Ce que femme veut - Part 42 - Dis les termes !

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Je suis énervée mais c'était son anniversaire, alors je n'ai rien laissé transparaitre. Depuis la révélation de Lara, j'ai déchanté. Erdem a changé de comportement, il est devenu assez distant et très préoccupé. Je comprends totalement que la situation de sa sœur l'angoisse car il m'a confié que leurs parents étaient très à cheval sur le mariage, la réputation, les apparences ... Puis ils ont dépensé 40 000 euros pour ce deuxième mariage, le retour sur investissement n'est pas top, si je peux me permettre.Lara a été très pragmatique, elle a attrapé sa gosse et elles se sont installées chez Erdem, comme elle l'avait annoncé. Les parents de son époux ont été informés, du coup les parents d'Erdem et Lara aussi et depuis c'est joute oratoire sur joute oratoire. La mère de Lara ne la prend plus au téléphone, elle se dit déçue et Erdem, le fiston parfait, joue les intermédiaires. En soit, tout ça c'est leur dos, ça ne me concerne pas mais ce qui me fait mal c'est que la position d'Erdem me fait voir un trait de caractère que je déteste chez certains humains : le manque d'empathie. Je l'entends quand il parle en français avec son père, il blâme sa sœur d'être trop impulsive, trop impatiente, trop fière, comme si c'était NORMAL d'être cocue au bout de trois mois de mariage ! A l'entendre, c'est Lara qui a commis une erreur en faisant un abandon de domicile. Il ne prend pas du tout en compte sa douleur et son humiliation. Je dois dire que ça me déçoit beaucoup. D'une parce que ça veut implicitement dire qu'à ses yeux, l'infidélité dans ce sens, est tolérable et aussi parce que lui aussi est attaché aux apparences, comme ses parents. Dans tout son discours, ce qui ressort c'est « mais t'imagines pas ce que vont dire les gens, ma famille est grave respectée dans la communauté turque de France, mes parents ne supportent pas les ragots, encore moins sur leur fille. » Je le pensais plus « Français » sur ce genre de choses. Il a beau être journaliste, fumer, forniquer et jouer le beurgeois devant sa rédaction, quand on gratte, il y a pas mal de préjugés. Et même si j'ai tort, je ne peux pas m'empêcher d'y voir un red flag. Si le mec se montre aussi dur avec sa propre sœur, sa jambe gauche, comme il la surnomme, alors qu'est-ce qu'il en sera avec une femme comme moi ? Je ne suis pas turque, je ne viens pas d'une famille aussi aisée que la sienne, ma famille n'est pas côté dans la communauté Algérienne de France et surtout je suis divorcée et « seulement» vendeuse. Je lui ai lancé quelques piques pour voir sa réaction, il a nié : « Un diplôme ça ne fait pas quelqu'un, mieux vaut être un bon ouvrier qu'un vieux DRH. »J'y ai pas cru une seule seconde car ce sont les phrases typiques de mec quand ils veulent t'endormir. Alors j'ai relancé le thème du divorce et la perception dans sa famille : « Ben on est musulmans, pas les plus pratiquants c'est sûr, mais le mariage c'est pas la roulette russe non plus. Mes parents ils veulent forcément qu'on se marie et puis fin. Pas qu'on enchaine deux divorces à moins de 35 ans. Je pense que dans la plupart des communautés, même française, c'est plus dur pour les femmes que les hommes... Si demain je divorce, je pourrais me remarier sans aucune difficulté, mais pour une femme il y a toujours l'idée : si ça n'a pas fonctionné c'est de sa faute. Hormis dans les cas de violences ou de double vie avec des gosses et compagnie, on pardonne moins aux meufs qui claquent la porte. C'est un tort, je suis d'accord, mais c'est ancré dans beaucoup de mentalités. »Sournoisement je lui ai dit : - Mais comme tu décris tes parents, je les vois mal accepter une femme qui n'aurait pas un parcours irréprochable pour leur fils chéri. - C'est quoi un parcours irréprochable ? Il a demandé comme s'il n'avait pas très bien compris. - Ben une non-Turque, qu'aurait pas un diplôme de dingue et qui se serait déjà mariée. - Je ne vais pas mentir, je n'ai jamais été dans cette situation jusqu'ici mais quand la question se posera, je ferai ce qu'il y a à faire pour obtenir leur aval. On s'est quittés sur cette note d'espoir mais je n'arrête pas d'y repenser et mon intuition me dit que je vais souffrir. Je découvre un Erdem à la botte de ses parents, qui est prêt à dénigrer les choix de sa sœur juste pour sauver l'honneur. J'étais prête à pardonner un adultère en partie pour ces mêmes raisons, mais le temps m'a bien prouvé que quand on pense qu'au regard des autres, on ne pense plus à soi. On n'agit plus avec amour, on est juste dans l'égo. Je respecte vraiment le choix de Lara, parce que c'est le choix d'une femme blessée, qu'est déjà passée par le chemin de la tromperie et qui s'aime assez pour dire : NON. Son nouveau mari a grave des thunes et il l'a prise avec un enfant alors que lui n'en a pas, apparemment ce détail était un miracle pour eux, mais il s'est loupé et elle préfère rester seule avec sa gosse plutôt que d'être dans un mariage hypocrite et pétri de rancœur. On ne peut pas lui en vouloir de choisir une vie apaisée. C'est vraiment dur de vivre en couple. Alors quand le couple est gangréné dès le début, ça ne vaut pas la peine de se faire tant de mal. Je pense que le mari de Lara n'a jamais été fidèle et peut être qu'il avait besoin d'une couverture qui passe bien pour kiffer sa life de niqueur. Je fais peut être trop le parallèle entre sa situation et la mienne, mais j'y retrouve beaucoup de similitudes. On ne peut pas tromper une personne qu'on aime. C'est impossible. Et qu'on arrête de parler de l'instinct de pénétration de l'Homme, zehma sa queue veut des trucs que sa tête ne veut pas. Y a rien à dissocier. Un homme qui ne veut pas tromper sa partenaire, résistera, il ne cédera pas à la tentation. Quand tu aimes une personne tu arrives à anticiper l'impact que ton égoïsme aura sur elle. Comme en amitié, on ne divulgue pas un secret, on ne devient pas amie avec l'ennemie de sa pote. Il y a des règles tacites dans les relations humaines qu'on connait tous et qu'on respecte parce qu'on aime les gens même si parfois on serait bien tentés de faire l'inverse juste pour notre plaisir personnel. Erdem a bien senti que cette histoire avait impacté la nôtre, du coup il fait un peu profil bas et essaie d'utiliser les bons mots quand il s'exprime devant moi. Seulement, je suis déjà en alerte, déjà consciente que sa famille est moins accueillante que la mienne. Mes parents sont certes vieux, mais ils ont l'air plus ouverts que les siens. Ils ont digéré mon divorce et en sont arrivés à la conclusion : mieux vaut que notre fille soit seule plutôt qu'avec un connard. Certes ils espèrent que je vais me remarier avant la fin 2020 mais au moins, ils m'ont prouvé leur amour. Pourtant ils ont presque 70 piges et n'ont pas été à l'école très longtemps. Lara et moi parlons beaucoup par notes vocales. J'essaie de la soutenir du mieux que je peux, sans jouer la future belle-sœur qui gratte l'amitié. Je sais très bien que si je prends totalement son parti et qu'Erdem le vit mal, je vais sauter. Ils ont un lien vraiment fort. Je les ai entendus s'embrouiller à plusieurs reprises. Il l'enchainait et elle, pareil. Une heure plus tard, ils s'envoyaient des « memes » en parlant de la pluie et du beau temps. C'est comme s'ils ne pouvaient pas rester en embrouille plus de quelques minutes. C'est ouf. Mes frères et moi dès que l'un dit : « Allez ta gueule, je veux plus t'entendre », on s'entend plus pendant 6 mois. Fierté algérienne. Quand on utilise certains mots faut assumer ! Malgré ma sale humeur, pour ses 31 ans, j'ai commandé un Fraisier et acheté du Champomy. Erdem adore les anniversaires, je ne pouvais pas l'en priver, ça aurait été méchant. Lara est venue avec Nur, sa fille et on a passé quelques heures tous les quatre. C'était super convivial, parce que même s'ils ne sont pas d'accord sur la décision de Lara, ils arrivent à faire abstraction et à casser des barres comme si de rien était, mais j'ai quand même eu hâte que ça se termine. Intérieurement j'étais saoulée. J'ai célébré cet anniversaire juste parce qu'il était chez moi et qu'en tant que petite-amie il y a des missions à assumer. J'en avais clairement pas envie. D'ailleurs j'ai plus envie de grand-chose. Il ne me rassure pas. Il ne se projette pas. Il a 31 ans quand même. On ne parle pas d'un gamin de 24 ans qui vient de signer son premier CDI et ne sait pas encore ce qu'il veut faire de sa vie. Me soulever, oui, ça il le voulait ! On aurait dit le roi Arthur lors de la quête du Graal. Il a mis près d'un an pour y arriver. Seulement pendant ce confinement, je m'attendais à plus. Je m'attendais à entendre du vrai français, celui de Molière. Pas des murmures en turc ! Si je ne lance pas les sujets brûlants, on reste en surface. C'est bien de vivre un peu ensemble, de faire les courses tous les deux, de se coucher blottis dans les bras l'un de l'autre mais si c'est juste pour faire ça qu'il m'a coursé pendant tous ces mois, c'est pas la peine. Chacal, je veux un mari, pas un copain!Je suis vraiment en plein doute et même Karima, reine du non-engagement a été un peu étonnée : - Pillow-talk, elle a éructé ! Tu donnes tout ce que tu as donné, puis tu lui poses les vraies questions et tu lui dis tes plans. Vous allez pas tourner autour du pot jusqu'au déconfinement. S'il ne te présente pas à ses parents ou ne parle pas de toi à sa famille c'est qu'il ne t'envisage pas encore comme sa promise. Après vous n'êtes pas ensemble depuis si longtemps ... mais je comprends ton inquiétude parce qu'Erdem il a l'air assez carré sur ces trucs-là. - Merci ! C'est ce que je me dis aussi. - De toute façon, la communication c'est ta seule arme. Confie-lui tes peurs et s'il prend la fuite, tu sauras. - Il a plus d'appart, il ne peut pas fuir, j'ai dit avec certitude. - Encore mieux ! elle s'est écriée. Il est fait comme un rat ! Même si je ne veux pas lui mettre de couteau sous la gorge, Karima a raison, il faut qu'on arrête les rébus, faut dire les termes. Je vais lui demander de manière frontale s'il compte se poser avec moi ou s'il en est encore à « kiffer le moment » parce que je veux bien être patiente mais pour quelque chose de clair. Moi non plus je ne veux pas me marier en juin, mais au moins savoir qu'on est sur la même longueur d'ondes et que je ne donne pas mon temps et mes cuisses que pour rigoler, ça me rassurerait. Les sentiments sont là, la cohabitation se passe plutôt bien, mais on fait quoi de tout ça si ça n'a aucun but à moyen terme ? Je ne veux pas souffrir. Même si j'ai conscience que c'est déjà trop tard. Dieu connait les coeurs, je l'aime. Mais j'ai connu le feu de la déception, je sais à quel point ça brûle, je ne veux pas le revivre. S'il faut le quitter et pleurer toutes les larmes de mon corps mieux vaut le faire maintenant plutôt que dans 6 mois. Erdem doit passer aux aveux. Et je dois lui dire clairement ce que j'ai sur le cœur.

Ce que femme veutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant