Chapitre 3 - La Plante-omelette

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Les coups de marteau rythmèrent la vie de la forêt jusqu'à la fin de la journée. Le brame d'un cerf lointain, étouffé par la densité des bois, sonna le coucher du soleil. Surpris, les charpentiers en herbes allumèrent leurs torches qui illuminèrent d'une lueur blanche diffuse les alentours. Concentrés sur leur tâche, l'après-midi leur avait échappé. Ils terminèrent rapidement de planter quelques clous afin de fixer une énième planche en guise de toiture, puis ils s'activèrent pour rassembler leurs outils et les protéger d'une nuit humide. À l'intérieur de la cabane, grâce au toit, les outils seraient désormais au sec, ainsi le père de Maël ne pourrait pas l'accuser de négliger ses affaires. Enfin, s'il s'apercevait que son fils les lui avait empruntés... Il n'était pas l'as du bricolage qu'il prétendait, mais le matériel flambant neuf qu'il achetait sans cesse faisait illusion auprès de son entourage.

Le lendemain, Maël mettrait dans la remorque le strict nécessaire pour terminer la construction de la cabane et de quoi fêter la fin des travaux. Ils se sentiraient beaucoup plus légers. Les vraies vacances pourraient enfin commencer : des aventures rocambolesques les attendaient.

- On a bien avancé, tu trouves pas Amimaël ?

Un froid humide s'immisçait entre les branches. Les poils des bras d'Augustine se hérissèrent. Elle frissonna. Elle contempla leur œuvre en revêtant son gilet de fine laine, une légère brise venait de se lever et s'infiltrait par les ouvertures qui faisaient office de fenêtres.

- Ouais, même si j'aurais bien aimé qu'on ait fini aujourd'hui, soupira Maël. Reste plus qu'un peu d'toiture et la porte, et notre repaire secret s'ra enfin terminé.
- On pourra y mettre des livres tu crois ?
- Faut pas pousser mémé dans les orties ma vieille, c'est pas une bibliothèque.
- Ohhhh... steuplaît Maël...
- Franchement, vaut mieux pas. Tu vas les abîmer tes livres ici, frangine. Fait trop humide et on est pas à l'abri des fuites.

Augustine acquiesça à contre-cœur. Maël reprit son discours en lui offrant une tonalité beaucoup plus théâtrale :

- Tant qu'on aura pas essuyé une vraie tempête, moussaillon, on entrepose rien qui craint dans la cabane. Compris ?
- Bien mon Capitaine !

Après un instant de pause admirative devant l'ouvrage accompli, Maël mit un terme à leur journée de labeur.

- Trêve de bavardages, faut pas qu'on traîne si on veut être à l'heure pour l'souper, sinon on va dérouiller.
- Chef, oui Chef !

Au moment où Maël prit la remorque à bras le corps pour la rattacher à sa bicyclette, alors que d'ordinaire Dame Augustine s'impatientait d'enjamber le rebord pour effectuer le trajet au milieu des outils et des planches de bois, elle courut à quelques pas de là, lampe en main. Elle avait l'air d'avoir oublié quelque chose derrière elle. Maël trépigna, un tonnerre lointain grondait au fin fond de ses entrailles.

- Attends, j'ai juste un dernier truc à faire, le supplia Augustine.

Elle s'approcha du petit ruisseau et s'empara d'une branche en décomposition qui baignait dans l'eau. Elle la scruta dans tous les sens avant de la rejeter dans la rivière. Quelques gouttes de boue jaillirent et filèrent droit dans ses yeux. Elle se frotta les paupières pour se nettoyer, mais elle étala davantage la terre, puis recommença avec un deuxième morceau de bois.

- Augustine, qu'est-ce que tu fais ? s'impatienta Maël. Faut qu'on rentre, y'est d'jà tard. Tu sais comment est mon père si j'suis pas à l'heure à table. J'vais dérouiller Gus'.
- Juste une minute, je cherche un truc.
- On revient demain, tu chercheras ta bestiole plus tard.

Augustine ne l'écoutait pas. Elle continuait de gratter l'humus humide sans prêter attention à Maël.

- Je... m'en... vais... chantonna-t-il.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant