Ce que femme veut - Part 59 - Avoir la vie devant soi

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" Conjurer le sort de ce que la vie tue avant la mort ..."

Mes parents ne le sentent pas.
Ils m'ont assuré que ce mariage commençait mal et que le corona virus et la fermeture des frontières étaient un signe. Un mauvais signe. Evidemment, ils abusent. Mais je ne peux pas m'empêcher de penser qu'ils n'ont pas tort non plus. Depuis le diner chez les parents d'Erdem, je suis dans un sale mood. Je me sens humiliée et incomprise. Je n'arrive pas à m'ôter son regard bête de la tête. Quand Erdem a vu Derya, son amour d'enfance, il l'a observé comme un garçonnet qui découvre la beauté d'une princesse. Je ne me suis pas cachée de le lui dire et il s'en est défendu :
- Je ne m'attendais pas à la voir chez mes parents, c'est la surprise. Il n'y a rien à voir avec une quelconque attirance ... J'ai plus 13 ans.
Mais je n'y ai pas cru. Et comment aurais-je pu ? Ça sonnait faux, terriblement faux et fourbe avec ça. Les femmes ont une intuition bien aiguisée et la mienne n'a de cesse de crier « Arrête les frais ! Sa mère est folle et lui est faible ! » Alors j'ai pris mes distances, physiques et émotionnelles. On ne fait plus rien tous les deux. Nos nuits sont silencieuses, nos échanges plein d'une pudeur des amoureux qui ne savent plus quoi se dire. Je ne boude pas, c'est juste que je n'y crois plus alors je ne joue plus. J'ai plus envie de vacances que de croire aux belles paroles de mon mec. C'est pour cette raison que j'ai engrainé Karima à venir avec moi à Marseille, une copine maquilleuse m'a parlé de location pas cher et de repos qui en vaut le coup.
- Tu veux qu'on se barre à Marseille et une fois là-bas, tu pleureras ton mec, je te connais Inès, a déclaré ma meilleure amie.
- Pas du tout, six jours loin l'un de l'autre, ça ne peut que nous faire du bien.
Karima a été très facile à convaincre et le 1er août on trinquait à nos vacances dans un bar du 7ème arrondissement. C'est là-bas qu'on a rencontré une groupe de nanas de notre âge qui nous a invitées à les suivre dans une soirée villa. Je savais pas qu'à presque 30 ans ça existait encore le racolage de rue. Le groupe de nanas était composé de rebeus, d'une renoi et d'une blanche, très maquillée, que j'aurais bien retapé vite fait si j'avais eu mes pinceaux et mon blender sur moi.
- Vous avez l'air d'avoir besoin de vous amuser, vous, elles ont fait en riant.
Comme toujours, Karima, la sociable, a commencé à taper la discute avec elles et malgré mes réticences on a bel et bien continué la soirée dans une superbe villa de 240 mètres carré. Un délire, il y avait 60 personnes, des femmes des hommes, des jeunes, des moins jeunes et moi avec ma robe en col Claudine et mon malaise. Je ne pouvais pas m'empêcher de penser que si Erdem apprenait que j'étais là, il pèterait un câble. Il n'a pas semblé très malheureux que je décide de partir sur un coup de tête mais ce n'est pas une raison pour lui manquer de respect. Alors je suis restée sagement en retrait, observant Karima faire la moula, une coupe de champagne à la main, fredonnant du Heuss l'Enfoiré en se trémoussant. Pendant des heures j'ai réfléchi à ma vie assise sur un pouf super confortable, des chips dans un bol coincé entre mes genoux.
Alors que je pensais à ma situation en regardant ces invités s'amuser j'ai eu un sursaut de culpabilité et j'ai voulu tout dire à mon mec. Son téléphone a sonné mais il n'a pas décroché. Je me suis dirigée vers snap et je lui ai fait un vocal explicatif en m'éloignant de la musique et avant de refermer l'application j'ai regardé un de ses snaps dans la rue. Il marchait seul, mais en zoomant bien, on pouvait apercevoir des chaussures féminines pas loin de lui. Des sandales beiges, qui ressemblaient étrangement à celles portées par Derya lors du dîner chez l'autre sorcière. J'ai regardé le snap à plusieurs reprises et j'ai bien reconnu ses chaussures. Mais il se peut qu'une autre meuf à Paris ait les mêmes.
J'ai tenté de relativiser, de cadenasser ma paranoïa. Et alors que je rejouais le snap, le coeur au bord des lèvres, j'ai vu un couple s'embrasser à pleine bouche devant moi et ma peur s'est envolée.
J'ai compris. J'ai profondément compris. Des fois on se force à croire en quelque chose, on se berce d'illusions alors que depuis le début c'est clair comme de l'eau de roche. En les regardant s'aimer devant moi je savais ce que je devais faire en rentrant de Marseille mais en attendant, il fallait que je danse moi aussi, en me lâchant les cheveux et en riant. Il fallait que je sois légère, une fois dans ma vie, il le fallait.

"
Quand ton coeur bat, le mien bat, quand tes larmes coulent, les miennes coulent ...

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