Chapitre 9 - La punition sévère

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Allongée dans son lit, la couette remontée jusque sous son menton, Augustine ne réussissait pas à fermer l'œil. Pire, elle fulminait. La discussion avec sa mère avait duré un bon moment et avait été désastreuse. La jeune fille n'avait pas échappé à la punition qu'elle trouvait au-delà de l'injustice étant donné que rien n'était de sa faute. Elle avait hurlé sur sa mère, claqué la porte de sa chambre, et s'y était enfermée depuis que le verdict était tombé : privée de sortie jusqu'à Noël et surtout privée de sa première soirée de Halloween. Elle n'en avait pas cru ses oreilles et avait naturellement demandé à sa mère s'il s'agissait d'une blague. La colère de sa mère s'était renforcée à ces mots et Augustine s'était claustrée. Elle n'y pouvait rien si elle se souvenait à peine des événements de la veille. Marissa avait cru que sa fille faisait tout pour lui dissimuler quelque chose, elle ne croyait pas une seconde qu'elle avait pu tout oublier de cette façon.

Augustine n'avait pas eu envie de repenser aux événements de la veille, et plus elle y réfléchissait, plus les souvenirs s'estompaient, ce qui n'était vraiment pas normal. Ne pas pouvoir se fier à sa propre mémoire la déstabilisait complètement et elle ne réussissait pas à expliquer tout cela à sa mère. Résultat, une sévère punition était tombée. La jeune fille tapa des pieds dans son lit. Elle ressassait ses dernières heures depuis un long moment et la colère refusait d'adoucir son emprise sur son esprit, alors elle se leva et se dirigea vers la fenêtre de sa chambre. Elle tira légèrement le rideau et scruta la sombre forêt qui bordait sa demeure.

- Qu'est-ce que tu m'as fait hier, toi ? On était copines jusque là, marmonna-t-elle.

Les rayons de la lune éclairaient désormais son orée, les étoiles et la voie lactée perçaient l'encre du ciel comme autant de lucioles, signe qu'il ferait sans doute beau le lendemain. Une magnifique journée s'offrirait au monde et elle resterait enfermée. Augustine aurait tellement aimé pouvoir rejoindre Maël à la cabane, mais même ce genre de sorties ne serait plus autorisée pendant deux longs mois. Juste l'école et la maison. Rien d'autre.

- C'est vraiment pas juste ! chuchota-t-elle.

Elle ne voulait pas que sa mère l'entendît. Une larme roula le long de sa joue. Elle l'essuya rageusement d'un geste rapide avant qu'elle n'atteignît son menton.

- J'lui f'rai pas c'plaisir.

Augustine ronchonna, puis soupira profondément. D'un geste brusque, elle remit ses double-rideaux violets en place avant de se jeter sur son matelas. Qu'allait-elle faire pendant sa dernière semaine de vacances ? Sa mère, qui à l'origine avait pris quelques jours de congés pour concevoir le costume d'Augustine, serait toujours là pour la surveiller. Impossible de s'échapper en douce pour vadrouiller en forêt ou s'amuser avec Maël. Elle était condamnée à terminer ses devoirs pour l'école et à se noyer dans les livres. Augustine pouffa. Finalement, ce ne serait peut-être pas si terrible, il y avait pire comme punition, Marissa aurait pu lui confisquer toute sa bibliothèque en y laissant que des ouvrages ennuyeux à mourir. Elle fixa ses livres, plongés dans la pénombre irisée d'une lune gibbeuse. Lequel d'entre eux pouvait être monotone au point qu'elle ne voudrait jamais le lire ? À bien y réfléchir, probablement aucun d'entre eux, elle était tellement curieuse que tous les sujets trouvaient grâce à ses yeux. Un sourire triste s'esquissa sur ses lèvres. Elle trouva l'interrupteur de sa lampe de chevet et sélectionna quelques livres qu'elle lirait ou relirait pendant ses derniers jours de vacances. Et si elle n'avait plus rien à lire, elle demanderait à aller à la bibliothèque, sa mère ne pourrait pas refuser à sa fille le droit de se cultiver.

La jeune fille posa les pavés choisis sur sa table de chevet et saisit celui qu'elle avait entamé au début de ses vacances. Elle n'avait pas beaucoup avancé, la construction de la cabane lui avait pris tout son temps. Elle songea à Maël qui devait, lui, dormir profondément sans se soucier d'une terrible punition. La rancœur la rongea soudainement à la pensée de son ami. Pourquoi n'était-il pas là quand elle s'était réveillée ? L'avait-il abandonné ? Pourquoi ne se souvenait-elle de rien ? Elle reposa son livre après seulement quelques pages parcourues, décidément elle n'arrivait pas à se concentrer sur sa lecture, les questions qui l'avaient bouleversée à son réveil au milieu de la forêt recommençaient à poindre le bout de leur nez et l'empêchaient de raisonner convenablement. Il faudrait qu'elle appelle Maël dès le lendemain pour en avoir le cœur net. Elle tendit l'oreille. Sa mère était-elle toujours debout ou s'était-elle endormie devant la télé dans le salon, comme une nuit sur deux ? Augustine décida de descendre vérifier.

À pas feutrés, elle se faufila hors de sa chambre sans faire grincer une seule latte de parquet. Elle se pencha au-dessus de la mezzanine. Aucun bruit ne filtrait, pas même le brouhaha incessant des insipides émissions nocturnes des chaînes privées. Elle tint fermement la rambarde des escaliers pour descendre prudemment les marches, il aurait été idiot de glisser sur le bois massif que sa mère venait de cirer. Avant d'avoir atteint le rez-de-chaussée, le ventre de la jeune fille se mit à gronder.

- Augustine ?

- Oui Maman, c'est moi, affirma-t-elle en la rejoignant dans le salon. Tu ne dors pas ?

- Visiblement. Toi non plus, on dirait. Qu'est-ce qui se passe ma puce ?

Le petit enfant prit le dessus sur l'adolescente vexée et elle se réfugia dans les doux bras de sa maman qui était à demi-allongée dans le canapé. Un flot de pleurs incontrôlé jaillit des yeux d'Augustine, elle sanglota plusieurs instants avant que Marissa n'osât l'interrompre. Lorsque les secousses semblèrent s'apaiser, elle redressa sa fille doucement pour la regarder dans les yeux.

- Eh, mais qu'est-ce qui se passe ? Tu me fais peur Augustine, c'est la troisième fois que tu te mets à pleurer comme ça depuis que tu es rentrée la nuit dernière.

Les pleurs s'intensifièrent et Augustine replongea au cœur des bras de sa mère.

- Il s'est passé quoi dans cette forêt pour que tu te mettes dans cet état ?
Marissa caressait tendrement le dos de son enfant, en un geste instinctif pour apaiser les souffrances émotionnelles.

- J'sais pas, bégaya-t-elle. J'sais vraiment pas Maman. J'arrive pas à me souvenir.

- Et si tu me racontais tout ce dont tu te souviens, peut-être que la mémoire te reviendrait. Tu en penses quoi ?

Marissa lissait les longs cheveux noirs de sa fille, elle dégagea une mèche de son visage pour la glisser derrière son oreille et ainsi voir les yeux de son enfant. Elle semblait désemparée, complètement perdue.

- Maël t'a fait quelque chose ?

Les sourcils de Marissa s'étaient froncés sur cette question.

- J'crois pas. Y'était pas là quand j'me suis réveillée. J'crois qu'on s'est disputés, mais j'me souviens plus pourquoi.

- Si tu veux, demain on l'appellera pour savoir ce dont il se souvient. Qu'en dis-tu ?

Augustine hocha la tête. Cette idée lui parut la meilleure possible. Maël était le seul qui pourrait lui venir en aide, même si au fond d'elle, elle redoutait terriblement de le revoir. Elles restèrent un long moment sans se parler, tandis qu'Augustine calmait ses pleurs. Lorsqu'elle fut apaisée, elle se redressa et plongea ses yeux rougis dans ceux de sa mère, puis elle osa timidement le tout pour le tout :

- Dis M'man, c'est définitif pour la soirée de Halloween, j'aurais vraiment pas le droit d'y aller ? renifla-t-elle.

- Tu m'as entendue tout à l'heure.

- Tous mes copains y vont M'man, supplia Augustine.

- Je ne reviendrai pas sur ma décision, ma chérie.

Son ton était sans appel, elle ne protesta donc pas plus longtemps et se lova de nouveau dans les bras de sa maman. La rage rongeait son ventre, mais le réconfort était plus fort que tout.
Marissa observa sa fille unique s'assoupir paisiblement dans ses bras. Il y avait bien longtemps qu'elle n'était pas venue la rejoindre la nuit. Elle apprécia ce moment rare et lui chantonna une vieille comptine enfantine qui parlait d'une biche et d'un beau chevalier qui se retrouvaient dans les bois, puis elle rejoignit peu à peu son enfant au pays des songes.

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Bonsoir à tous, Dévoreurs de Mondes,

Je n'ai pas grand chose à vous dire ce soir, mis à part :

Merci d'avoir continué la lecture jusqu'ici, j'espère vraiment qu'elle vous plaît. :)

Rendez-vous mercredi prochain pour le prochain chapitre.

Bonne soirée à tous.

Xxx
J.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant