement plusieurs fois, puis il scruta la moindre de ses réactions. Elle ne cilla pas. Elle n'ouvrit pas la bouche. Il s'approcha de ses narines pour sentir son souffle lui effleurer la joue. Il s'accélérait. Pourtant, Augustine se murait dans un silence de plus en plus effrayant.

- Augustine ! Allez ! Réagis bon sang !

Il réitéra beaucoup plus violemment cette fois-ci. La tête de son amie dodelina légèrement sur son cou. Elle papillonna légèrement des cils quelques secondes et ses prunelles chocolat se dévoilèrent et s'ajustèrent à la luminosité ambiante.

- Maël ?
- Ben oui, tu veux qu'ce soit qui d'autre ? Tu m'as foutu une sacrée trouille. Qu'est-ce qui s'est passé ?
- Je sais pas. J'ai mangé l'omelette pourrie et elle m'a hurlée dessus. J'ai eu l'impression que mon cerveau allait éclater. Ça a commencé à bourdonner et puis j'ai vu des images bizarres, comme des flashs, tu sais comme dans les films sur la voyance et tout ça.
- Tu t'fous de moi Augustine Baudelaire ? Dis-moi que tu t'fous de moi !
- Ben nan, j'te jure. L'omelette m'a même demandé de la recracher. Ce truc est vivant.
- Ah ouais ? Et c'était volontaire de l'faire sur ma tronche ?
- Raconte pas n'importe quoi Maël... J'lai pas fait exprès, j'te promets.
- Tu pourrais au moins t'excuser !
- Mais pourquoi j'mexcuserai ? J'ai rien fait, moi. C'est lui qui m'a obligée. Il m'a criée dessus, j'te rappelle ! Si t'avais entendu cette voix...
- J'ai rien entendu, MOI ! Et j'me suis pris de ton truc partout sur la gueule !
- Oh, Maël, arrête tes gamineries. Si j'te dis qu'il m'a crié dessus, c'est que c'est vrai.
- Et l'autre, elle me crache dessus et j'devrais m'en foutre ?
- Oui, exactement ! J'lai pas fait exprès et il faut retrouver ce truc, c'est ça l'important ! Il m'a traité de fille du démon. T'y crois, toi ?

Une veine palpitait sur la tempe de Maël. Il paraissait excédé par le comportement irrespectueux de son amie. La rage se lisait sur son visage, mais Augustine, sans prêter attention à la fureur grandissante de son frère de cœur, s'agenouilla près des morceaux baveux dispersés sur la terre mêlés de débris de bois et les scruta en marmonnant.

- Tu crois que t'as le droit de faire c'que tu veux sans t'attirer de problème, Augustine Flemmardine BAUDELAIRE ?

Une flèche empoisonnée traversa le cœur de la brunette. Ses yeux se voilèrent. Jamais Maël n'avait osé utiliser cet atroce sobriquet dont on l'avait affublée en classe maternelle parce qu'elle aimait trop la sieste et refusait violemment les activités sportives de l'après-midi.

- Tu crois qu't'as tous les droits avec moi, c'est ça hein ! Parce que je suis ton plus vieux copain.

Augustine leva de grands yeux mouillés vers Maël. Elle ne l'avait encore jamais vu aussi en colère.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant