Ce que femme veut - Part 52 - Belle-mère gangsta

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Les choses se sont remises en place comme avant. Enfin presque. On ne vit plus ensemble. C'est mieux pour le moment, puis il n'y a plus le confinement pour faire semblant de croire que c'est juste de la colocation de circonstances. Erdem est aux petits soins. Il m'invite au restaurant, m'offre des fleurs et m'a acheté un sac Jaquemus que j'avais épinglé sur Pinterest. Ce qui se passe entre nous est léger et tendre mais ça reste fragile. Je vois bien qu'il est triste parfois, qu'il a l'air ailleurs et j'imagine que c'est de ne plus parler à sa mère qui le met dans cet état.
Elle est bien reloue, celle-là. Déjà qu'elle a « forcé » psychologiquement Lara à se remettre avec son infidèle de mari peut-être porteur d'une IST tant il se la donne dans Paris, maintenant elle rend mon Erdem dépressif ! Sacrée génitrice.
Samedi dernier on a fait un barbecue chez Dan, un pote graphiste d'Erdem qui habite à Herblay. On a bien mangé, bien ri et tandis qu'Erdem parlait de sciences sociales avec les 6 autres convives j'ai subtilisé son portable et j'ai pris le numéro de sa mère. J'en ai évidemment profité pour inspecter ses messages whatsapp, snapchat, insta et twitter. R.A.S. Aucune Fidan, aucune collègue trop sympathique, tout avait l'air clean. Rassurant ? Bof, d'expérience je sais que les meilleurs trompeurs ont rarement un smartphone bourré d'indices ! Mais c'est un autre débat. Le lendemain, dans l'après-midi, j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai appelé ma future belle-mère. Elle n'a pas compris tout de suite qui j'étais mais quand j'ai précisé Inès, algérienne, là ça a fait tilt dans son cerveau de communautariste. Brusquement, elle m'a demandé s'il était arrivé quelque chose à son fils.
- Non, il se porte bien hamdoulah. Je voulais juste m'assurer que de votre côté aussi ça va.
- T'es docteur ? elle a demandé sèchement.
Putain, « elle est grave chaude la sexagénaire » j'ai pensé intérieurement. Je lui ai expliqué que je voulais juste apaiser les tensions et lui faire part de mon impuissance face à la situation actuelle.
- Erdem est malheureux, vous lui manquez, j'ai dit avec douceur, et je suis sûre qu'une bonne discussion tous les quatre, avec votre mari, pourrait tout arranger.
- Je ne discute pas avec les femmes comme toi, elle a éructé. Erdem est un bon garçon, qui a fait de bonnes études et qui mérite une bonne femme, très belle, très éduquée et de chez nous. Toi tu vas lui amener quoi ? A part des problèmes ?
- Sur quoi vous vous basez pour dire ça, madame ?
- Tu es divorcée et tu es une simple coiffeuse. Mon fils il a fait Sciences Po Paris pour finir avec une femme comme toi ? Non, je pensais qu'il voulait juste s'amuser avec toi mais qu'il était raisonnable et qu'il allait viser une belle Turque, dentiste ou entrepreneur comme Fidan.
J'ai pensé à la corriger sur mon métier mais je me suis rendue à l'évidence que coiffeuse ou maquilleuse c'est la même idée et que vénère comme elle semblait l'être ça empirerait peut-être mon cas.
- Sauf que votre Fidan lui a brisé le cœur, je lui ai fait remarquer. En tant que mère, ça devrait vous faire peur qu'elle ait la possibilité de recommencer.
- Tu as un enfant ?
- Non.
- Alors comment tu peux parler en tant que mère ? elle a demandé avec mépris. Mon fils est un grand garçon et Fidan a été troublée par un autre homme qui lui a vendu du rêve. Ils étaient heureux ensemble avant qu'elle commette cette erreur. Mais elle s'est repentie et il faut pardonner. Nous ne sommes que des servants de Dieu. Depuis que Fidan n'est plus dans sa vie, Erdem n'avance pas, il vit tout seul, fréquente tout et n'importe quoi et ne s'intéresse plus à grand-chose. C'est ça qui me brise le cœur. Il mérite ce qu'il y a de mieux. Et un bon mariage et une longue descendance.
- J'arrive à comprendre que vous vouliez que votre fils fasse un beau mariage avec une jeune femme de votre communauté, que vous avez vu grandir, sauf qu'entre vos souhaits et la réalité il y a un monde, j'ai fait avec arrogance. Erdem est un homme très bien éduqué et ouvert d'esprit, vous ne pouvez pas l'enfermer dans des traditions et des rites qui ne le rendent pas heureux. En tant que croyants ce qui nous importent c'est ce qu'il y a dans le cœur et dans l'âme ...
- Ce qu'il y a à l'extérieur compte pour moi, elle a fait sans ambages. Je ne veux pas que mon fils épouse une maghrébine. Ça ne se fait pas chez nous. Je suis désolée mais ce serait la honte pour ma famille. J'ai déjà une fille qui divorce tous les deux mois, je ne pourrais pas accepter qu'on se moque de l'union de mon fils avec une coiffeuse. Les apparences ont de l'importance dans notre famille, on est des gens respectés.
- Maghrébine c'est moins que rien, vous croyez ? J'ai demandé les larmes aux yeux.
- J'ai pas dit ça. Je dis juste que c'est pas turc, c'est pas de chez nous. C'est pas nos codes.
- Très bien mais si Erdem lui fait le choix de m'épouser ?
- C'est un homme, il peut, elle a reconnu, mais il me renie par la même occasion, parce que de mon vivant, je ne pourrais jamais accepter une maghrébine dans ma famille. Jamais.
- Mais madame ...
- Il n'y a pas de mais, elle m'a interrompu, comporte toi en femme digne, tu insistes trop, laisse mon fils tranquille. Ça suffit ! ça fait des mois que je ne dis rien mais là c'en est trop. On est une grande famille, si tu ne veux pas comprendre avec les mots, tu comprendras autrement.
- Comment ça, j'ai fait. C'est des menaces ?
- Tu le prends comme tu veux.
- Ben si c'est des menaces larvés, sachez que moi non plus je suis pas tout seule, j'ai des frères, des cousines, je suis Algérienne, si vous voulez qu'on joue aux plus fous, il y a pas de problème.
- Aucune dignité. Tu menaces la mère de l'homme que tu veux épouser ? elle a fait en se plaçant en victime. C'est très grave.
- Ben oui retournons les rôles, j'ai persiflé.
- De toute façon, j'ai été claire, Erdem, le sang de mon sang, la chair de ma chair épousera une Turque. Dieu m'en est témoin.
Sincèrement, face à tant de fermeté je n'ai plus su quoi dire alors je lui ai dit que tout était entre les mains de Dieu, que je lui souhaitais une bonne soirée, comme une bouffonne et j'ai raccroché. Le visage rongé par les larmes je me suis sentie comme une moins que rien, une pauvre petite chose, une crotte sur la chaussée. Évidemment que les discriminations existent, qu'on plait moins à certaines personnes qu'à d'autres pour des raisons ethniques et culturelles, c'est triste mais ça existe et j'en ai toujours eu conscience mais que la mère de l'homme que j'aime me le dise en pleine tête, c'est forcément plus violent qu'une simple idée dont on a conscience. Elle m'a foudroyé. Je me doutais que la conversation ne déboucherait pas par une planification de hammam en tête à tête à la grande Mosquée de Paris, mais je m'attendais à un brin de courtoisie et d'hypocrisie. Il y a des codes dans cette société, on ne dit pas à la meuf de son fils qu'on ne l'accepte pas parce qu'elle est coiffeuse, divorcée et Arabe. C'est grave quand même ! On est où là ? Dans une grande entreprise Française ? Dans une comédie avec Christian Clavier ? Je suis pour la franchise mais à son niveau c'est tranchant. Elle m'aurait planté un couteau dans la poitrine que ça aurait eu le même effet. Je saigne intérieurement. J'étais connement persuadée que mon appel allait calmer les tensions. Elle avait l'air si douce lors du mariage de Lara ... Putain ! Je suis naïve. Il faut toujours se méfier des belles-mères, en fait, qu'elles ressemblent à une sorcière comme la mère de Yanis ou à une crème comme celle d'Erdem c'est kifkif ! « Mon fils, mon fils, mon fils ! » arrête ton cinéma ! On ne fait pas des enfants pour leur dicter leur vie et commander tout ce qui s'y passe. Encore une fois, je comprends qu'il y ait des bases qu'on veuille garder et perpétrer mais juger une personne sur son origine ou son rang social et académique, c'est primaire ! Elle force plus que Queen Elisabeth avec Harry. Je me demande vraiment comment une femme comme elle a éduqué un futur journaliste. C'est invraisemblable. Elle est toute fière d'agiter le diplôme de Sciences Po de son fils mais pour qu'il choisisse avec qui faire sa vie, à là, c'est touchy, elle doit mettre son grain de sel ! Je suis désabusée. C'est bien beau d'avoir renoué, de se faire des câlins, d'envisager un avenir ensemble mais si sa vieille lui fait du chantage affectif et finit par lui retourner le cerveau ou monter une équipe pour m'abattre, ça vaut pas le coup. J'ai pas envie de mourir, moi. Même si elle est pas ouf, j'aime ma vie. Et je sais pas jusqu'où cette femme est capable d'aller pour nous séparer. Je regrette pas de l'avoir appelé parce qu'à tout moment il y aurait pu avoir un contrat sur ma tête, sans que je sache.
Je force le trait mais je suis sérieuse, je suis fatiguée de tout ça. Faire deux pas en avant pour en faire six en arrière, c'est bon, j'ai donné. Vivre dans le péché et « l'illégalité » familiale ? Ça va ça aussi on n'a plus 15 ans ! Qu'on formalise tout ça et qu'on en finisse.
Après m'être refait une face, j'ai préparé un rôti. Erdem est arrivé avec la salade et des bouteilles de jus. Après avoir tout déposé sur la table, il m'a enlacée tendrement et je n'ai pas pu attendre plus longtemps, je lui ai tout dit : pour la subtilisation de son téléphone chez Dan, la conversation avec sa mère et surtout ma peur. Alors qu'il était bouche-bée comme assommé par ma prise de risque et la violence de sa mère, j'ai bégayé :
- Est-ce que t'es sûr de vraiment vouloir tout ça ? J'ai fait très sincèrement. Parce que je t'en voudrais pas si, là, maintenant, tu me disais : ça va trop loin, j'assumerai pas sur le long terme, on arrête tout. Mais si on continue tous les deux, que je prends des balles au sens propre vu ce qu'a dit ta mère, et au sens figuré, je te pardonnerai jamais de m'abandonner en plein milieu d'une bataille comme celle-là. Je préfère que tu réfléchisses, que tu pèses le pour et le contre. On joue plus là.
- J'ai jamais joué, il a dit prestement en passant une main sous son nez. Et je meurs à l'instant si je te mets en danger. Ma mère c'est une comédienne! Tantôt mourante, tantôt gangsta, elle est incapable de faire du mal à qui ce soit.
- T'es sûr de ça ?
- Oui.
- Pourtant tu doutais qu'elle puisse s'allier à Fidan pour que tu retombes dans les filets de ton ex et que vous fassiez de beaux bébés turcs. Erdem, réveille-toi un peu. Elle a compris que nous deux c'était pas du bluff, si elle arrive à te couper la parole depuis des jours alors que t'es son enfant et qu'elle t'aime, tu ne sais pas ce qu'elle est prête à faire pour être sûre que ta descendance ne soit pas turco-algérienne.
- Y a pas de ça dans ma famille il a juré. Ça crie, ça parle beaucoup, mais y a pas de dinguerie.
- Qu'importe, je t'ai posé une question.
- Et la réponse, tu la connais, il a fait en se rapprochant de moi. C'est à la mort inchAllah. Je me suis pas remis avec toi pour abandonner au moindre obstacle. Je veux qu'on se marie, qu'on ait des enfants. C'est clair dans ma tête. Et pour te le prouver j'ai demandé à Lara de préparer un repas chez elle samedi prochain pour te présenter mes cousins et l'une de mes tantes du côté paternel. Je suis bon en jeu d'échecs. Tu vas voir, ma mère va céder.

Il avait l'air confiant alors j'ai décidé de lui faire confiance ... Mais bon ...

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