Ce que femme veut - Part 38 - La famille qui nous veut du bien ...

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Mon frère, Abder, m'a appelé pour la première fois depuis mon divorce. Le choc.
Il m'a demandé si ça allait bien. J'ai trouvé la question culottée après des mois de galère et de souffrance mentale, que lui dire? Il a raté pas mal de trains ! Je pense que c'est notre mère qui lui a intimé l'ordre de prendre de mes nouvelles parce que de lui-même il ne l'aurait jamais fait. J'ai essayé de jouer les petites sœurs gentilles, j'ai demandé si mes nièces d'amour allaient bien.
- Ça va, faut les occuper mais ça va.
J'adore mes nièces, elles ont 9 et 7 ans, elles sont superbes, tout du moins il y a deux ans, elles l'étaient. Ma belle-sœur Myriam et moi on s'entendait plutôt bien mais pour une vieille histoire, elle a commencé à me dénigrer auprès de mon frère. J'ai pas apprécié et j'ai coupé tout contact. On ne se voyait déjà pas très souvent à l'époque mais cette mini-embrouille nous a vraiment éloignés. Abder est le plus suiveur de mes deux frères. Moha, l'aîné, est un peu plus juste, même si sa femme, une Française, ne m'apprécie pas des masses. Je pense qu'elle me trouve pas assez fun.
En vrai, j'ignore pourquoi mes belles-sœurs sont si froides avec moi. Je me dis que mes frères y sont pour beaucoup parce que s'ils avaient une haute estime de moi, leurs nanas suivraient.
Ce constat m'a fait beaucoup de mal, j'en ai beaucoup pleuré, surtout de moins voir mes neveux et nièces. Je les ai vus naître, ça fait quelque chose de ne pas les voir grandir, mais je suis résolue à faire avec car j'estime avoir été assez patiente et gentille avec ces pièces rapportées. Le pire c'est qu'elles squattaient bien ma chambre avant de se faire passer la bague au doigt. J'étais la petite dernière, elles se disaient que c'était un point bonus de se montrer sympa avec moi pour que les parents valident leur mariage. Amandine était vraiment ma préférée, avec son sourire charmeur, ses grands yeux bleus et ses cheveux blonds. J'étais fière d'avoir une belle-sœur aussi belle qui en plus exerçait un métier intéressant ; assistante sociale. Mais le mariage, le pavillon de banlieue et les gosses : Noé et Assia, l'ont rendu stressée et obtus d'esprit. Puis elle a toujours tenu un discours super méprisant sur la religion. Même si on n'est pas les meilleurs pratiquants de France, on observe certaines pratiques, on croit en Dieu et elle aimait bien lancer des phrases du style :
« Ton frère fait le Ramadan, il me casse la tête avec son jeûne qui sert à rien. » ou alors « Nos enfants goûteront à tout une fois plus grands, s'ils veulent s'envoyer une tranche de jambon, je vois pas pourquoi ils s'en priveraient. A 18 ans ils choisiront de suivre un dogme ou non. J'espère que non d'ailleurs. »
Et mon frère, ce gogolito, ne l'a jamais remise à sa place. Pour le porc, ils font comme ils veulent, ils éduquent leurs enfants comme ils en ont envie, mais « jeûne qui sert à rien », le dire devant moi, qui elle le savait, le fait depuis mes 13 ans, c'est insultant. Ce qui me dégoûte le plus c'est qu'elle ait fait semblant de s'intéresser à la religion devant mes parents juste pour qu'ils donnent leur aval pour le mariage alors que ce n'était que du bluff. Ce qu'elle voulait c'est Moha, elle l'a eu, elle nous a calculé jusqu'à la naissance d'Assia puis basta.
Je sais qu'Amandine me méprise profondément parce qu'avant mon mariage avec Yanis, attablées à une terrasse de café on discutait de la décoration et on en était venues à parler de la soirée puis de la nuit de noce. Elle avait lancé :
- De toute façon, c'est pas le plus stressant puisque tu revois ce que tu vois régulièrement.
Et dans un sursaut de sincérité, j'avais déclaré :
- Moi je vois rien, je suis vierge.
Elle s'était étranglée avec une gorgée de son soda. Rouge comme une pivoine elle avait répété :
- Eh ben, c'est ... bizarre.
Après cette révélation nos rapports n'avaient jamais plus été les mêmes. C'est dommage parce qu'Assia, sa fille, est le portrait craché de ma mère et j'adorais voir cette petite, juste parce qu'elle ressemble à la personne que j'aime le plus au monde.
En bon grand frère qui fait son devoir annuel, Abder m'a tenu la jambe pendant quinze longues minutes. Étrangement généreux, il m'a demandé si j'avais besoin de quelque chose.
- Non, ça va. Merci.
Au même moment Erdem s'est réveillé de sa sieste et a bougonné quelque chose en se rendant dans la cuisine. J'ai couvert sa voix en toussant.
- Y a quelqu'un avec toi ? m'a demandé Abder à l'oreille affûté.
- Non...enfin, oui, Karima.
- Ah elle est chez toi, elle ?
- Oui, j'ai menti.
- OK, ben si t'as besoin de quelque chose tu me dis, je vais faire les courses une fois par semaine, je peux faire un détour pour te déposer ce qui te manque ...
- C'est très gentil.
Hypocritement je lui ai dit de passer le bonjour à sa femme, Myriam et j'ai repris mon souffle en raccrochant. Dès que mes frères m'appellent je suis en panique, ils le font tellement rarement que je m'attends toujours à ce qu'ils m'annoncent un décès. De retour avec une bouteille de Yop à la main, Erdem s'est inquiété de me voir si agitée.
- Dès que je parle à mes frères, je frise la tachycardie.
- Ils sont si durs que ça ? il m'a interrogé un peu surpris.
- C'est pas vraiment qu'ils sont durs, enfin, comment dire ... Avec leurs femmes c'est des bolosses, mais avec moi, c'est bizarre, ils sont gentils, mais c'est comme s'ils voulaient contrôler ma vie mais pas comme les frères violents et fermés d'esprit. Mes frères m'ont jamais touché mais parfois dans leur attitude ils sont super blessants et injustes. Par exemple, ils ne voulaient pas que j'épouse Yanis. Avec du recul ils avaient raison, mais à l'époque leur argument c'était « je le sens pas » et ça a duré des mois, ils ont fait douter mes parents mais j'étais acharnée, alors ils ont cédé mais si tu vois les photos de mon mariage, mes frères sont archi distants et Moha et Amandine, sa femme, sont partis avant le gâteau. En fait, il y a un peu jalousie dans ma famille, parce que je suis la dernière, je suis une fille et genre mes frères on leur a rien laissé passer. Moi j'ai arrêté l'école assez tôt par rapport à eux, j'ai jamais eu de problème d'argent, mes parents m'ont tout donné et eux non. Puis on a dix ans d'écart. Ça crée une distance.
Erdem m'a écouté religieusement puis a confié :
- Je vois. Ça me fait bizarre d'entendre ça parce que ma sœur c'est ma jambe droite. On est super proches.
- Je sais. Mais tu sais on s'habitue à tout, parfois, j'oublie que j'ai des frères. Je me sens plus fille unique.
- C'est dur ce que tu dis Inès.
- Ben c'est vrai... La fraternité c'est comme l'amitié, ça s'entretient. Faut se parler de temps en temps, se voir, se soutenir, se conseiller ... J'ai jamais connu ça. J'ai divorcé, on m'a dit « ah dur » mais personne ne m'a dit « viens dormir à la maison ». Ils s'intéressent vaguement à ce qui se passe dans ma vie mais c'est plus pour vérifier que je me foire comme ils l'avaient prédit quand j'ai épousé Yanis. Après, c'est vrai que si je leur avais dit tout ce que Yanis m'a fait, ils l'auraient défoncé, j'en suis sûre, mais personnellement je préférerais du soutien affectif, tu vois. Des frères c'est pas là que pour protéger physiquement. On n'a aucune complicité tous les trois. J'ai 27 ans dans quelques semaines, je suis divorcée et je continue à leur mentir en leur faisant croire que ma meilleure amie dort chez moi de peur qu'ils me prennent la tête et montent celle de ma mère contre moi. Tu vois l'ambiance ?
- Ah oui c'est chaud quand même.
- Et je te parle pas de leurs épouses respectives qui ne font rien pour améliorer la situation.
- Lara aussi avait des belles-sœurs relou, ça a un peu joué dans son divorce.
- C'est une plaie les belles-sœurs! Moi je me trouve très gentille mais je pourrais plus supporter qu'une belle-sœur me nargue, m'humilie, me flique ou m'envoie des piques.
Erdem m'a regardé avec insistance comme pour deviner si je lui envoyais un message subliminal.
- La famille c'est important, quand tu tombes c'est elle qui te relève, il a fait en prenant une gorgée de Yop.
- Je le conçois très bien. J'ai pas de sœur de sang mais Karima c'en est une pour moi. Évidemment que son avis compte beaucoup mais la famille n'a pas toujours raison et parfois elle projette ses peurs sur ton couple. En voulant te protéger on peut te priver de ton bonheur...
- C'est sûr ... Mais personnellement, j'accorde beaucoup d'importance à l'avis de mes proches ; père, mère, sœur et mon cousin Kahil, qu'est venu me chercher à l'aéroport. C'est les gens qui me connaissent le mieux et je sais qu'ils veulent mon bien autant que je veux le leur.
J'ai souri timidement en me demandant si j'avais fait bon effet auprès de sa mère au mariage. Difficile à dire, elle était gentille avec tout le monde.
- Et Kahil il n'était pas au mariage de Lara ?
- Non il était au bled à ce moment-là.
- Et du coup tu comptes me le présenter quand ? j'ai demandé avec aplomb.
- Ben ... quand on sera plus confinés. On se fera une bouffe avec sa femme et lui, si tu veux.
- OK, je note.
On a lancé Netflix et pendant qu'il cherchait une nouvelle série à suivre à deux, je me suis répétée qu'il fallait que je plaise à ce Kahil, car Lara ne m'avait pas à la bonne. Si ce couple doit aller loin, il faut le soutien de ses proches. Il a été formel, leur avis compte beaucoup pour lui. Je ferai tout pour qu'ils m'aiment...

Ce que femme veutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant