Chapitre 16 - Le repos bien mérité

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Le trajet du collège jusqu'à chez elle lui parut interminable. En arrivant enfin devant sa porte d'entrée, elle se jura de ne jamais recommencer, peu en importerait la raison elle ne reviendrait plus jamais à pied. Sa gourde s'était tarie en une demi-heure. Elle n'avait pas su raisonner sa soif et se rationner. Ses orteils et ses talons devaient être recouverts d'ampoules éclatées. Son épaule gauche lui faisait souffrir le martyr à cause du poids des livres. Elle n'avait qu'une hâte : s'en délester, ôter ses chaussures pour aérer ses pieds endoloris et savourer un goûter gargantuesque, après avoir étanché sa soif digne d'une traversée du désert. L'image de Bouclette, le vieux chat des Le Mézec, taquina sadiquement son esprit pour repartir aussi vite qu'elle avait parue. La faim la tenaillait beaucoup trop pour se préoccuper d'un chat mort.

Augustine farfouilla à l'intérieur de sa besace pour retrouver ses clefs, sans succès. Elle fronça les sourcils. Elle posa son sac au sol, en sortit un à un tous ses livres et les déposa sur le sol humide et froid. Heureusement, ses ouvrages scolaires avaient été soigneusement recouverts par sa mère pour les protéger. Elle ajouta, sur le dessus de la pile, ses deux énormes classeurs, sa trousse et son porte-feuilles. Rien. Sa besace béait, vide. Qu'avait-elle fait de ses clefs ? Augustine soupira et rangea ses affaires à leur place, puis elle se remémora sa journée, sa matinée, ainsi que son lever, en retard, pour changer, et la course effrénée qui avait suivi.

- Merde ! ragea-t-elle en tapant du pied.

Ses clefs pendaient au clou qui leur était destiné, à l'intérieur de chez elle. Elle avait oublié de les attraper avant de filer, comme l'éclair, rejoindre son bus. Elle serait donc destinée à attendre sur le perron le retour de sa mère, en espérant qu'elle ne finirait pas trop tard. Elle souffla.

- Journée pourrie ! s'exclama-t-elle en tapant du pied contre la porte d'entrée.

Le bois vibra contre le chambranle, mais la porte ne s'ouvrit pas pour autant, bien scellée. Dépitée, Augustine s'assit sur le paillasson, à l'abri du vent et attendit sa mère. Le froid saisit ses cuisses, elle frissonna mais quelques instants plus tard, elle dormait profondément, la tête posée contre sa besace.

Installée dans cette position peu confortable, elle rêva de la fois où elle s'était disputée avec Maël, des champignons noirs et d'une énorme plante jaunâtre qui hurlait à l'intérieur de sa tête. Elle aperçut aussi un vieillard effrayant auréolé d'une lueur dans la forêt, un homme mystérieux qui serrait un ancien bâton de randonnée sculpté de symboles étranges et surplombé d'un dragon ciselé dans une pierre aussi scintillante que la lune. En sa compagnie, un jeune garçonnet tenait en ses mains un bocal vide et scrutait Augustine comme un sujet d'étude intriguant. Elle s'agita sur le perron glacial de sa maison et des chiens, au loin, répondirent plusieurs fois à ses gémissements de peur. Lorsqu'elle fut réveillée par la main délicate de sa mère qui rentrait enfin de son travail, la nuit était tombée. De ses rêves, elle ne gardait qu'une sensation désagréable, celle d'être observée par un être inquiétant. Le reste, elle l'avait oublié. Ce jour-là, sans qu'elle n'en comprît l'origine, une sourde angoisse commença à l'étreindre et la consumer.
L'heure tardive précipita la soirée. Augustine et sa mère dégustèrent avidement un repas décongelé bien mérité et avant de s'atteler à ses devoirs, la jeune fille demanda la permission de téléphoner à Valentine pour lui poser une question sur les exercices à terminer pour le lendemain. Il s'agissait, bien évidemment, d'un prétexte discret pour pouvoir discuter de Maël et rattraper discrètement son après-midi séchée. Après quelques secondes d'attente, Valentine elle-même décrocha. Après les commodités d'usage et un point rapide sur les cours qu'elle avait manqués, Augustine en vint au fait qui l'intéressait le plus.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant