Ce que femme veut - Part 46- Déceptions à la chaîne

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Je reprends le taf dans une semaine. En attendant, j'ai procédé à un autodéconfinement en me rendant chez Karima à Miromesnil. Son ex, le british a vidé les lieux et habite désormais chez des amis à place des Ternes. Il a des potes friqués.
Seule, dans un deux-pièces, ma meilleure amie a retrouvé des couleurs.
- Je suis soulagée, elle a fait en me tendant du label. La vie à deux c'est vraiment pas pour moi.
- Tu vas pouvoir assumer le loyer, toute seule ?
- Non, je pense pas, il va falloir que je cherche un appart mais la flemme. Il y a plus de place à la coloc dans laquelle j'étais, c'est la merde. Et toi ? Comment ça se passe avec Erdem ?
Je me suis enfoncée dans son canapé sans coussin. Je lui ai appris pour la mère et la sœur de mon mec et Karima n'a pas paru très surprise.
- Il m'avait déjà parlé des ennuis de santé de sa daronne.
- Du coup c'est un peu bizarre entre nous.
- Tu ne sais toujours pas si vous allez dans la même direction ? elle a demandé surprise.
- Exactement. C'est le statu quo.
- C'est embêtant. Perso, je déteste quand le mec tient les rênes de la relation, ça me stresse.
Karima ne me réconfortait pas du tout. A part me conseiller d'insister pour avoir des réponses claires, elle était incapable de me fournir plus de conseils. Je pense que cette histoire qui n'avance pas la soule. Dans les transports qui nous menaient à sa rédaction, elle a dégainé son iPhone et a commencé à swiper à la recherche de ses prochains coups d'un soir. Lorsqu'on est arrivées devant les locaux de Libé, j'ai été assez surprise de découvrir Erdem en pleine pause clopes avec le sosie d'Adriana Karembeu, une belle plante slave d'1m80, aux cheveux aussi blonds que des pailles d'or. Dès qu'il m'a vu, il a cessé de sourire. Sympa. En récupérant son feu, Karima lui a fait la remarque :
- Elle te donne le pep's Svetlana.
Il n'a pas répondu. Il m'a prise dans ses bras en m'assurant que c'était sa seule clope de la journée.
- C'est entre Dieu et toi, je lui ai rappelé.
En voyant ce rassemblement d'orientaux Svetlana s'est vite sentie en trop, elle a écrasé son mégot puis elle est rentrée dans l'immeuble en nous faisant un signe de la main.
En recrachant sa fumée Karima n'a pas pu s'empêcher de postillonner :
- Ça va mieux ta mère ? Inès m'a dit qu'elle était hospitalisée.
- Oui ça va un peu mieux. Mais ce n'est pas encore ça, il a concédé en jouant avec son briquet. On se fait du chawarma, ce soir ?
- Oui si tu veux, j'ai dit en le dévisageant.
Karima a fini sa cigarette puis a enfourné deux chewing-gum dans sa bouche devant nous. Elle ne fait pas le Ramadan, elle l'a fait qu'une fois dans sa vie et a fait une chute de tension au bout du 20ème jour, depuis, elle part du principe que son corps rejette l'idée du jeûne.
- Je donne aux pauvres, elle avait dit avec fierté, eux ils crèvent la dalle 365 jours par an.
Elle nous a souhaité une belle journée et s'est éclipsée en imitant une chorégraphie de tiktok, sa passion pendant le confinement.
- Tu m'en veux ? a demandé Erdem une fois seul face à moi.
- Non mais, ça sert à quoi de jouer l'hypocrite ? T'as envie de fumer ou même de manger, fais-le. C'est pour Dieu que t'es censé te priver, pas pour moi ni pour quelqu'un d'autre.
Gêné Erdem a avoué avoir trop de soucis en tête pour ne pas fumer au moins une clope avant la coupure du jeûne. Sa réponse m'a déçue. Il y a des fumeurs qui ont bien plus de problèmes que lui mais qui tiennent, tout est une question de force mentale et de volonté.
- Je te reconnais pas trop, j'ai dit presque malgré moi. Je pensais que t'étais un mec en accord avec ses paroles. Si j'étais pas tombée sur toi aujourd'hui, tu m'aurais jamais dit que tu faisais un Ramadan à ta sauce.
- Je suis pas censé divulguer mes péchés non plus ...
- Oh ça t'arrange ! Sauf que si tu trahis Dieu ... qui tu ne trahiras pas.
Cette phrase l'a visiblement vexé, il a prétexté avoir du taf et prévoir de rentrer vers 20 heures. Il m'a vite tourné le dos en regagnant l'immeuble. J'ai remis mon masque et je me suis engouffrée dans le métro avant 15 heures.
Une fois à l'appart, j'ai rappelé Lara. Elle avait cherché à me joindre à plusieurs reprises.
- Je peux passer ? Elle a demandé un peu essoufflée. Je suis chez Erdem.
En quinze minutes elle était là, dans son jean Levi's et sa blouse bleu ciel, elle était resplendissante. Après s'être lavée les mains, elle m'a énoncé la raison de sa venue :
- Je suis en train de faire un truc très grave, elle a dit. Si ma famille l'apprend je risque des problèmes.
- Comment ça ? Ton divorce ?
- Non, elle a fait en reniflant, ça c'est en stand-by.
- Ça concerne Erdem ? j'ai demandé le cœur agité.
Elle a hoché la tête.
- Inès. Ma mère a demandé quelque chose à Erdem quand il l'a vu à l'hôpital, il y a deux jours en présentant sa carte de presse.
- ...
- Elle est persuadée qu'elle va mourir.
- ...
- Et elle veut voir son fils marié et heureux.
- ... Ah ben c'est plutôt une bonne nouvelle, j'ai souligné.
- Avec une Turque, elle a conclu.
Décontenancée, je n'ai pas su quoi dire.
- Si je te dis ça, c'est pour te préparer psychologiquement à l'idée qu'il peut ...
- NON ! J'ai fait en riant nerveusement, c'est impossible.
- Il a rien dit, elle a rappelé. Ni oui, ni non. Et c'est ce qui m'a le plus choqué. J'adore mon frère mais là je pense qu'il est un peu perdu et que si les médecins confirment que ma mère peut s'en aller à tout moment ... Dieu seul sait ce qu'il fera pour la contenter.
- Tu te trompes Lara, il n'est pas prêt pour le mariage.
- C'est ce dont je suis convaincue mais ... Bref, je pense qu'il fallait que tu le saches, je sais pas quand il t'en parlera, s'il t'en parlera, parce que s'il ne le fait pas, ça signifie sans doute qu'il ne rentrera pas dans cette combine de satisfaction mais personnellement j'aurais aimé qu'on me le dise. Encore une fois j'adore mon frère, mais en tant que femme divorcée j'ai de la peine pour toi et je voudrais pas que tu t'attaches à une relation qui risque de sauter pour les convenances de notre famille. A cause du qu'en-dira-t-on je me retrouve à vivre avec un mec qui me dégoûte ! Et on a beau me dépeindre comme la tête brûlée de la famille, j'ai juste l'impression d'être une jeune femme qui rêve de mieux que des humiliations à la chaîne. Ma belle-famille a de la thune et une bonne réputation c'est vrai, mais ça ne fait pas le bonheur. J'ai vraiment peur qu'Erdem tombe dans ces travers parce qu'il ne sait pas dire non aux parents sur ce genre de choses. Il a choisi son métier, ses mauvaises habitudes, son indépendance mais pour les choix du cœur, c'est un enfant. Je veux juste te prévenir. Je sais que c'est dur à admettre mais chez nous, c'est le bonheur des parents avant tout. Crois-moi, je suis bien placée pour te le dire.
Je suis restée sans voix, abasourdie, sonnée quelques secondes.
On a discuté pendant une heure et Lara est repartie préparer le ftour pour son mari infidèle, sa fille et sa belle-sœur mineure venue dormir chez eux.
C'est comme si le ciel me tombait sur la tête. Il était impossible de m'imaginer qu'Erdem puisse m'avoir caché une telle chose.
J'étais en sang intérieurement.

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