Ce que femme veut - Part 30 - Virus

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« Et surtout n'hésitez pas à vous laver les mains plusieurs fois par jour. »

Assia, notre manageuse, a débité toutes ces paroles en laissant transparaitre une pointe d'inquiétude. La raison est simple à comprendre, l'une de nos collègues vendeuse présentait des symptômes grippaux hier et n'a toujours pas donné de nouvelles sur son état.
Claire a 38 ans, elle n'est pas dans le cœur de cible normalement, mais ses origines Italiennes suffisent désormais à semer le doute. Est-ce qu'elle a été en contact avec un membre de sa famille récemment ? Est-ce que ce dernier revenait de Lombardie ou Milan ? BFM TV a bien fait son taf, on est tous en panique à l'idée qu'elle ait été contaminée et nous aurait refilé le virus. J'ai beau paraître sereine, je suis pas bien. Travailler dans un magasin chauffé avec des clients et des collègues qui te touchent ou que tu touches toute la journée c'est pas très safe.
Heureusement qu'Erdem m'envoie quelques vocaux de son airbnb sur Hastings Street. Lui aussi s'inquiète de la situation, sa mère ne se sent pas très bien depuis deux jours mais ses proches ne savent pas encore si c'est une petite baisse de tension ou autre chose. Ce climat délétère nous a poussé à remettre en question mon hypothétique venue au Canada.
- Reste confinée, il a déclaré. Ça vaut pas le coup de prendre l'avion.
- Ben tu sais, quand on y pense, on est peut-être plus en sécurité dans l'avion que dans une ville aussi contaminée. J'ai plus envie d'aller taffer je te jure. Mourir pour 1500 euros par mois, non merci.
- Il ne faut pas céder à la panique, il a affirmé, c'est inquiétant c'est vrai, mais, il faut rester tranquilles. S'agiter ne sert à rien.
- Oui c'est le destin mais bon ...
- Si vraiment t'as besoin de te reposer, pose tes vacances. C'est le bon moment.
- J'avoue.
- Il y a des nouvelles séries sur Netflix, en plus, il a raillé.
On est restés au téléphone deux bonnes heures puis il a rejoint son collègue sur Robson Street.
Dépitée mais morte de faim, j'ai pris mon courage à deux mains et me suis dirigée vers Franprix, Karima devant dîner à la maison. Cette folle est revenue à Paris, fraîche comme une canette en été ; son masque sur le visage et son trench coat sur le dos. Elle avait bien perdu son portable durant son voyage. J'en étais sûre! Je l'ai engueulée, son silence radio m'a fait peur, mais elle n'en avait cure :
- Tu crois vraiment qu'il peut arriver quelque chose à une nana comme moi ? Même le Corona ne pourra rien me faire. Je suis Kabyle.
Et elle était fière de sa blague. Elle a exigé que je lui prépare une pizza maison pour célébrer son retour. Culottée. Néanmoins je me suis exécutée. En me rendant au Franprix je me suis rendu compte à mi-chemin que j'avais oublié de prendre avec moi la carte de fidélité du magasin. Je suis un peu pauvre. Les cartes de ce genre ça peut faire la différence sur quelques réductions. J'ai voulu faire demi-tour mais à ce moment-là mon portable a sonné, c'était Lara, la sœur d'Erdem qui prenait de mes nouvelles et me demandait mes disponibilités afin que je la maquille pour un évènement dans sa belle-famille.
- Le 22 c'est bon pour moi, j'ai confirmé.
Tandis que je lui parlais et me dirigeait vers le supermarché, un fantôme du passé m'a hélé.
Cette voix grave provenant d'une voiture je l'ai reconnue rien qu'à sa façon de prononcer mon prénom. J'ai ralenti le pas, je me suis tournée vers sa voiture et je l'ai entrevu avec son hoodie gris et ses yeux cernés.
Yanis.
Il m'a fait signe de m'approcher.
- Qu'est-ce que tu veux ? J'ai demandé interloquée.
- Approche, je vais pas te manger, il a postillonné en ouvrant sa portière.
J'ai demandé à Lara si je pouvais la rappeler, elle a bégayé « Bien sûr »
- J'ai des courses à faire, j'ai déclaré à mon ex-mari.
- Je serai pas long, il a assuré.
ça c'est sûr.
- Non, sérieux, je suis pressée, fais-moi un mail, j'ai lancé en arrangeant mes cheveux.
- On dit « envoie moi un mail », il a corrigé.
Nique ta m... j'ai intériorisé.
Il est descendu de voiture et m'a suivi dans le magasin Franprix. Il ne s'est pas excusé pour cette irruption dans ma vie, il a pris brièvement de mes nouvelles, par politesse, et m'a expliqué qu'il y avait un problème avec notre ancien compte joint qui devait être clôturé et séparé en deux ce mois-ci.
- Comment ça ? J'ai fait en choisissant des pates à pizzas.
- Il y avait 7000 euros dessus, on est bien d'accord.
- Oui.
- Ben il n'en reste plus que 4000.
- Comment ça ?
- La banque m'a appelé ce matin et m'a annoncé que le Trésor Public avait prélevé des pénalités de retard ou je ne sais pas quoi.
- De retard de quoi ?
- D'impôts je suppose, taxe d'habitation, je ne sais pas, c'est pas clair mais tout ce que je retiens c'est qu'on aura que 2000 euros chacun à la fin du mois.
- On a jamais eu de problème avec les impôts, j'ai craché. Pourquoi ils nous prendraient 3000 euros comme ça ? C'est insensé.
- Tu vas recevoir un courrier, je leur ai donné ta nouvelle adresse. Tu verras par toi-même il a affirmé.

Il a continué à me parler de cette situation puis a conclu qu'on s'était fait avoir par l'Etat mais qu'il valait mieux être de bons citoyens. Après m'avoir souhaité une belle soirée, il a fui. Je suis restée interdite une minute ou deux, ma pâte à pizza à la main. J'attendais le 30 mars 2020 avec impatience, 3500 euros sur mon compte ça aurait mis du bon beurre dans mes épinards amers. La seule chose positive résultant de ce vieux mariage.
Je n'arrive pas à croire que le Trésor Public ait pu nous ponctionner les 3000 euros sans menace ni relance. Il y a quelque chose qui ne va pas.
Yanis a toujours très bien géré les comptes mais s'il a été capable de me tromper pourquoi pas me voler ?
Je ne peux plus boire ses paroles, mardi matin, je me rends à notre banque.
J'en ai marre de me faire entuber.
Corona, ex-mari, je ne laisserai aucun virus m'atteindre !

Ce que femme veutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant