Ce que femme veut - part 55 - Plus forceuse que moi

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Je croyais avoir compris mais ce n'est que sur le pas de la porte, alors qu'il enfilait ses Stan Smith sans chaussettes qu'Erdem a bégayé un drame qui concernait Lara.
J'ai pensé à l'accident de voiture, à une fausse-couche ou à des coups assénés par son mari, mais il n'en était rien. Elle a tenté de se donner la mort en avalant des barbituriques.
Oh mon Dieu, j'ai pensé en couvrant ma bouche ouverte d'une main.
Une fois de retour chez lui, Erdem ne m'a pas fourni beaucoup de détails. Il a juste dit qu'elle avait vrillé et qu'il fallait vraiment qu'elle divorce.
- Elle n'a jamais fait des trucs comme ça, il a assuré. C'est tous ces adultères et la pression de nos parents ! Je te jure que si elle en était morte, je m'en serai voulu toute ma vie.
Il a pleuré. Dans mes bras. De rage bien plus que de peine. Il s'est souvenu de son attitude assez désastreuse pour un frère, quand elle est venue chercher du secours et du réconfort auprès de lui. Il a vu ses parents devant l'hôpital, il a consolé sa mère en larmes, mais à part invoquer Dieu, ils n'ont pas eu de véritable de discussion. C'est ce qu'il m'a dit. Le père, lui, abasourdi, lui a confessé qu'il abandonnait :
- Mariez-vous, divorcez, moi c'est bon, j'en ai eu assez avec vous deux !
Le quinquagénaire savait que cette TS allait faire le tour des pavillons du 95, tout le monde allait parler de Lara, la désespérée qui a voulu disparaitre alors qu'elle est mère de famille, jeune, jolie et assez aisée. Son mari, le gros bâtard a été le seul habilité à lui tenir compagnie. Quelle ironie. La pauvre s'est blindée de barbituriques pour le fuir et après un bon lavage d'estomac, le premier être humain qu'elle a vu à son réveil c'était celui qu'elle avait voulu fuir. Le mariage peut être la pire des prisons. C'est dingue.
Évidemment tout est tombé à l'eau avec ce drame, plus de repas de présentation, plus rien, Erdem, incapable de travailler a passé la fin de la semaine chez ses parents et à l'hôpital. C'est même moi qui l'ai déposé devant chez ses parents samedi tant il était désorienté, incapable de conduire. Je suis fière de moi car j'ai conduit plus d'une demi-heure sans faire dans mon froc. Quand j'étais avec Yanis, je paniquais dès que j'atteignais le périph. Faut dire que comme co-pilote c'était pas le meilleur, il me criait dessus et se moquait de mes créneaux ce chien des rues.
Alors que je m'apprêtais à m'en aller boire le café chez Karima, la mère d'Erdem est sortie de chez elle et m'a dévisagé. Mes lunettes sur le nez, j'ai fait semblant de ne pas l'avoir vue et j'ai redémarré la voiture mais Erdem m'a hélé. J'ai fait une petite marche-arrière belle gosse et j'ai descendu la vitre.
- Viens, il a dit. Elle veut que tu viennes.
Prise de panique j'ai décliné l'offre. Ça sentait le traquenard. Venir boire un thé et être empoisonnée au cyanure ? Non merci. Il y a un esprit trop mortel dans leur famille ces temps-ci.
- Inès, ma mère t'invite à la maison, il a insisté en écarquillant des yeux rougis par le manque de sommeil.
Acculée, j'ai garé la voiture et j'ai passé un peu de poudre sur mon front qui commençait à dégouliner, mon entrecuisse aussi commençait à suer mais je n'avais pas de talc sur moi. J'ai rejoints Erdem et sa mère dans le jardin très bien entretenu de leur pavillon et les jambes tremblantes j'ai suivi le mouvement. Mon cœur battait à plein régime.
Après avoir retiré mes sandales et m'être lavée les mains, je suis rentrée dans le salon où le daron regardait une série turque en grignotant des olives. Je l'ai salué timidement et je me suis assise sur le canapé couleur écrue.
Un chat est venu fouetter mes cheveux avec sa queue et m'a fait sursauter.
- Tu m'avais pas dit que vous aviez un chat, j'ai glissé à Erdem.
- Qui n'a pas de chat ? il a fait en attrapant des chips.
Très vite le père d'Erdem l'a interpelé et lui a proposé d'aller fumer dans le jardin. Oh non, je me suis dit intérieurement. Mon mec s'est levé sans un regard pour moi et a suivi son père. Quoi de mieux que de se niquer les poumons en famille ? Je suis restée seule quelques minutes puis Madame communautariste est réapparue avec du thé et des gâteaux. Elle m'a demandé combien de sucre je voulais.
- Deux, merci.
Elle m'a tendu une petite tasse et m'a regardé longuement sans un mot. Je voulais disparaitre, mais vraiment me liquéfier et devenir du thé à la menthe.
Voyant que le silence était vraiment trop long, je lui ai dit :
- C'est de la menthe de France ? Ou de Turquie ?
- Non, du marché, pas loin de la maison, elle a fait.
- OK, parce que ma mère en faisait venir d'Algérie souvent.
- Ah oui ?
J'ai hoché la tête.
- Vous avez une jolie maison, j'ai fait en jetant un regard au grand salon lourdement décoré.
- Merci.
A nouveau un long silence plein de gêne et d'entrecuisse en sueur s'est imposé avant qu'elle ne dise :
- Je voudrais bien rencontrer ta mère.
- Pardon?
- Si c'est sérieux avec mon fils, il faut que je rencontre ta mère.
- ...
- On n'a eu assez de malheur comme ça, on ne va pas vivre dans le péché plus longtemps. Est-ce qu'elle serait disponible la semaine prochaine ?
- Non, euh, mes parents vivent en Algérie.
- Ah mince. Alors s'il fallait organiser une rencontre il faudrait attendre que les frontières s'ouvrent ? ça fait long.
- ...
- Je pourrais les avoir au téléphone peut-être et on pourrait convenir d'une date.
- Quoi ? Pardon, j'ai fait en toussant. Date de quoi ?
- D'un mariage religieux.
- Mais Erdem ne m'a rien demandé ... enfin, il n'a pas demandé à rencontrer mes parents, c'est ... subit tout ça.
- Oui je préfère prendre les rennes, elle a dit, dans notre famille, je m'occupe de ces choses-là, mais si tes parents ne sont pas à Paris, il va falloir le faire par téléphone.
- Non mais ... je ne peux pas me marier sans mes parents, ça ne se fait pas.
- Tu préfères vivre dans le péché ?
- Ce n'est pas ça mais ça fait un an qu'on se fréquente, on peut bien attendre quelques semaines que les frontières s'ouvrent ...
- Et si avec la deuxième vague elles n'ouvrent pas ? Non, le mieux c'est qu'on ne perde pas de temps et qu'on fasse ça en août en petit comité, ici.
- ... Euh, je comprends pas trop, j'ai fait sonnée.
- Ma fille vient de tenter de mourir, je veux juste sauver mon fils.

Enthousiaste elle s'est mise à me présenter le déroulé de la cérémonie et là je me suis dit : dans quelle merde je viens de me fourrer ?

Ce que femme veutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant