Chapitre 37 - Le vieux barbu

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- C'est beaucoup de questions et d'exigences pour une seule personne, ne trouves-tu pas, jeune Demoiselle ?

Une voix rauque. Un ton railleur. Augustine ne discernait pas la personne qui s'adressait à elle, mais sa façon de se moquer d'elle l'exaspérait. La silhouette de l'individu se fondait avec les éclats aqueux du lac. Visiblement, l'individu ménageait son entrée. Il ne semblait pas très jeune, bien au contraire.

- Peut-être devrais-tu calmer ton esprit pour retrouver ta sérénité, avant de tourmenter les nobles âmes qui arpentent mes contrées et qui sont sous ma protection ?

De qui lui parlait-on ? De la note violette qu'elle avait secourue ? Elle ne l'avait pas tourmentée. Elle lui avait rendu sa liberté. De la créature qui l'agaçait depuis qu'elle avait franchie le portail ? D'ailleurs, où pouvait-elle bien être ? Augustine ne l'avait pas entendue depuis l'arrivée à l'impromptu de cet homme à la voix caverneuse.

- Tu oses pénétrer ces lieux sans y être invitée, tu y déranges le Vivant et tu oses exiger en retour. Tu n'es pas la bienvenue dans ce Monde, Augustine Baudelaire. Rentre chez toi, avant que quelque chose de grave n'arrive à ton ami Maël !

Comment connaissait-il leur noms ?

- Mon esprit n'a pas de borne. Ma connaissance du Vivant est sans limite.

Augustine fronça les sourcils. L'homme avait répondu avant même qu'elle ne prononce une seule syllabe. Avait-il lu dans ses pensées ?

- Tu comprends vite jeune humaine. Pourtant, il y a une chose que je ne saisis pas : ton existence m'était totalement dissimulée jusqu'à ce que tu pénètres dans mon monde et le dérange.

Le vieux fou s'approchait doucement d'elle, l'air intrigué. Augustine, toujours aussi mutique depuis la soudaine apparition du vieil homme, sentait la moutarde lui monter au nez et bien au-delà. Elle n'était pas prête à se laisser dominer par un nouvel inconnu. Déterminée, elle avança vers le nouvel arrivant d'un pas qu'elle voulait menaçant. En contre-jour, se précisa la silhouette sombre d'un grand vieillard à la barbe argentée, presque blanche, au dos légèrement voûté. Une canne sculptée soutenait son corps. Éblouie, Augustine para les rayons du soleil d'une de ses mains pour mieux discerner son ennemi. Elle fulminait. Elle était convaincue qu'elle se trouvait devant l'homme qui avait agressé et enlevé ses amis. Au fin fond de ses entrailles, elle le sentait. Alors, du haut de ses treize ans, de son mètre cinquante-cinq et de ses quarante kilos toute mouillée, elle le toisa de ses prunelles brillantes de rage. Elle tapa du pied sur le sol à la manière d'une gamine capricieuse, une Veruca Salt de compétition. Un tyran naissait. Elle refusait de se laisser démonter par l'attitude de cet énergumène. Quitte à devoir se montrer arrogante, elle lui tiendrait tête.

- Je veux embêter personne ! C'est lui qui me fait tourner en bourrique depuis que je suis arrivée, indiqua-t-elle en désignant la frondaison des arbres.

Bizarrement, la voix criarde s'était tue à l'arrivée du vieillard.

- Je ne repartirai pas sans mes amis ! reprit-elle.
- Qui te prouve qu'ils sont ici ?

Il avait répondu en calquant ses premiers mots sur les derniers d'Augustine. Il avait encore lu dans ses pensées. La jeune fille ne se laissa pas impressionner par la mauvaise foi de son interlocuteur.

- Ils vous ont vu ! C'est pas la première fois que vous vous en prenez à mes copains !
- Tu es courageuse d'être venue seule ici et de te confronter à moi, mais tu apprendras que personne ne s'attaque à moi sans le regretter amèrement.
- On vous a rien fait ! Rendez-moi mes amis, supplia-t-elle d'une voix plus chevrotante qu'elle ne l'aurait voulu. Je suis seulement là pour les ramener chez eux. Je sais très bien que je ne suis pas de taille contre vous, ni contre personne.

Augustine Baudelaire - T.1 - Les disparitions mystérieusesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant