Chapitre 2: La journée où tout a basculé (partie 2)

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Assise sur un fauteuil, je regardais mes amies faire des allers-retours dans nos cabines d’essayage, une tonne de vêtements à la main. On avait inventé un petit jeu lorsqu’on faisait du shopping. Chacune sélectionnait cinq pièces en solde pour une de nous et, si les articles nous plaisaient, on les prenait. Bien souvent, on changeait de sens et on déterminait qui relookait qui à l’aide de la technique la plus ancienne au monde : pile ou face.

Aujourd’hui, Joyce devait m’habiller. Pour ma part, ce n’était pas chose aisée, mais je m’en sortais bien. J’étais mince, ce n’était pas le problème. En revanche comparé aux filles, j’étais petite. 1m66 contre 1m68 pour Hayden et 1m71 pour Joyce. Mais connaissant Joyce, elle allait trouver. S’il y avait bien une spécialiste de la mode, c’était elle. Personnellement, j’avais déjà fini ma sélection pour Hayden et attendais qu’elles finissent. Au bout de cinq minutes, les filles me firent signe. J’entrai dans la cabine et observai les vêtements. Deux hauts, un pantalon et deux robes. Bon choix pour les couleurs ! Je soupirai, un peu fatiguée et attrapai une première tenue. Allez, Amy. Que le défilé commence !

Ellipse****

Au terme de cette séance de shopping, je pris les cinq vêtements sélectionnés, car ce n’était vraiment pas cher et puis ça m’allait bien. A notre sortie du magasin, il faisait déjà noir. La température avait également chutée. Super, déjà qu’elle n’était pas bien haute. Je resserrai l’emprise sur mon manteau et rejoignit les filles. Elles avaient l’air en grande discussion. Personnellement, j’étais bien plus concentrée sur le froid qui me givrait le nez et les joues. J’avais vraiment horreur de l’hiver et du mauvais temps en général. Avec un temps comme ça, j’étais plutôt du genre à rester chez moi avec un plaid, un chocolat chaud et des films. D’ailleurs, en pensant à ça, je me fis la remarque que c’était un assez bon programme pour ce soir. Cette pensée en tête, je tentai de me réchauffer les mains en les frottant l’une contre l’autre. Un coup de vent me ramena soudain en arrière et je me décidai à avancer plus vite vers la bouche de métro pour rentrer. Je m’attendais à entendre les filles derrière moi, mais non, elles n’étaient plus là. Je pivotai sur moi-même, intriguée, et les aperçu plus loin, en train de faire la queue pour un chocolat chaud. Tiens, elles avaient lu dans mes pensées, mais malheureusement, le chocolat chaud, moi, ce sera en rentrant à moins que je m’arrête et le prenne pour leur faire plaisir. Je retournai aussitôt sur mes pas, pestant contre le froid et le vent.

« Qu’est-ce que vous faites ? »

« On prend un chocolat chaud et on arrive » répondit Joyce

« J’ai vraiment trop froid moi… » soufflais-je en frissonnant.

« Va dans l’entrée du métro et on t’apporte une boisson. C’est moi qui te l’offre. Ne t’en fais pas, on arrive » me sourit Hayden.

« Merci les filles », répondis-je en faisant demi-tour rapidement.

C’était vraiment adorable de la part d’Hayden, mais je n’étais pas surprise. Toutes les trois, on se connaissait depuis la primaire et de temps en temps, on s’offrait des petits cadeaux. En somme, c’est un peu comme avoir des soeurs. Une aubaine pour moi qui n’était que fille unique. Hayden, quant à elle a un grand frère et une petite soeur. Quant à Joyce, elle a un petit frère de 10 ans. De temps en temps, j’enviais leur vie de famille, et ce, surtout depuis la mort de mon père, il y a quelques années. C’était encore douloureux par moment et en l’occurrence, là, c’était le cas. Cherchant à évacuer la tristesse, je secouai la tête, préférant accélérer le pas. Enfin, je m’engouffrai dans la bouche de métro et descendis les marches vers le quai. Ici, il faisait un peu plus chaud et j’en profitai pour ouvrir un peu mon manteau. Les gens arrivaient petit à petit pour prendre le métro et comme moi, ils se libéraient un peu de leurs couches de vêtements hivernales. Une dame avec de jolis cheveux roux passa à côté de moi et me sourit gentiment avant de s’arrêter contre un poteau, à quelques mètres. C’est là que je remarquai son ventre bien arrondi. Ah, un heureux événement l’attendait bientôt. J’allais mettre mes écouteurs quand tout à coup…

« Couchez-vous !!! »

Un sursaut me fit limite bondir jusqu’au plafond tandis que l’homme hurlait de se baisser, devançant l’assourdissant coup de feu qui se répercuta contre les murs. Je m’allongeais immédiatement au sol tout en me bouchant les oreilles. Des cris et des bruits de pas se faisaient entendre dans les souterrains. Des voix agressives nous sommaient de ne pas bouger. Il ne me fallut pas longtemps avant de comprendre que nous étions victimes d’un attentat. La femme enceinte avait l’air d’être mal en point et elle paniquait totalement, essayant de protéger son ventre. Je tentai un mouvement pour aller la voir quand un homme en noir, armé, passa à côté de moi. Effrayée, je me paralysai sur place, attendant qu’il s’éloigne pour me précipiter vers elle. Je lui pris les mains et me postai devant elle, la rassurant du mieux que je pouvais.

« Ça va aller, ne vous inquiétez pas », déclarais-je doucement en posant mes mains sur son ventre pour la soutenir.

C’était un peu ridicule de dire ça, mais contre toute attente, elle eut l’air de se détendre un peu. Ce n’était pas pour elle qu’elle avait peur, mais bien pour son bébé. Ce qui était largement compréhensible au vu de la situation. Tant mieux, car d’autres hommes en combinaison noire arrivèrent pour nous menacer. Ne voulant pas courir de risque, surtout avec la femme enceinte, j’obéis, me demandant comment une journée aussi banale avait pu dégénérer comme ça. C’était presque comme si je me trouvais dans un film. Moi qui pensais que ça n’arrivait pas ce genre de chose… J’étais bien naïve. Après, il était vrai que temps qu’on ne vivait pas au moins une fois ce genre de choses, on ne pouvait pas savoir ce que ça faisait.

Je le confirmais à cet instant précis, étant bel et bien otage de terroristes. Tout en essayant de rassurer ma protégée, des plaintes me parvinrent alors que les coups de feu avaient cessé. Je me relevai, osant regarder. Personne ici n’était blessé, mais ils étaient tous choqués. Moi-même, j’en avais les larmes aux yeux et les mains qui tremblaient. En me voyant debout, je réalisai mon erreur et repris ma place en vitesse sur le sol froid et crasseux du métro. L’un des terroristes avait bien sûr vu mon geste et en profita pour prévenir les autres otages.

« Que personne ne bouge !!! Restez à terre sinon je vous pulvérise les entrailles !! »

Cette fois, je ne pus m’empêcher de pleurer pour de bon. Même si j’essayais de la cacher, la peur était forte et les armes à feu m’avaient toujours terrorisée sans que je ne sache pourquoi. Je ne pouvais rien faire contre les crises de panique en général, si rares soient-elles. Et comme d’habitude, je sentis cette angoisse envahir ma poitrine, me coupant la respiration. Bientôt, des gémissements sortirent de ma bouche tandis que j’essayais de retrouver mon calme. Il ne fallait pas qu’ils puissent m’entendre. En voyant ma détresse, la femme enceinte, posa ses mains sur mes épaules et se mit à respirer avec moi. Toutes deux, on se concentra sur notre respiration pour faire passer le stress, priant de toutes nos forces pour que quelqu’un vienne à notre secours. Cinq minutes interminables voire dix passèrent et pendant tout ce temps, je n’arrêtais pas de repenser aux filles qui devaient être là-haut, mortes de peur. Les secours et la police étaient arrivés. J’entendais l’agitation et les sirènes de là où j’étais. Ils étaient sans doute en train de se préparer à descendre. Malheureusement, ils ne pouvaient rien faire. Pour ça, il faudrait déjà que l’on puisse sortir avant. Il fallait donc que quelqu’un de l’intérieur vienne nous aider. Rassemblant tous mes moyens, je tentai tant bien que mal de trouver des idées pour nous sortir d’ici quand soudain la lumière s’éteignit.

Le sol se mit à gronder et un métro passa devant nous. Même si je ne voyais plus rien, un étrange sentiment de soulagement s’empara de moi. Une voix fit écho à mes pensées, hurlant quelque chose que je ne saisis pas. Tout à coup, le quai se mit à trembler sous nos pieds et le combat commença, réveillant les armes à feu et leur concert de balles. Comme d’autres passagers, je me mis également à hurler, profitant de l’occasion pour essayer de ramper jusqu’à la sortie. Bientôt, les coups de feu se turent, mais j’entendais très nettement les hommes armés se faire envoyer contre le mur. Alors que le combat faisait rage, d’autres que moi purent se lever et courir vers la sortie. C’était le moment ! D’un bond, je sautai sur mes jambes, pris la femme enceinte par la main et l’emmena avec moi en direction des escaliers. Un homme qui courrait à côté de nous l’aidait également. Entre-temps, je perçus d’autres cris plus aigus. Intriguée, je ralentis dans ma course vers la sortie. Grosse erreur ! Les gens se ruaient tous vers la sortie sans faire attention où ils allaient. Bousculée dans tous les sens, je n’arrivais pas à me relever ni à m’orienter.

Tout à coup, je me cognai la tête contre quelque chose et tombai sur les rails du métro. J’avais mal partout et je ne voyais rien du tout. Je voulus me relever, mais ma cheville en décida autrement. Elle se bloqua juste à ce moment-là, m’arrachant des cris de douleur. J’essayais de bouger tant bien que mal quand une lumière apparut au bout du tunnel. Le métro ! De plus en plus paniquée, je tentai de bouger, mais je n’arrivais pas à me relever. C’était la fin. J’attendis l’impact, les yeux fermés, mais il ne vint pas. Au lieu de ça, quelque chose m’attrapa et me souleva avec force pour me ramener sur le quai quelques secondes avant que le métro n’arrive. Mon cœur battait furieusement contre ma cage thoracique alors que je me trouvais là, allongée sur le sol, les larmes aux yeux. Il me fallut quelques secondes pour reprendre mes esprits et me relever avec l’aide du mur.

« Faites attention à vous, mademoiselle », fit une voix non loin de moi.

La voix était bienveillante, même si sous la surprise, j’avais totalement sursauté. Je voulus le remercier, mais la silhouette que je crus apercevoir dans la pénombre disparut aussi vite qu’elle était apparue.

« Attendez ! » criais-je.

Trop tard. Le temps de me relever, l’homme, mon sauveur, était parti. Sa voix me restait en mémoire, une voix rassurante et agréable. Heureusement qu’il avait été là sinon je ne serais plus de ce monde à l’heure actuelle. Le calme était revenu. Les combats avaient cessé, les cris aussi, le silence régnait. La lumière se ralluma et là… Je n’en croyais pas mes yeux. Tous les hommes, en noir, étaient attachés contre le mur. Certains étaient même inconscients. Qui avait bien pu faire ça ? Sans doute des justiciers. En tout cas, ils n’agissaient pas avec la police, ça me paraissait évident. Si seulement j’avais pu les remercier. Malheureusement, ils étaient déjà partis. Je remontai les escaliers en claudiquant, croisant des policiers au passage. L’un d’eux m’aida à remonter. Dehors, le froid m’assaillit de nouveau, mais je ne restai pas longtemps seule, car mes deux amies me foncèrent dessus.

« Amy !! »

« Amy ça va ??! »

Les larmes avaient séché, mais j’étais encore toute retournée.

« Ça va… »

« Viens, on te ramène chez toi ma belle »

« Oui, mais d’abord, je pense qu’il vaut mieux ausculter ma cheville », fis-je en grimaçant.

« Bien sûr » répondit Joyce

Elles me conduisirent immédiatement vers une ambulance. Les pompiers me bandèrent la cheville, me disant que c’était simplement foulé. Tant mieux, ça m’arrangeait. Une fois rentrées chez moi, mes amies me préparèrent une tasse de chocolat de chaud. J’étais encore sous le choc, mais je pus quand même accueillir la boisson que j’avais prévu de me faire ce soir. Dommage que ce ne soit pas dans d’autres circonstances. Les mains gelées et tremblantes, je saisis la tasse bouillante et fis le bilan de cette fin de journée. J’avais failli mourir, soit avec une balle entre les deux yeux, soit écrasée par le train. Heureusement que ma mère n’était pas au courant et n’était pas encore rentrée du travail. J’imaginais mal sa réaction… Je bus une gorgée de chocolat chaud tandis qu’Hayden s’installait à côté de moi.

« Comment tu te sens ? »

« Encore sous le choc… »

« Tu m’étonnes, mais qu’est-ce qu’il s’est passé en bas ? On a entendu énormément de bruit », demande Joyce en s’asseyant à ma droite.

« Je ne sais pas. Il y avait des types… je ne saurais pas dire combien. Je ne voyais plus rien. Bref en tout cas, ils ont réglé le compte de ces enfoirés et m’ont sauvé la vie par la même occasion »

« Attend quoi ?? Qu’est-ce qui s’est passé ? » s’écria Hayden

« Je suis tombée sur les rails et ma cheville m’a fait faux bond. S’il ne m’avait pas sauvée, je me serais fait écraser par le métro »

« Oh mon dieu… »
 
« On lui doit une fière chandelle… », murmura Joyce

« Oui… »

Un bâillement soudain faillit bien me décrocher la mâchoire. J’étais vraiment exténuée. Cette journée avait été riche en émotions. Les filles me firent un câlin et se levèrent.

« Bon, on va te laisser te reposer ma belle. Demain, si tu as mal, repose-toi et on préviendra les profs ainsi que le proviseur à ta place » m’ordonna Joyce.

« D’accord, c’est gentil, merci »

« Bisous ma belle », répondit Hayden en suivant mon amie vers la sortie.

Après avoir verrouillé la porte, je me mis en pyjama et tombai littéralement dans mon lit. Je ne mis pas longtemps avant de sombrer dans le sommeil....

Tortues Ninja: Les héros de New YorkOù les histoires vivent. Découvrez maintenant