Ce que femme veut - Part 8 - Bonne Nouvelle.

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J'ai rencontré notre avocat.
C'est un homme, il s'appelle Maître Dran. C'est un grand Blond, à peine plus âgé que nous. Il m'a assuré que ça irait vite, très vite mais il m'a pris 150 euros pour une heure de blabla juridique. Yanis doit me rembourser. Il prend les frais d'avocat à sa charge, c'est la moindre des choses quand tu brises le cœur de ton épouse dévouée. En sortant du cabinet j'ai eu envie de balancer mes 65 kilos dans la Seine. Pourtant j'avais fait un brushing et mis un tailleur. Mes parents veulent que je vienne au bled pour me ressourcer, ils disent que ça me fera du bien. J'sais pas. J'hésite. Je préfère partir à en Amérique latine avec Karima. C'est plus dans l'ambiance post-rupture.
En arrivant au boulot, Aznavour dans mes oreilles, j'ai remis mon sourire commercial et me suis empressée de demander à mes collègues ce qui venait de se passer. Deux voitures de police stationnaient devant le magasin.
- Un homme a tenté de tuer sa femme, a répondu Ilhem, une collègue du rayon Benefit.
- Quoi ?
- Je te jure, un pays de l'est.
- C'est pas français.
- Non, un pays de l'est, a insisté Ilhem.
- Non mais pas ta phrase n'est pas française a rétorqué Amélie,une collègue du rayon Chanel.
- Un homme d'un pays de l'est, a repris Ilhem agacée. Il a trainé sa femme par les cheveux près du rayon Dior et il parlait dans sa langue, on comprenait pas. On aurait dit Vladmir Poutine. Les vigiles ont essayé de le calmer mais il avait la force de Hulk.
- D'Hulk, a fait Amélie en levant les sourcils.
Ilhem l'a toisé en poursuivant :
- Du coup on a appelé les keufs mais sa femme était en sang. C'était affreux. C'est dans ces moments-là que je me dis que le mariage c'est pas pour moi.
- Toutes les femmes mariées ne sont pas battues !
- Si t'es pas battue t'es cocufiée, j'ai dit amèrement.
- Vous êtes très positives a rétorqué Amélie.
On a continué à discuter pendant dix minutes puis on a chacune repris nos places près de nos rayons attitrés.
ça me peine pour cette femme, mais mon mari à moi il n'était pas violent ... Enfin ... Bref ... Je ne veux pas divorcer! Ça me fait vraiment mal au cœur. C'est comme-ci une partie de moi très stoïque a fait le deuil de cette relation à sens unique et croit en l'avenir mais une autre, la rêveuse, l'adolescente, est persuadée qu'un cœur ne se donne qu'une fois. Je ne veux pas aimer quelqu'un d'autre. Ça me dégoûte. L'idée même de recommencer tout le processus de rencontre, de « faire confiance », d'être à nouveau « belle bien bonne » comme dirait Karima, c'est un véritable combat. Puis maintenant j'ai une histoire à mon actif, je vais être dans la comparaison, je vais me dire « mais il est crevard, mais il est pas drôle, mais il est chelou, mais il est con. » Je me connais. Je suis une pure idéaliste, Yanis, il avait tout « ...le regard et les mots. L'art de m'égarer, l'art de réparer mes maux pour redémarrer. » comme disait une chanson de Diam's. Mais c'était un sacré menteur. Au final peut-être que tout était faux, il était faux. Si ça se trouve je suis cocue depuis le début. Si ça se trouve il ne m'aimait pas, il avait juste un peu pitié ou c'était réellement un amour de pauvre. L'amour qui s'en va quand une autre arrive. S'il m'aimait vraiment, il aurait cherché à réparer notre relation. J'en ai conscience. Je l'ai compris. Karima me répète que je ne me rends pas compte de ce qu'il a fait. C'est faux. Je sais que c'est irrespectueux et méchant mais si je ne le dis pas c'est pour me protéger. Toutes les femmes trahies le savent, le silence est un pansement. Ça ne soigne pas, ça cache juste la plaie. Je ne vis pas un simple chagrin d'amour, je vis un déménagement, je vis la solitude, je vis les responsabilités, je survis. Je suis passée de la maison de mes parents à celle de mon mari. Je ne sais pas comment font ces femmes qui se suffisent à elles-mêmes. C'est une véritable angoisse. Karima m'a trouvé un appart, grâce à l'une de ses connaissances, un homme de 40 ans en plein burn-out. Il a lâché son appart du jour au lendemain pour retourner près des siens sur l'île de La Réunion et grâce à lui , je vais emménager dans un studio, métro Bonne Nouvelle. C'est près de République. C'est un 23 mètre carré. Le grand luxe, m'a dit ma meilleure amie.
- Franchement pour 700 euros charges comprises, t'es plus que bien.
Je gagne 1400 euros. Depuis que je suis séparée de mon mari, j'apprends à faire des économies. Karima est une vraie sœur, elle m'a hébergée gratuitement et ne m'a jamais demandé aucune participation, pas même pour la bouffe. Avant je pouvais claquer des billets dans des choses inutiles mais en quelques semaines, j'ai bien compris que j'étais tombée assez bas. Cette chute sociale, je la sens physiquement. Je ne déjeune plus avec mes collègues dans les restos aux alentours. Je ramène des petits trucs, des tupperwares, des restes. Ça tombe bien, je n'ai pas très faim. On ne peut pas vivre correctement avec 1400 euros. Les gilets jaunes ont raison. Une fois le loyer payé, autant vendre un rein.
Dans ma tête c'est clair, si je n'arrive pas à remonter la pente d'ici un mois ou deux, je plaque tout et je retourne à Bourges. La maison de mes parents est vide quand ils sont au bled. Au moins là-bas, je pourrais me refaire une santé.
- Madame, excusez-moi, Fenty c'est où ?
Une jolie jeune femme se tient devant moi, elle arbore un superbe maquillage. Je la complimente en l'accompagnant devant les produits de beauté de Rihanna.
- J'ai juste suivi un tuto, elle me confie.
- C'est très réussi en tout cas.
- Vous avez Instagram ?
- Oui.
- Tenez, ajoutez-moi, on garde le contact, quand je percerai dans le maquillage, je pourrai vous maquiller, elle dit en rigolant.
Je l'ajoute aussitôt. C'est la première fois qu'une parisienne, pardon, une cliente parisienne me parait si aimable.
Comme quoi, tout est possible.
*
- Dernier dîner entre copines, pleurniche Karima en recouvrant ses cheveux d'un foulard de nuit.
- Tu viendras chez moi ? Je dis inquiète. Tu viendras hein ?
- Evidemment mais ça ne sera pas pareil. Là on vivait ensemble.
- ...
- Tu seras bien à Bonne-Nouvelle, elle m'assure en se servant des lasagnes. C'est un quartier vivant. C'est mieux que la banlieue où tu végétais avec ton queutard.
- Mais je n'ai jamais vécu ...
- Oh Inès ! « Je n'ai jamais vécu toute seule » on a compris ! Change de disque. Tu vas t'en sortir. Puis t'auras un voisin sympa.
- Tu connais mes voisins ?
- Non, elle dit en soufflant sur une bouchée. Je connais un de tes voisins, enfin, lointain. Erdem, il habite à Strasbourg-Saint-Denis.
- ...
- Tu pourras faire des bouffes avec lui. Il est sympa, non ?
- Sans plus.
- Ah si, il est sympa. Il t'a trouvé cool.
- Je suis cool, j'ai dit en buvant une gorgée d'eau.
- ... Il m'a dit « Elle est timide mais elle est cool, ce serait bien de refaire des soirées avec elle. »
- Oula. Non merci.
- C'est ce que je lui ai dit, que t'étais pas trop soirée. Alors il a proposé un brunch.
- ...
- Dimanche tu ne travailles pas ?
- Non.
- OK, ben on brunche avec Erdem, Charles, Paul et Clara. Tu sais la grande brune dont je t'avais parlé. Ma pote guitariste.
J'ai beau refuser la proposition, Karima insiste, c'est important que je me sociabilise.
- T'as pas d'amis à Paris, à part moi. Faut que tu te bouges ma grosse, n'oublie pas que tu ne peux plus te cacher derrière ton mari. Bouge-toi.
Me bouger. Seule solution... 

Ce que femme veutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant