Ce que femme veut - Part 47 - Make up artist

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Il n'avait même pas nié.
S'il m'avait caché cette injonction maternelle malsaine c'était pour me protéger.
- Sauf que dans un couple, c'est le genre d'infos qu'on partage, j'avais rétorqué.
Erdem répétait qu'il avait honte mais que ça ne se reproduirait plus et que désormais il me révèlerait tout. Depuis quelques jours il était de bonne humeur car sa mère allait sortir de l'hôpital le 19 mai. C'était bon signe, elle allait mieux. J'avais un peu de mal à me réjouir autant que lui. Cette femme commençait à me faire peur avec ses demandes farfelues allongée sur son lit de mort. Mais d'un autre côté je ne pouvais pas la blâmer plus que ça car son con de fils ne lui avait toujours pas déclaré mon existence. Certes elle m'avait vu au mariage de Lara, mais j'étais une amie, pas une petite-amie. Peut-être que si elle avait su que j'étais là, bien là, genre là blottie dans les bras de son fils tous les soirs, elle aurait pagayé dans mon sens.
Qui sait ?
Même si cette sombre histoire était restée dans un coin de ma tête, j'étais vite passée à autre chose après avoir confronté Erdem. Il fallait que je trouve de la maille pour compléter mon chômage partiel. La reprise du taf ayant été reportée au mois de juin, j'avais proposé à la hâte mes services en tant que maquilleuse à domicile sur un site et j'avais eu plus de 5 demandes pour des fiançailles, des mariages pavillon et des photos pour des apprenties influenceuses. Gagner de la thune était mon objectif premier mais il faut reconnaitre que ça me faisait un bien fou de remaquiller et de recroiser des êtres humains. Ma chaîne youtube était au point mort depuis quelque temps, mais je comptais la relancer avec des chit chat makeup sympathiques incessament sous peu.
Mon sixième rendez-vous avait eu lieu un mercredi pluvieux dans un appartement bien éclairé du 5ème arrondissement de Paris. Une meuf habillée en Zara de la tête aux pieds était venue m'ouvrir la porte, un masque rouge sang sur le visage et m'avait demandé de la suivre jusque dans un salon où attendait deux de ses amies. Dès que j'avais posé les yeux sur la grande femme, la tête baissée, aux ongles manucurées en noir qui ouvrait avec difficulté un plastique contenant un masque chirurgical j'avais reconnu Fidan. Lorsqu'elle avait levé la tête j'en avais eu la confirmation. Le même visage plâtré et creusé que la dernière fois que je l'avais vue. Sur le coup j'avais eu envie de me liquéfier, mais ma cliente, son amie : Dana, avait retiré son masque et m'avait indiqué le genre de maquillage qu'elle voulait. Fidan n'avait pas semblé me reconnaître, son bonjour venait bien trop du cœur pour être celui d'une ex qui reconnaissait la nouvelle meuf de celui qu'elle aime toujours.
Les mains tremblantes j'avais choisi d'assurer ma prestation, j'avais besoin de ses euros. Résignée, et le cœur battant j'avais sorti mes palettes et disposé mes crayons.
- Tu peux y aller, avait dit Dana, c'est pour une demande en fiançailles.
J'avais commencé par lui appliquer une base quand Fidan, sur son portable s'était levée pour se servir un verre d'eau.
- Je suis vraiment contente, elle avait fait, le verre à la main, sa mère rentre de l'hôpital le 19.
Ma main avait dérapé en entendant cette date.
- C'est vrai que j'avais bien besoin d'une petite claque, s'était moquée Dana.
- Pardon, désolée, vraiment pardon.
Elle avait souri puis avait continué à s'intéresser à son amie :
- Et vous vous voyez quand déjà ?
- Le 21, je crois.
- C'est vraiment qu'elle t'aime, avait craché, Pinar, la jeune femme en pyjama avachie sur le canapé.
- Elle veut juste que ça reprenne entre son fils et moi.
- Tu lui as fait la plus grosse des misères mais sa mère veut tout de même que tu épouses son fils, c'est un délire, avait soupiré Pinar en baillant. Cette fois-ci ne te rate pas.
- J'ai de la peine pour l'autre fille, avait déclaré Dana pendant que j'étalais le fond de teint, elle sait pas que la propre mère de son mec veut l'éjecter juste parce qu'elle a vu que c'était une Marocaine.
- Algérienne, avait rectifié Fidan.
- C'est pas une Turque quoi, avait conclu Pinar.
Mes mains tremblaient de plus en plus.
- Après, c'est pas gagné avait reconnu Fidan, faut encore qu'Erdem veuille se remettre avec moi.
- Si sa mère est mourante, vu comme il la respecte, c'est sûr qu'il va tomber dans le panneau.
- Je suis contente pour toi Fidan mais personnellement si le mec accepte ce deal, j'aurais pas confiance en lui.
- Pourquoi ?
- Parce qu'il en aime une autre.
- Mais il m'aime aussi, c'est juste qu'il ne s'en rappelle pas.
Ses amies avaient pouffé de rire en la traitant de conne. Concentrée, j'étais restée impavide, concentrée sur le maquillage chargé que Dana m'avait demandé. A l'intérieur de moi c'était Bagdad après les tirs des Américains.
- Les Algériennes elles sont combattives, avait rappelé Pinar, c'est pas dit, que l'autre meuf ne persiste pas.
- Elles sont fières, avait rectifié Dana.
- Ben l'un n'empêche pas l'autre.
- Quoi qu'il arrive, j'ai la daronne dans la poche.
- Mais c'est péché de faire des manigances de ce style, avait rappelé Pinar.
- Ben non, avant de mourir elle a le droit de choisir la femme avec laquelle elle veut voir son fils créer une descendance.
- Une femme qui l'a déjà planté à quelques semaines d'un mariage ? ça se voit que ta mère est proche de la sienne, autrement ce ne serait jamais passé.
Elles avaient débattu pendant plus de trois quart d'heure. Et grâce à mon impérieux besoin d'argent j'avais su me contenir, même éplorée intérieurement. Une fois le make up réalisé, Dana s'était admirée dans le miroir :
- Waouh, les commentaires avaient raison, t'as du talent.
Elle s'était tournée en direction de ses copines et elles avaient confirmé que ça lui allait bien. Dana m'avait tendu les 150 euros en jurant de me recontacter pour les autres évènements à venir.
- Merci.
- Puis on pourra faire connaissance, parce que là avec mes copines c'était un peu compliqué !
- Ouais, je comprends.

Malgré la gentillesse de Dana et une folle envie de faire pipi, j'avais déguerpie sans demander mon reste. J'avais attendu de rentrer chez moi pour pleurer et pisser en même temps. Lana avait raison, cette histoire n'était pas que de simples paroles sous sédatifs, il y avait un plan machiavélique derrière. Un plan qu'Erdem ne soupçonnait même pas. Je comptais pas me laisser faire. Il fallait que je contre-attaque
Mais comment ? Ça restait sa mère ...

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