Chapitre 21 - Promenons-nous dans les bois

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Augustine avait passé d'excellentes vacances de Noël. Les cadeaux que sa mère lui avait offerts l'avaient époustouflée. En plus d'un superbe livre sur les arbres remarquables du monde, qu'elle feuilleta avidement plusieurs fois durant les vacances, Marissa lui avait dégoté un appareil photo doté d'un objectif macroscopique, tous deux d'occasion. Augustine avait sauté au cou de sa mère. Elle qui adorait farfouiller dans la terre à la recherche d'insecte, elle allait pouvoir les photographier dans tous leurs états. Elle était ravie et mourrait d'envie de l'essayer ; la fin de la première semaine de janvier serait le moment idéal. La rentrée de la nouvelle année signait la fin de la punition d'Augustine, elle allait enfin pouvoir passer du temps avec ses amis en dehors du collège.

Depuis son excursion au milieu de la nuit avant les vacances, Augustine n'avait pas eu de nouvelles de Maël, il continuait de l'ignorer et elle commençait doucement à s'y faire. Elle s'occupait comme elle pouvait et passait maintenant beaucoup de temps à étudier. Sa mère constata que la punition avait du bon sur les résultats scolaires de sa fille, même si elle regrettait de l'avoir privée de ses liens sociaux. La semaine de la rentrée se déroula de façon habituelle, avalanches de vœux et montagnes de souhaits et la jeune fille s'impatientait de voir le vendredi arriver. Elle avait proposé à ses deux amis, Valentine et Cédric, de l'accompagner pour une petite promenade en forêt. Ils acceptèrent avec joie. Augustine entendit Maël marmonner dans son coin, mais elle n'y prêta aucune attention, elle était beaucoup trop impatiente de tester son nouveau jouet.

La dense brume qui ne les avait pas délestés de sa présence de toutes les vacances se leva le vendredi en début d'après-midi, pour souhaiter une bonne promenade aux trois amis. Quand ils s'aventurèrent dans la forêt effeuillée, ils rayonnaient. Augustine, Valentine et Cédric profitèrent alors d'un moment apaisant de liberté. Ils explorèrent les abords des sentiers forestiers, à la recherche de traces d'animaux imaginaires et d'insectes sortis temporairement de leur hibernation, grimpèrent sur les troncs des arbres tombés lors de la dernière tempête, comme autant d'obstacles encerclant un territoire magique, se chahutèrent, mais ne trouvèrent aucun animal à photographier. Il y eut bien quelques êtres-arbres dissimulés dans quelques écorces burinées et branchages tortueux qui furent immortalisés, mais rien qui excitait vraiment la curiosité d'Augustine. Ils rirent de bon cœur de leur esprit imaginatif et finirent par s'asseoir sur une souche sèche pour se reposer un instant en parlant des épisodes de leur séries préférées qui venaient d'être diffusés. L'heure à flâner le long de l'étang qui jouxtait la partie ouest de la forêt avait vite filé. La luminosité déclina ; le soleil basculait lentement derrière l'horizon en emportant avec lui la chaleureuse lumière du jour. Augustine proposa aux jumeaux de visiter la cabane qu'ils construisaient avec Maël, mais la fratrie préféra se rapprocher peu à peu de l'orée du bois pour rentrer chez eux et ne pas être surpris par la nuit.

- Cédric, ne m'attends pas, je dois parler d'un truc à Augustine, on se retrouve à la maison d'accord ?

Le blondinet hésita. Laisser sa sœur regagner seule leur maison ne l'enchantait pas.

- Je ne serai pas longue, Je te le promets.
- Pas plus de cinq minutes ou les parents vont me gronder.
- Oui, je te rattraperai en courant. Comme ça, ils ne verront pas qu'on s'est séparés.

Le frère de Valentine hésitait. Il savait ses parents sévères, mais il avait hâte de retrouver sa console de jeux. Mario l'attendait pour une ultime étoile et la Princesse Peach serait libérée de l'odieux Bowser. Si Valentine n'en avait pas pour longtemps... Il finit par acquiescer et s'éloigna doucement le long du sentier en tapotant un court message sur son téléphone portable pour prévenir ses parents de leur retour imminent, tandis que Valentine se tournait vers Augustine. Son air sérieux effraya légèrement la brunette.

- J'ai essayé de parler de toi à Maël...

Le cœur d'Augustine fit un bond dans sa poitrine.

- Je suis désolée, Gus', je crois qu'il s'est rangé du côté de ses parents. Il ne veut plus t'adresser la parole.
- Qu'il réfléchisse un peu ! J'y suis pour rien moi s'il a été malade, s'énerva la brunette. Faudra qu'il grandisse un jour.
- Je le sais, et je pense qu'au fond de lui, Maël aussi, mais... Comment dire ? Je trouve qu'il a changé.
- Comment ça ?
- Je le trouve souvent triste, comme s'il lui manquait quelque chose. Je pense que c'est toi qui lui manques, mais qu'il n'ose pas se l'avouer. J'ai essayé de lui en parler, mais il m'a envoyée promener. Méchamment.

Valentine baissa la tête. Visiblement, le comportement de leur ami commun la peinait elle aussi.

- J'sais pas quoi faire Val'. J'lui ai laissé un mot d'excuses avant les vacances...
- Il ne m'en a pas parlé.
- Il ne l'a peut-être pas eu, je l'avais coincé dans son volet.
- Dans son volet ? Tu as grimpé jusque là-haut ? Tu es complètement folle, tu aurais pu tomber ! s'offusqua Valentine, toujours impressionnée par l'agilité naturelle de son amie.
- Aucun risque ! C'était même assez facile, pouffa Augustine.
- En tout cas, il ne veut plus entendre parler de toi. Je suis navrée Gus', il va falloir que tu t'y fasses.
Elles firent quelques pas en silence, quand Augustine s'arrêta net.
- C'est quand même dingue qu'il m'en veuille à ce point, lui ! Je l'ai pas forcé à avaler ce champignon, il me l'a même presque pris des mains !
- Je sais bien, mais...

Augustine ne l'écoutait plus, son attention s'était rivée sur une lueur étrange, familière, mystérieuse qui croissait entre deux troncs jumeaux au milieu des bois. Elle entendait bien du bruit à côté d'elle, une petite voix fluette qui s'amenuisait au loin, mais elle semblait hypnotisée par ces volutes de couleurs extraordinaires qui s'entremêlaient de façon si harmonieuse. Augustine soupira d'aise devant ce splendide spectacle qui lui rappela soudainement les aurores boréales qu'elle rêvait de contempler un jour, quand elle pourrait voyager, visiter le monde entier.... Peut-être. La jeune fille eut également une brève sensation de déjà-vu, mais elle n'y attacha aucune importance et se laissa bercer par l'ambiance mystique de la forêt. Ainsi envoûtée, Augustine ne perçut pas l'être affublé d'une longue cape qui se faufila entre les arbres centenaires pour les contempler de près. Le vieil homme les scruta un long moment avant de s'enfuir en direction du halo coloré énigmatique qui se reflétait sur les troncs et les branches des arbres. Lorsqu'il franchit l'étrange lueur, il n'était plus seul. Une silhouette semblait rechigner à l'accompagner. Une autre, étalée sur l'humus humide, dormait profondément.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant