Chapitre 1: La journée où tout a basculé

3.4K 113 38
                                    

La tête dans les nuages, je scrutais les rues de New York. On était au mois de décembre, et il faisait très froid. Il ne restait plus que deux semaines avant Noël et j’attendais les vacances avec impatience. Je me présente, Amy Stuart, 17 ans, en terminale au lycée de Manhattan. Mes deux meilleures amies, Joyce et Hayden m’attendaient devant le lycée comme d’habitude ce matin, mais pour une fois je n’avais pas envie d’y aller. Ce temps morne, gris, et froid était déprimant. J’étais aussi fatiguée dû à mes nuits mouvementées et je n’avais actuellement aucune envie de suivre un cours de mathématiques ennuyeux et/ou surtout je ne réussissais pas.

Un courant d’air me fit frissonner. Je resserrai mon écharpe en laine autour de moi. Le bus était chauffé, mais ça n’empêchait pas les courants d’air de se faufiler jusque sous mes vêtements. Tout en serrant mes bras contre ma poitrine, j’en profitai pour jeter un oeil à mon téléphone. 8 h 20. Dans 5 min, je serais arrivée. Je changeai de musique avant de poser ma tête contre la vitre du bus. Il n’y avait pas grand monde aujourd’hui dans les transports et c’était tant mieux. Je détestais quand il y avait trop de foule. Pourquoi ? Parce que je détestais être collée aux gens, être serrée et entourée par une masse humaine étouffante et malodorante. Le pire, c’était l’été, mais heureusement j’étais en France chez ma grand-mère. Je n’avais pas peur de la foule, mais si je pouvais l’éviter, je préférais. Tout le contraire d’Hayden. C’est pourquoi, tous les matins, elle m’attendait avec Joyce devant le lycée. J’étais un peu son ancre pour se rassurer, mais ça ne me dérangeait absolument pas. Hayden était un peu comme ma soeur et Joyce, ma meilleure amie. Ensemble, on formait un trio de choc. D’ailleurs au lycée, on nous appelait « Les triplés ». Il ne fallait pas se fier aux apparences, mais c’est qu’on se ressemblait physiquement et mentalement. Avec Joyce, nous étions toutes les deux blondes. La seule différence était qu’elle avait les yeux verts et que les miens étaient bleus, à la limite du gris. Hayden était une belle brune aux cheveux bouclés. Toutes les deux étaient appréciées dans le lycée et moi aussi. On faisait partie de celles qui ne voulaient pas être dans les populaires et qui ne voulaient pas non plus être dans les oubliées, on voulait juste être normales. De mon côté, je trouvais cette idée américaine débile. J’aurais bien voulu que cette règle disparaisse comme en France où elle n’a jamais existé d’ailleurs. Elle ne servait à rien à part causer des problèmes. En témoigne l’incartade avec l’autre conne de Cynthia et de son gang il y a quelques jours. L’envie de lui casser le nez me démangeait, mais je me retenais. Je me retenais pour éviter les problèmes. Un jour, je prendrais ma revanche. Finalement, c’est cette idée qui me remontai un peu le moral et je descendis du bus, sourire aux lèvres, pour rejoindre les filles.

« Hey ! »

« Hey, ça va ? » fit Hayden en me prenant dans ses bras.

« Bien, et toi ? » souriais-je en me retirant

« Oui super, mais je n’ai aucune envie d’aller en cours… »

« Moi aussi ne t’inquiète pas… » soupira Joyce.

« Oui, mais nous n’avons pas le choix, les filles. Allez, courage. On finit à 14h aujourd’hui c’est cool non ? » les encourageais-je en les poussant vers le portail du lycée.

« Ouais, mais ça va être long jusque-là. » désespère Joyce

« Allez, dites-vous qu’après, on pourra aller au Starbucks et faire un peu de shopping »

Comment motiver les filles ? Leur parler de nos activités quotidiennes. Depuis le temps, je connaissais la recette. Sitôt le mot magique prononcé, elles me prirent la main et coururent jusque dans la salle de mathématiques en riant. Rire qui disparut bien vite en voyant la tête de monsieur Davidson. Oui, oui… Davidson, comme la célèbre marque de moto sauf qu’il n’était pas de la même famille. De temps en temps, la classe chantait la chanson de Brigitte Bardot en français pour énerver le professeur. Aujourd’hui malheureusement, on ne put pas le faire, car le professeur semblait être déjà en colère et très nerveux. Nous étions des adolescents, mais nous n’étions pas idiots non plus. Le mettre en colère pouvait nous coûter cher, très cher. Du coup ce matin, nous étions sages. De toute façon, je n’avais pas vraiment envie de passer le reste de la journée en colle. Ça m’était déjà arrivé une fois donc plus jamais. C’est ainsi que j’écoutais le cours, attentive, mais perdue dans les calculs compliqués du prof. Les minutes passèrent, puis l’heure entière, sans que je ne m’en aperçoive. La sonnerie retentit dans les couloirs et je fonçai littéralement à mon cours préféré : le français, tandis que les filles partaient en histoire. Je pris place dans la salle de français et préparai mes affaires. Les autres élèves entraient en me saluant sauf Cynthia et son acolyte de toujours, Leah. Je ne les regardais même pas passer malgré les regardes de dédain qu’elles me jetaient.

« Allez-vous faire foutre », murmurais-je pour moi-même tandis que la professeure entrait dans la salle.

Je souris à la prof qui me le rendit et sur un « Bonjour » en français, le cours commença. C’est parti pour deux heures !

Ellipse***

Ça y est, c’était enfin l’heure du repas. On descendit à la cafétéria tout en bavardant. Le sujet du jour ? Le fils de ma prof de français qui plaisait beaucoup à Hayden et qu’elle avait croisé dans les couloirs plusieurs fois. Étant très timide, cette dernière n’osait jamais s’approcher des garçons. En général, c’est nous qui la poussions à y aller. Cette fois-ci, je pense qu’on la laissera un peu plus faire, tout en l’aidant un peu pour la mettre en confiance. Pendant qu’on mangeait, je rêvassais un peu. Moi, jamais aucun garçon ne m’attirait. Je ne savais pas pourquoi. Pourtant je n’étais pas très difficile, mais… les garçons du lycée ne m’intéressaient pas point final. Je les rejetais avec gentillesse, mais quoiqu’on en dise j’étais bien la seule fille à avoir un nombre record de râteaux. Même les mecs de ma classe n’en donnaient pas autant comparé à moi. Cette performance me faisait sourire d’ailleurs. Les filles continuaient à parler du garçon, et moi je les écoutais en silence. Dernier cours, et après nous avions fini. Heureusement que c’était mon option dessin et ça… c’était ma libération, mon exutoire. J’avais même hâte d’y aller. En finissant mon assiette, je remarquais soudain que Cynthia et son gang de hyènes nous fixaient de loin. Je lui lançai un sourire innocent, ce qui eut pour effet de l’énerver. Elle se leva soudain et se dirigea vers nous en roulant du cul.

« Attention les filles… Reine des greluches en vue… » murmurais-je à mes amies.

La grande asperge aux cheveux bruns se posta devant nous dans une position de mannequin.

« Alors Stuart ? On me cherche ? »

Je n’aurais jamais pensé qu’elle serait venue me voir mais tant pis, autant continuer, surtout qu’en plus tout le monde assistait au spectacle. Il ne fallait pas les décevoir.

« Moi ? Te chercher ? Oh non… ça serait t’accorder bien trop d’importance… » répondis-je tout en ricanant.

« Attention à ce que tu dis Stuart ou je te ridiculise devant tout le lycée ! »

Mais c’est qu’elle était en train de perdre son sang-froid celle-là ! À moi de jouer.

« Ah ouais, et tu leur dirais quoi ? Vas-y je t’écoute. »

Je me levai et me plaçai tranquillement devant elle tout en sirotant ma boisson. J’attendais qu’elle parle, mais à en juger par son air perdu, elle n’avait rien en stock contre moi. Je souris alors de toutes mes dents.

« Juste un conseil ma petite Cynthia, quand tu menaces quelqu’un, attend d’avoir des dossiers sur cette personne avant de parler. Sois un peu logique. Parce que là, entre nous, c’est toi qui t’énerves pour rien et surtout qui te ridiculises »

Sur ce, je repartis m’asseoir tandis que l’autre asperge faisait de même, ignorant les élèves qui se moquaient d’elle. Mes deux meilleures amies se retenaient de rire. Je leur tirai la langue, les joues toutes rouges et cette fois, on craqua toutes les trois, riant à s’en faire mal au ventre. Cette ambiance me faisait passer le temps froid et gris du dehors. Mon coup de blues disparut complètement quand j’arrivais dans la salle de dessin. Je pris un siège, sortis mon matériel et attendis le professeur et les autres. Ils arrivèrent quelques minutes après. Le professeur nous demanda de représenter notre animal fétiche de manière fantastique. En somme, on devait mélanger un animal et une chose qu’on aimait. Je sortis de ma poche mon pendentif de verre en forme de tortue et le gardai dans ma paume de main comme talisman. Je le sortais toujours pour dessiner. C’était un souvenir de mon père et je ne le quittais jamais. J’avais toujours aimé cet animal. Surtout les tortues de mer. Je les trouvais… magnifiques, gracieuses. Mon plus grand rêve était de pouvoir nager avec elles dans leur milieu naturel, mais cette excursion coûtait cher malheureusement et je ne pouvais pas me l’offrir. En regardant mon pendentif, j’eus soudain une idée et commençai à dessiner une tortue humanoïde en version chibi manga avec un chapeau haut-de-forme et une petite canne de gentlemen. Le résultat était à la hauteur de mes espérances. Je ne me vantais pas, mais le dessin était mon don. J’avais de très bonnes notes en dessin et je comptais m’inscrire dans une école d’art à la fin de l’année. Le professeur de dessin, monsieur Fate, disait que j’avais un talent fou. Je ne le croyais qu’à moitié, mais cette fois-ci, j’étais fière de mon dessin. 45 minutes plus tard, je le présentais à ce dernier.

« C’est adorable mademoiselle Stuart. Si je comprends bien vous aimez les tortues ? »

« Oui. C’est mon animal préféré. D’ailleurs pour faire ce dessin je me suis inspirée de ma tortue, Sheila »

« Très bien mademoiselle. Bien puisque vous avez fini, je vous donne vos devoirs et vous pourrez y aller »

Je hochai la tête et partis chercher mes affaires en regardant un à un les dessins des élèves. Dans la classe, j’étais la plus vieille, les autres étaient encore en première ou en seconde. Je les aidais et leur donnais des petites techniques de temps en temps. Les dessins que je vis aujourd’hui, étaient vraiment pas mal. Un garçon plus jeune s’énervait sur ma droite. Je décidais d’aller le voir et me postai derrière lui. Il avait un bon coup de crayon, mais le dessin manquait de réalisme et de texture.

« Tu devrais essayer d’accentuer beaucoup plus les traits sur les bras et les jambes. Fais en sorte d’amener de l’ombre sur les parties extérieures du corps comme ce sera bien plus réaliste »

Le garçon me fixa un instant, intrigué, puis il prit son crayon et épaissit le trait. Je hochai la tête, encourageante.

« Magnifique. Continue comme ça »

« Merci ! » s’exclama-t-il.

Je lui répondit d’un petit signe de la main avant de prendre mes affaires et de retourner vers le prof. Ce dernier me tendit un petit dossier que j’enfournais dans mon sac à la va-vite. Ça allait sonner dans 5 minutes. Je décidai d’attendre les filles devant la salle de sciences toujours en retournant mon pendentif dans ma main. Lorsque la sonnerie retentit, un flot d’élèves se déversa dans le couloir. Quelques-uns me saluaient en souriant en passant devant moi. Je répondais gentiment lorsque les filles vinrent vers moi. Je les attrapai par les mains et courus vers la sortie du lycée avec elles. En route pour les magasins ! Une bonne fin de journée en perspective.

Tortues Ninja: Les héros de New YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant